Tharès le
complot sanguinaire. Le Roi promit alors de le récompenser. Le Roi,
depuis ce temps, paraît n'y plus penser.
AMAN.
Non, il faut à tes yeux dépouiller l'artifice. J'ai su de mon destin
corriger l'injustice, 450
Dans les mains des Persans jeune enfant apporté, Je gouverne l'empire
où je fus acheté. Mes richesses des rois égalent l'opulence. Environné
d'enfants, soutiens de ma puissance, Il ne manque à mon front que le
bandeau royal. 455 Cependant (des mortels aveuglement fatal!) De cet
amas d'honneurs la douceur passagère Fait sur mon coeur à peine une
atteinte légère; Mais Mardochée, assis aux portes du palais, Dans ce
coeur malheureux enfonce mille traits; 460 Et toute ma grandeur me
devient insipide, Tandis que le soleil éclaire ce perfide.
HYDASPE.
Vous serez de sa vue affranchi dans dix jours: La nation entière est
promise aux vautours.
AMAN.
Ah! que ce temps est long à mon impatience! 465 C'est lui, je te veux
bien cofier ma vengeance, C'est lui qui, devant moi refusant de ployer,
Les a livrés au bras qui les va foudroyer. C'était trop peu pour moi
d'une telle victime: La vengeance trop faible attire un second crime.
470 Un homme tel qu'Aman, lorsqu'on l'ose irriter, Dans sa juste fureur
ne peut trop éclater. Il faut des châtiments dont l'univers frémisse;
Qu'on tremble en comparant l'offense et le supplice; Que les peuples
entiers dans le sang soient noyés. 475 Je veux qu'on dise un jour aux
siècles effrayés: «Il fut des Juifs, il fut une insolente race; Répandus sur
la terre, ils en couvraient la face, Un seul osa d'Aman attirer le
courroux, Aussitôt de la terre ils disparurent tous.» 480
HYDASPE.
Ce n'est donc pas, Seigneur, le sang amalécite Dont la voix à les perdre
en secret vous excite?
AMAN.
Je sais que, descendu de ce sang malheureux, Une éternelle haine a dû
m'armer centre eux; Qu'ils firent d'Amalec un indigne carnage; 485
Que jusqu'aux vils troupeaux tout éprouva leur rage, Qu'un déplorable
reste à peine fut sauvé. Mais, crois-moi, dans le rang où je suis éléve,
Mon âme, à ma grandeur tout entière attachée, Des intérêts du sang est
faiblement touchée. 490 Mardochee est coupable; et que faut-il de plus?
Je prévins donc contre eux l'esprit d'Assuérus: J'inventai des couleurs;
j'armai la calomnie; J'intéressai sa gloire; il trembla pour sa vie. Je les
peignis puissants, riches, séditieux, 495 Leur dieu même ennemi de
tous les autres dieux. «Jusqu'à quand souffre-t-on que ce peuple respire,
Et d'un culte profane infecte votre empire? Étrangers dans la Perse, à
nos lois opposés, Du reste des humains ils semblent divisés, 500
N'aspirent qu'à troubler le repos où nous sommes, Et détestés partout,
détestent tous les hommes, Prevenez, punissez leurs insolents efforts;
De leur depouille enfin grossissez vos trésors.» Je dis, et l'on me crut.
Le Roi, dèes l'heure même, 505 Mit dans ma main le sceau de son
pouvoir suprême; «Assure, me dit-il, le repos de ton roi; Va, perds ces
malheureux: leur dépouille est à toi.» Toute la nation fut ainsi
condamnée. Du carnage avec lui je réglai la journée. 510 Mais de ce
traître enfin le trépas differé Fait trop souffrir mon coeur de son sang
altéré. Un je ne sais quel trouble empoisonne ma joie. Pourquoi dix
jours encor faut-il que je le voie?
HYDASPE.
Et ne pouvez-vous pas d'un mot l'exterminer? 515 Dites au Roi,
Seigneur, de vous l'abandonner.
AMAN.
Je viens pour epier le moment favorable. Tu connais comme moi ce
prince inexorable. Tu sais combien terrible en ses soudains transports,
De nos desseins souvent il rompt tous les ressorts. 520 Mais à me
tourmenter ma crainte est trop subtile: Mardochée à ses yeux est une
âme trop vile.
HYDASPE.
Que tardez-vous? Allez, et faites promptement Élever de sa mort le
honteux instrument.
AMAN.
J'entends du bruit; je sors. Toi, si le Roi m'appelle. . . . 525
HYDASPE.
Il suffit.
SCÈNE II.
ASSUÉRUS, HYDASPE, ASAPH, SUITE D'ASSUÉRUS.
ASSUÉRUS.
Ainsi donc, sans cet avis fidèle, Deux traîtres dans son lit assassinaient
leur roi? Qu'on me laisse, et qu'Asaph seui demeure avec moi.
SCÈNE III.
ASSUÉRUS, ASAPH.
ASSUÉRUS, _assis sur son trône_.
Je veux bien l'avouer: de ce couple perfide J'avais presque oublié
l'attentat parricide; 530 Et j'ai pâli deux fois au terrible récit Qui vient
d'en retracer l'image à mon esprit. Je vois de quel succès leur fureur fut
suivie, Et que dans les tourments ils laissèrent la vie. Mais ce sujet zélé
qui, d'un oeil si subtil, 535 Sut de leur noir complot développer le fil,
Qui me montra sur moi leur main déjà levée, Enfin par qui la Perse
avec moi fut sauvée, Quel honneur pour sa foi, quel prix a-t-il reçu?
ASAPH.
On lui promit beaucoup: c'est tout ce que j'ai su. 540 ASSUÉRUS.
O d'un si
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.