à 4 heures: littérature fran?aise. Jeudi à 8 heures: prédication. à 10 heures: catéchétique. Vendredi à 10 heures: philosophie du christianisme. Samedi à 10 heures: lecture et récitation.
On voit que Vinet était un homme occupé.
Il écrivait le 1er mars à M. Passavant[9]:
?Le fait est que je suis très chargé: je ne puis pas dire, malgré mes souffrances habituelles, que j'en aie trop pour mes forces; je ne me sens pas affaissé, mais il faut traiter au pas de course les plus grandes questions, brusquer les solutions, risquer le paradoxe et l'hérésie...[10]?
L'hérésie est sans doute pour le cours de philosophie du christianisme, et le paradoxe pour celui de littérature.
Revenons à l'Agenda:
7 janvier (dimanche).--Passé la journée à la maison; préparé mon cours de demain (littérature).
8 janvier.--Première le?on de littérature à l'Académie.
9 janvier.--Deux étudiants, MM. Baillif et Ogay sont venus me demander la permission d'autographier mes le?ons de littérature.
15 janvier.--Troisième le?on de littérature: Sur l'influence des Passions.
19 janvier.--Visite de M. Baillif, étudiant, pour me demander si je consens à ce que mon cours soit imprimé: j'ai refusé.
Vinet refusa parce qu'il entendait sans doute se réserver pour le journal de M. Lutteroth. Il écrivait un mois plus tard à ce dernier (14 février):
?Je remets à M. Jaquet[11] pour vous les feuilles qui ont paru (autographiées) de mon cours de littérature fran?aise, c'est-à-dire du fragment de cours que je fais à l'Académie pendant l'absence de M. Monnard. J'avais un peu espéré que vous pourriez en un pressant besoin insérer dans le Semeur quelques unes de ces pages. J'en doute maintenant. En tout cas elles ne pourraient y para?tre que revues et corrigées, à quoi je m'emploierais de mon mieux quand vous m'auriez désigné comme propre au Semeur telle ou telle portion du cours[12].?
Vinet tenait au Semeur; il savait que ce journal était lu non seulement par le public protestant fran?ais, mais aussi par un autre public, que Sainte-Beuve le suivait de près, que Chateaubriand, Victor Hugo ne le dédaignaient pas. Vinet désirait agir non seulement dans le cercle restreint de ses auditeurs vaudois et de ses coreligionnaires, mais aussi au dehors. Ambition très légitime.
Toutefois le Semeur ne publia rien. J'ignore pour quelle raison. Je suppose qu'il avait de la copie en abondance et sur des sujets plus actuels que Delphine ou l'Allemagne. Ce qu'il y a de s?r c'est que M. Lutteroth appréciait vivement les pages que Vinet lui adressait. Il songea même, à quelques temps de là, et à la requête de Mme Vinet, à chercher un libraire pour les publier en volume.
Voici la lettre que Mme Vinet lui écrivait le 8 avril 1844; elle est intéressante à plus d'un titre:
?Cher Monsieur,
?Permettez-moi de venir en l'absence de mon mari[13] vous parler d'une petite affaire d'intérêt. Je viens de chez Mme Olivier[14] où d'autres personnes se trouvaient: entre autres une de Genève; celle-ci dit que les autographies des le?ons de mon mari faisaient bruit dans sa ville, et qu'il n'y avait pas de doute que quelqu'un ne s'en emparat, puisqu'on est tant à l'aff?t de ce qui est nouveau. Là-dessus on s'accorda à trouver que mon mari devait se hater d'en faire un volume et que je devais aussi en écrire à M. Delay[15]. Il me semble plus sage de vous consulter là-dessus en vous priant d'en parler à tel libraire que vous voudrez. Je sais que mon mari a exprimé quelque regret de n'avoir pas tout de suite imprimé en partageant par chapitres, ou par le?ons... M. Forel[16] croit qu'un volume de lui ferait beaucoup de bien... Vous savez comme mon mari est hésitant et timoré en affaires; il pourrait bien perdre à réfléchir un temps précieux... Je vous remets donc celle-là, monsieur, en vous demandant mille pardons de cette nouvelle importunité[17]...?
M. Lutteroth n'aurait pas eu de peine à trouver dès ce moment-là un éditeur pour le cours sur Mme de Sta?l et Chateaubriand--et cela e?t empêché les Genevois de songer à s'en emparer, comme les en accuse l'excellente Mme Vinet,--mais il fallait l'assentiment de Vinet. Celui-ci le refusa.
?Je n'ai pu m'empêcher, écrivait-il à M. Lutteroth le 18 avril, de gronder un peu ma femme de vous avoir importuné. Il a toujours été, il est encore bien loin de ma pensée de transformer en livre les le?ons que j'ai faites cet hiver. Je ne les crois pas dignes de l'honneur qu'on veut leur faire, et je suis persuadé que la trop favorable attente de mes amis serait amèrement trompée. Il faut pouvoir imprimer à force de talent ou de savoir le sceau de la nouveauté sur un sujet si familier à tout le monde et je ne crois pas y avoir réussi; je n'y ai pas même aspiré. D'ailleurs ces le?ons ne forment pas un tout. Il faudrait y joindre celles que je prépare sur la littérature de la Restauration; attendons jusque-là du moins.
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