Escal-Vigor | Page 9

Georges Eekhoud
valurent plusieurs dures corrections, mais les coups n'avaient pas plus raison de ce m��chant mousse, que les remontrances et les exhortations. De guerre lasse, il m'a bien fallu le reprendre et le mettre �� une besogne d'endormi: il garde les vaches et les moutons dans les landes de Klaarvatsch, avec ces petits pouilleux qui portent ce soir les torches de la Ghilde... Bati comme vous le voyez, monsieur, n'est-ce pas une honte? Et pleurnichard! ?a se met �� braire, ?a se trouve mal quand on tue un porc �� la kermesse ou quand le boucher passe la craie rouge sur le dos des ouailles �� convertir en gigots!... Guidon, c'est une fille manqu��e... Mon vrai gar?on, c'est notre Claudie... En voil�� une qui abat de la besogne!...
-- C'est dommage, il a pourtant l'air bien intelligent! remarqua le Dykgrave, avec autant d'indiff��rence que possible. Et c'est qu'il joue adorablement du bugle. Que n'en faites-vous un musicien pour de vrai!
-- Ah ben ouiche! Vous vous moquez, monsieur le comte. Il est incapable de s'appliquer �� quoi que ce soit de profitable. Ma parole, pour m'en d��barrasser, j'ai d��j�� voulu le livrer �� des saltimbanques. Peut-��tre e?t-il fait un bon pitre? En attendant, il ne me vaut que des d��gats et des affronts. Ainsi ne s'est-il pas avis�� de barbouiller de charbon les murs fra?chement blanchis de la ferme, sous pr��texte de repr��senter nos b��tes!
-- Aurait-il aussi des dispositions pour la peinture? prof��ra d'un air ennuy�� Kehlmark, qui alla m��me jusqu'�� prendre la contenance de quelqu'un qui r��prime un baillement.
Les camarades de Guidon faisaient cercle autour des Govaertz et de Kehlmark, s'amusant de la confusion du petit patre mis ainsi sur la sellette par son propre p��re. Les drilles se tr��moussaient, se donnaient l'un �� l'autre du coude dans les reins, soulignant, par des rires et des murmures, les dol��ances que le bourgmestre faisait sur son fils.
Avec Guidon, Henry se sentait le point de mire de tous ces narquois. Claudie couvait son fr��re de regards durs et malveillants. Henry devina que le bourgmestre ravalait et d��criait ainsi son gar?on pour flatter Claudie, sa pr��f��r��e. Entre cette fille rude, presque hommasse, et ce petit paysan plut?t affin��, l'incompatibilit�� devait ��tre crispante �� l'extr��me. Perspicace, Henry se sugg��ra de violentes querelles au foyer des Govaertz, et il en eut le coeur singuli��rement ��treint. Au surplus Claudie lui parut visiblement agac��e de l'attention t��moign��e par le Dykgrave �� cet enfant r��pudi��, mis au ban, vivant presque en marge de la famille.
-- ��coutez, bourgmestre, nous en reparlerons! reprit Kehlmark. Peut-��tre y aura-t-il moyen de faire quelque chose de ce fantaisiste!
Paroles bien ��vasives et qui n'engageaient �� rien, mais en les pronon?ant Henry ne put se d��fendre de tourner un instant les yeux vers le pastoureau, et dans ce regard celui-ci lut ou du moins crut lire un engagement bien plus s��rieux que celui contenu dans les termes m��mes. Le pauvret en ressentit une joie pleine d'esp��rance et de balsamique augure. Jamais on ne l'avait regard�� ainsi, ou plut?t jamais il n'avait lu tant de bont�� dans une physionomie. Mais le jeune r��fractaire se trompait sans doute! Le comte aurait ��t�� bien fou de s'int��resser �� un paroissien si fallacieusement recommand�� par le fermier des P��lerins. Qui songeait encore �� s'emp��trer de ce sauvageon, de cette mauvaise graine?
-- Pourvu que Claudie ne lui dise point trop de mal de moi! songeait le petit berger, souffrant de voir le Dykgrave entra?n�� et pris �� l'��cart par la terrible soeur. Mais Kehlmark se retira pour donner des ordres �� Blandine. On servit �� boire aux musiciens. Lorsque le comte revint trinquer avec eux, comment se fit-il qu'il omit de choquer son verre contre celui que lui tendait -- oh si d��votement! -- le fils du bourgmestre Govaertz? Celui-ci en ��prouva un moment de tristesse, mais se reprit aussit?t �� commenter le regard caressant de tout �� l'heure. Il s'��carta des buveurs pour errer dans les salons et admirer �� son tour les tableaux. Occup�� ostensiblement �� courtiser la plantureuse Claudie, Henry observait souvent �� la d��rob��e le jeune bugle de la Ghilde. Il surprit l'expression �� la fois r��fl��chie et extatique du petit devant Conradin et Fr��d��ric, auxquels la soeur n'avait accord�� tout �� l'heure qu'une attention de liseuse de causes et de supplices c��l��bres.
�� pleins verres, le Dykgrave avait fait raison aux rudes donneurs de s��r��nades. Il leur sembla m��me un tantinet ��m��ch��, ce qui n'��tait point fait pour les choquer, eux les indig��nes de Smaragdis, solides buveurs comme tous ceux du Nord.
La compagnie, en app��tit d'exercice, se r��pandit dans les jardins et sur la plage qui retentirent de lourds ��bats et de clameurs luronnes. Le hourvari effara m��me un couple de mouettes dans les arbres de la Digue, et Kehlmark, qui se promenait avec Claudie sur la terrasse
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 58
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.