de crier, je lui mis, en guise de baillon, ma ceinture sur la bouche. Puis, lui volant la clef, j'ouvris la porte, sautai l'escalier, et me voilà.
LE CHEVALIER, riant. Ha! ha!
LA CH?TELAINE. Quel scandale!
BERTRAND. Ecoutez. Pour fuir il me fallait une monture: j'aper?ois dans la campagne un laboureur; je cours à la charrue, j'en dételle une jument, j'enfourche, je pique des deux, malgré les cris et les lamentations du rustre ébahi, auquel je réponds par des éclats de rire, et, sans selle ni bride, j'ai galopé jusqu'à Rennes. Maintenant, hébergez-moi, car j'ai grand appétit et suis fort las.
[Illustration: Du Guesclin s'échappant de la tour.]
LE CHEVALIER. Viens donc changer d'habits et te mettre à table; puis nous parlerons de ce que tu as à faire; je te donnerai des conseils.
BERTRAND. Merci, cher oncle! N'est-ce pas que vous m'apprendrez à faire des armes?
LA CH?TELAINE. Votre indulgence achèvera de le perdre.
SCèNE III.
Une place publique devant la maison du chevalier de La Motte.
BERTRAND, seul.
BERTRAND. Comme mon oncle est bon pour moi! Il m'a montré ses chevaux et ses armes. Oh! ses armes, qu'elles sont belles! Je serai heureux ici! Ma tante me gêne bien un peu; n'importe, je lui obéirai pour vivre auprès de mon oncle. Mais quel est ce grand écriteau qu'on a planté là? Si je savais lire.... Une épée et un beau casque à plumes le couronnent; c'est sans doute quelque prix d'armes. Voilà un enfant qui passe; il saura peut-être ce que cela veut dire. (L'appelant.) Mon ami, qu'y a-t-il sur cet écriteau?
L'ENFANT. Il y a qu'aujourd'hui, dans une heure, commencera sur cette place une grande lutte, et que le prix du vainqueur sera cette belle épée et ce beau casque à plumes.
BERTRAND. Oh! si je pouvais les gagner!
L'ENFANT. Non, vous êtes trop jeune.
BERTRAND. Trop jeune! je suis plus fort que tous les Rennois! (Se parlant à lui-même) Mais comment faire pour échapper à ma tante? Elle va m'appeler pour l'accompagner à vêpres, et avant une heure la lutte commence.... Je ne serai pas là.... Un autre aura le prix!... Mon Dieu! mon Dieu! c'est bien cruel pourtant de renoncer à cette épée qui est là brillante au-dessus de ma tête.... Je l'aurais gagnée, j'en suis s?r.
SCèNE IV.
BERTRAND, la chatelaine de LA MOTTE.
LA CH?TELAINE, de la porte de sa maison. Bertrand! Bertrand! toujours dans la rue!... Que faites-vous là?
BERTRAND. Ma tante, je regardais cette épée; voyez, on dirait qu'elle me regarde. Son acier poli brille comme des yeux.
LA CH?TELAINE. Vous ne pensez jamais qu'aux armes et aux combats. Bertrand, c'est aujourd'hui le saint jour du dimanche, venez à l'église, et priez Dieu qu'il vous change.
BERTRAND, à part. Oh! oui, je vais le prier de me donner le casque.
LA CH?TELAINE. Portez mon livre, et suivez-moi.
BERTRAND. dans l'église. Ma tante, laissez-moi vous attendre ici, sous le portail.
LA CH?TELAINE. Non, venez vous agenouiller dans la chapelle.
BERTRAND, à part. Oh! je le vois, je ne pourrai pas m'échapper.
LA FOULE. du dehors. La lutte, la lutte commence; accourez, lutteurs!
BERTRAND. Comment prier en entendant ces cris?
LA FOULE. La lutte, la lutte commence; accourez, lutteurs!
BERTRAND. Je n'y tiens plus.... ma tante baisse la tête.... Profitons....
(Il s'élance hors de l'église.)
SCèNE V.
Une salle intérieure de la maison du chevalier.
LE CHEVALIER, LA CH?TELAINE.
LE CHEVALIER. Calmez-vous, ce sont des traits de jeunesse, mais son coeur est bon.
LA CH?TELAINE. C'est un rebelle, un ingrat, un petit misérable. S'échapper de l'église pour aller lutter avec la populace!...
LE CHEVALIER. Un peu d'indulgence, et songeons d'abord à savoir ce qu'il est devenu.
SCèNE VI.
LES MêMES, UN DOMESTIQUE, puis BERTRAND porté par deux serviteurs.
UN DOMESTIQUE. Messire Bertrand a été blessé.
LE CHEVALIER. Pauvre enfant! (Bertrand para?t.) Eh bien? te voilà tout écloppé; il t'est arrivé malheur?
BERTRAND. Dites bonheur! Je les ai tous terrassés. Mon égratignure guérira, mais le prix me reste. Voyez le beau casque, la belle épée.
(Il brandit le casque à la pointe de l'épee.)
LE CHEVALIER. Est-il heureux!
LA CH?TELAINE. Il faut pourtant qu'il soit puni de sa désobéissance.
LE CHEVALIER. Eh bien! je vais lui infliger une grande punition: dans huit jours c'est le tournoi de Rennes; il n'y assistera pas.
BERTRAND. Vous êtes dur, mon oncle.
TROISIèME TABLEAU.
Grande place publique à Rennes; les maisons sont tendues de tapisseries, les fenêtres encombrées de spectateurs; des gradins entourent la place. On aper?oit sur une estrade toute la famille des du Guesclin.
SCèNE PREMIèRE.
LA COMTESSE, le comte DU GUESCLIN, OLIVIER et JEAN, leurs fils, la chatelaine de LA MOTTE, RACHEL, puis BERTRAND, la foule.
OLIVIER. Ah! maman, quel plaisir nous allons avoir! le tournoi va commencer.
JEAN. J'aper?ois mon père sur son beau cheval blanc.
RACHEL, à la comtesse. Comme mon pauvre Bertrand serait joyeux s'il était ici!... et vous l'avez privé de ce plaisir.... Oh! madame, vous êtes bien sévère. Ma?tresse, faites-lui grace, laissez-lui voir ce tournoi, et il changera.
LA COMTESSE. Ma bonne Rachel, tu juges mal mon coeur de mère; je désirerais revoir l'enfant
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