je suis fort, et je vais vous le prouver.
(Il se jette sous la table, la renverse et pousse brusquement ses frères.)
LA COMTESSE. Misérable enfant! il a brisé toute ma vaisselle et renversé mon grand hanap de Hongrie.... Holà! qu'on appelle son père pour le chatier!...
BERTRAND. Oh! je m'en vais; les manants que j'ai battus ne me refuseront pas du pain.
(Il sort; Rachelle suit.)
SCèNE II.
LE COMTE, LA COMTESSE, OLIVIER, JEAN.
LE COMTE, entrant. Quel est ce vacarme? qui a renversé la table et tout brisé?
LA COMTESSE. Encore une fureur de Bertrand.
LE COMTE. Il faut user de chatiments. Je mettrai une bride de fer à ce caractère que rien ne peut dompter. Où est-il?
LA COMTESSE. Encore avec les petits paysans.
LE COMTE. Je vais le chercher.
OLIVIER ET JEAN. Mon père, nous vous suivons.
(Ils sortent.)
SCèNE III.
LA COMTESSE, seule.
LA COMTESSE. Mon Dieu! est-ce comme un chatiment que vous m'avez donné ce fils? Est-ce pour humilier mon orgueil que vous l'avez créé si peu digne de ma tendresse? Mais son ame est-elle aussi disgraciée que son corps? Il a parfois cependant des mouvements généreux. Changera-t-il? Dois-je croire à la prédiction de sa nourrice? Oh! mon Dieu! faites qu'elle se réalise, et mon coeur de mère lui sera rendu.... Mais voici son père qui le ramène.
SCèNE IV.
LA COMTESSE, LE COMTE, BERTRAND.
LE COMTE. Oh! cette fois je ne pardonnerai plus.
BERTRAND. Il faut bien que j'apprenne à me battre.
LE COMTE. Apprenez d'abord à m'obéir. (A la comtesse.) Croiriez-vous que je l'ai trouvé près du pont-levis, à moitié nu; luttant avec le fils d'un bouvier? Tenez, il porte les marques de cet indigne combat.
LA COMTESSE. Bertrand, vous oubliez que votre père est un gentilhomme.
LE COMTE. Je le lui rappellerai; et cette fois la le?on sera forte: quatre mois de prison dans la tour.
BERTRAND. Je me repentirais plut?t si vous me pardonniez.
LA COMTESSE. Essayons.
LE COMTE. Non, je ne veux pas que mon fils déshonore son sang. Je vais l'enfermer dans le donjon, et, à moins qu'il n'ait des ailes, il ne m'échappera plus.
BERTRAND. La tour f?t-elle aussi haute que les clochers de Dinan, je trouverai bien le moyen d'en sortir. Je veux être libre.
DEUXIèME TABLEAU.
Le théatre représente l'intérieur d'une maison, à Rennes.
SCèNE PREMIèRE.
LE CHEVALIER de LA MOTTE, LA CH?TELAINE sa femme, assise et brodant.
LE CHEVALIER, lisant. Cette lettre est de votre soeur, la comtesse du Guesclin. Elle vous écrit que son fils a?né lui donne du chagrin, qu'il a fui de la maison paternelle.
LA CH?TELAINE. Ils n'en feront jamais rien de ce petit misérable-là.
LE CHEVALIER. Ma foi, ils en auraient pu faire un bon soldat; cela vaudrait mieux que d'en faire un vagabond.
LA CH?TELAINE. Vous blamez donc ma soeur?
LE CHEVALIER. Certainement; et si Bertrand était mon fils, j'aurais cherché à diriger son caractère au lieu de le faire plier.
LA CH?TELAINE. Vous lui auriez inspiré votre passion pour les armes, cette passion qui vous conduit à la gloire, mais qui fait le malheur de ceux qui vous aiment. Voilà ce que redoute sa mère, et moi je le redoute comme elle, et j'approuve sa sévérité.
LE CHEVALIER. Et si Bertrand vous demandait asile, vous ne le recevriez pas?
LA CH?TELAINE. Non, je le renverrais à son père et à sa mère; ce sont eux qui doivent le gouverner.
SCèNE II.
BERTRAND, LA CH?TELAINE, LE CHEVALIER.
BERTRAND, du dehors. Je vous dis que j'entrerai, moi; quoique j'aie de méchants habits, je suis noble, et je ne souffrirai pas que des valets me barrent le chemin.
(Il brandit un baton et s'élance dans la chambre.)
LA CH?TELAINE. Quoi! le fils de ma soeur! Quel déshonneur pour sa famille!
LE CHEVALIER. Oh! c'est toi, mon bon petit diable de neveu, toujours le même, toujours ferrailleur.
BERTRAND. Mon oncle, je viens vous demander asile.
LA CH?TELAINE. Asile, quand vous faites mourir voire mère de douleur? Allez demander pardon à vos parents.
BERTRAND. Vous voulez donc que j'aille m'héberger chez des étrangers?
LE CHEVALIER. Non, ma maison ne te sera pas fermée. Mais pourquoi et comment as-tu quitté le chateau de ton père?
BERTRAND. Pourquoi? parce qu'on m'y retenait prisonnier depuis deux mois au pain et à l'eau, que j'avais besoin de l'air du bon Dieu et d'une nourriture plus substantielle. Comment? cela va vous faire rire. Au lieu de m'envoyer mon pain et mon eau par ma bonne nourrice Rachel, qui m'aurait consolé en me contant des histoires de chevalerie, on me les faisait apporter par une vieille et méchante sorcière qui jamais ne manquait en entrant de fermer la porte du donjon, dont la clef était suspendue à sa ceinture. Un jour donc je résolus de lui enlever cette clef. Je savais que mon père et ma mère étaient absents, et lorsque la vieille entra, je m'élan?ai sur elle, je l'assis, sans lui faire de mal, sur la paille qui me servait de lit; je l'encha?nai avec mon drap contre un des barreaux de la fenêtre, et, pour l'empêcher
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