d'allegresse,?Et benit le retour de sa chere Princesse.
TYGRANE.?De qui?
FALANTE.
De Pasith��e.
TYGRANE.
? rare invention!?Croy-tu par ce moyen calmer ma passion??Non (Falante) sa perte est par trop veritable?Pour cesser mes transports au recit d'une fable.
FALANTE.
Tygrane, mon discours a tant de verit��?Qu'il peut vaincre ais��ment vostre incredulit��,?Si pour rendre �� vos yeux la nouvelle certaine?Il vous plaist seulement d'entrer �� Mitylene,?L�� vous verrez l'objet qui vous fit amoureux?Et le liberateur qui vous a faict heureux.
TYGRANE.
Quel est ce Chevalier, est-il de cognoissance?
FALANTE.
Non, c'est un estranger, mais d'illustre naissance,?On le traite de Prince, & son port gracieux?Ne degenere point de ce nom glorieux,?Cet auguste guerrier singlant devers cette Isle?Se venoit rafraischir �� la premiere ville,?Quand il a rencontr�� le funeste vaisseau?Qui mettoit vostre espoir & l'Infante au tombeau.?Comme il s'en approchoit d'une extreme vitesse,?Il ouit cette voix (sauvez une Princesse)?Aussi-tost abordant ce traistre Galion?Il s'eslan?a dedans plus hardy qu'un Lyon,?Malgr�� ses ravisseurs delivra Pasith��e,?Et mit �� fonds la nef qui l'avoit emport��e.?Ce genereux heros apres ce grand effort?S'offrit incontinent de la remettre au port,?Mais avec tant de grace, & tant de bien-vueillance?Qu'il rendit son respect esgal �� sa vaillance,?Et l'Infante advoua qu'une telle action?Fit voir moins de valeur que de discretion.
TYGRANE.
Dieux que je suis confus! & que cette nouvelle?Me semble en mesme temps agreable, & cruelle!?Deux mouvemens divers tyrannizent mon coeur,?J'ayme bien ce retour, mais je crains son autheur.?Son merite, son port, sa valeur esprouv��e,?Cette discretion de ma Reyne approuv��e?Sont autant de Devins qui predisent mon mal,?Et d'un liberateur me feront un rival:?Ainsi mes sentimens divisez en moy-mesme?Emportent mon esprit de l'un �� l'autre extreme.?Quand je songe au bon-heur qu'il nous a procur��?Aussi-tost je conclus qu'il doit estre ador��:?Mais apres combatu d'un mouvement contraire?L'objet que j'ay flatt�� commence �� me desplaire,?Et si quelque devoir m'oblige �� le cherir?Je croy baiser la main qui me fera perir.
FALANTE.
Delivrez vostre esprit de cette fantaisie?Permettez �� l'Infante un peu de courtoisie,?Vous aurez son amour, luy sa civilit��;?Cet honneur est un prix qu'il a bien merit��,?Et mesme vous devez (au moins par complaisance)?De quelque complimens honnorer sa presence.
TYGRANE.
H�� bien (Falante) allons luy rendre ce devoir,?Et vous mes tristes yeux preparez-vous de voir?L'Astre de mon amour, & l'object de ma crainte;?Toustesfois insolents dedans cette contrainte?Que vos jaloux regards ne me trahissent pas,?Mais lisez en riant l'arrest de mon trespas.
ACTE II.?SCENE PREMIERE?EURIMEDON, PASITHEE, ALERINE.?EURIMEDON.
Madame, excusez-moy si voyant tant de grace?J'ayme vos ennemis & cheris leur audace,?Puisque les mesmes traits qui vous ont fait trahir?Ne me permettent pas de les pouvoir ha?r:?Cette rare douceur, ces apas, & ces charmes,?Contre un foible mortel sont de trop fortes armes,?On ne peut eviter l'atteinte de leurs coups,?Le coeur qui les re?oit mesme les trouve doux:?Et quoy que la raison �� nos desirs oppose?Vous voir & vous aymer n'est qu'une mesme chose.?De la sorte Arax��s se sentant consommer,?Pour esteindre ses feux eut recours �� la mer,?Mais vos yeux plus puissans que le flambeau du monde?Brulent esgalement sur la terre, & sur l'onde;?Et son coeur amoureux par ce tour impudent?Eust sans moy sur les eaux fait un naufrage ardent:?En fin mon sentiment contre vous se rebelle,?Je pardonne aux transports d'une faute si belle,?Et ne me puis resoudre �� blasmer un effect?Qui me permet de voir un object si parfaict.
PASITHEE.
Je suis (Eurimedon) trop peu considerable?Pour vous rendre envers luy de beaucoup redevable:?Et quand j'aurois assez de grace & de beaut��?Pour toucher un guerrier de vostre qualit��,?Vostre vertu vous donne assez de privilege?Pour n'avoir pas besoin d'un Prince sacrilege.?Mais qu'est-il devenu depuis vostre retour,?Je croy qu'il n'oseroit se monstrer �� la Cour,?Mon abord luy faict peur ou bien sa conscience?Luy conseille de vivre en cette deffiance?Mais il craint vainement.
EURIMEDON.
Je ne s?ay si le sort?Ou sa timidit�� l'ont esloign�� du port?Mes gens pour le trouver ont tourn�� toute l'Isle?Mais sa fuitte a rendu leur recherche inutile.
PASITHEE.
Que les Dieux pour jamais l'exilent de Lesbos?Pour mon contentement, & pour vostre repos?Mes yeux n'ont que trop veu ce Prince abominable?Dont la rage a pens�� me rendre miserable,?Et vous n'avez vang�� mon honneur qu'�� demy?Si vous n'abandonnez un si perfide amy.
EURIMEDON.
Vos voeux seront suivis de mon obeissance,?Mais (Madame) apprenez que nostre cognoissance?Venant plus du hazard que de mes volontez?Je ne prens point de part en ses meschancetez.?Un jour aux environs des costes de l'Epyre?Il fut pris, & men�� prisonnier en Corcyre,?Mais lors qu'il attendoit le prix de sa ran?on?Ma piti�� le sauva.
PASITHEE.
Dieux! de quelle fa?on?
EURIMEDON.
Je cognus par l'excez de la melancolie?O�� l'ame de ce traistre estoit ensevelie,?Qu'une forte douleur agitoit son esprit,?Comme par ce discours sa bouche me l'apprit:?Grand Prince (me dit-il) ne trouvez pas estrange?Si dans cette prison o�� le destin me range?J'ose faire paroistre un extreme soucy?Malgr�� tant de faveurs que je re?ois icy:?Je ne souffre pas seul, tout un peuple souspire,?Et le fort d'Arax��s est celuy de l'Empire,?Encore que ce point soit assez important?Ce n'est pas toutesfois ce qui m'afflige tant?Un mal-heur plus
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