Conseil municipal de Paris;
?Je n'ai l'honneur d'être ni propriétaire, ni négociant dans votre quartier; j'en suis le plus simple électeur;
?J'ai pris mes grades dans trois facultés et je travaille pour gagner ma vie;
?J'étais expéditionnaire à l'administration des cultes; j'ai été révoqué pour avoir signé une pétition en faveur de la liberté;
?Si vous approuvez les basses oeuvres du Conseil qui gouverne actuellement la Commune de Paris, ne me donnez pas vos suffrages;
?Je défendrai dans tous mes votes:
?La liberté des pères de famille;
?L'égalité de tous les citoyens dans la protection qu'ils ont le droit de demander aux lois;
?La fraternité qui ne traite pas en suspects les frères des écoles et les soeurs des h?pitaux;
?La franchise m'ordonne de vous déclarer mes opinions politiques et religieuses:
?J'estime qu'un peuple sans religion est un peuple sauvage;
?Je crois que la France, privée de son roi légitime, est une nation décapitée et condamnée à devenir la proie de ses ennemis;
?Ainsi j'ai toujours cru, ainsi je croirai tant qu'une goutte de sang coulera dans mes veines.
?JACQUES DE MéRIGUE, ?93, RUE DES SAINTS-PèRES.?
Cette ferme et fière proclamation produisit dans tout Paris l'effet d'une bombe d'énergie honnête, au milieu d'un camp de sceptiques et de ramollis. Toute la presse s'occupa de ces quelques lignes de prose claire, simple et vibrante, tracées par un inconnu qui, du matin au soir, était devenu célèbre. Les feuilles conservatrices exultaient de joie et s'écriaient qu'on avait enfin un homme. Les journaux républicains disaient aimer ce langage net et dépourvu d'obscurités. D'Escal et Sermèze étaient radieux. Mérigue trouvait tout cela très naturel et recevait comme lui étant parfaitement dus les compliments et les hommages. Une seule idée l'enthousiasmait: la pensée que toute cette renommée qui fondait sur lui allait le rapprocher de son idole.
Le soir, lorsqu'il rentra chez lui, son concierge, jadis rèche, maintenant souriant et obséquieux, lui remit un monceau de cartes de visite qu'il s'amusa à dépouiller sur sa table boiteuse.
En voici quelques-unes:
Le prince de La Roche-Bernard félicite M. de Mérigue de sa courageuse attitude.
Madame Salotru, blanchisseuse royaliste, envoie à M. de Mérigue tous ses compliments et l'assurance de sa parfaite considération.
Le général, comte de la Croisaie, grand officier de la Légion d'honneur: Bravo, jeune homme, vous êtes un brave.
L'abbé de la Gloire-Dieu, vicaire de Saint-Barthémy: sympathies bien cordiales.
Anselme Rotin, employé de commerce, a l'honneur d'informer le candidat qu'il votera vraisemblablement pour lui.
L'avant-dernière carte était insérée dans une enveloppe et ainsi con?ue:
Gustave Coupessay, directeur des Oratoriens de la rue de Monceau, envoie à M. de Mérigue toutes ses congratulations et lui fait conna?tre qu'il sera trop heureux de l'attacher à son établissement dans les conditions qu'il voudra bien fixer lui-même.
--Tiens, dit Mérigue, il a fait une évolution, l'animal d'hier au soir.
Puis il lut la dernière carte:
Théodore de Vannes, élève externe au collège de la rue de Monceau, apprend que M. de Mérigue va donner des le?ons à l'école et le prie de lui réserver quelques heures. Il saisit cette occasion pour serrer la main au vaillant candidat royaliste.
--Théodore de Vannes!!! Le frère de Blanche! s'écria Jacques. Ah! mon Dieu! je tiens les étoiles... enfin!...
VI
FIANCéS
--Vous ne savez pas, ma chère, disait à Mlle de Vannes le jeune duc de Largeay, petit bellatre insipide, empesé comme un faux-col et raide comme un échalas, vous ne savez donc pas?
--Quoi? fit Blanche d'un air distrait et quelque peu ennuyé, sans regarder son noble fiancé.
--Eh bien! cet espèce de polisson qui vous regardait l'autre jour à l'église d'une fa?on si impertinente...
--N'en dites pas de mal, cher duc, il est très bien.
--Ah! quel bon go?t, ma chère, enfin, laissez-moi vous finir mon histoire.
--Faites, mais faites vite.
--Je l'ai rencontré tout à l'heure.
--Je regrette de ne pas avoir eu la même chance.
--Vous êtes aimable... je sais son nom.
--Vous êtes bien heureux.
--Jacques de Mérigue.
--Tiens, un joli nom.
--Vous trouvez?
--C'est tout ce que vous aviez à m'apprendre?
--Ah! mais non... un peu de patience.
--Vous voyez que je n'en manque pas.
--Ce Mérigue est l'étonnant candidat qui a signé les affiches extraordinaires dont tout le monde parle.
Blanche, à ces mots, prêta une attention plus soutenue aux paroles de son fiancé.
--Vous dites? interrogea-t-elle.
--Ce Mérigue, votre insolent admirateur, n'est autre chose que ce candidat qui fait tant de bruit.
--Tiens, tiens; mais il devient tout à fait intéressant, ce jeune homme.
--Quoi! ce malotru qui a osé...
--Ta, ta, ta, pas de gros mots; pourquoi lui en voudrais-je de me trouver bien? Est-ce que vous ne dites pas comme lui, par hasard?
--Ma chère, si je ne croyais de manquer au respect que je vous dois...
--Ne craignez rien, allez, j'ai bon dos.
--Je vous dirais...
--Pas de conditionnel.
--Que vos réflexions frisent l'impertinence.
--C'est un point de vue.
--Et je ne comprends guère qu'à un mois de notre mariage...
--Un mois!... qui vous a dit cela?
--Mais je croyais... pardon!
--Vous êtes bien pressé.
--Quel changement soudain.
--Vous enterrez bien vos vies de gar?on, vous autres...
--Mais, chère amie, je ne suppose pas que vous
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