En famille | Page 5

Hector Malot
se fit pas sans certaines secousses, malgr�� le soin qu��elle prenait de les ��viter, elle monta dans la roulotte:
?�� la fin, pauvre maman, nous voil�� arriv��es.
-- Ne plus remuer, ne plus rouler! Tant et tant de kilom��tres! Mon Dieu, que la terre est grande!
-- Maintenant que nous avons le repos, je vais te faire �� d?ner. Qu��est-ce que tu veux?
-- Avant tout, d��telle ce pauvre Palikare, qui, lui aussi, doit ��tre bien las; donne-lui �� manger, �� boire; soigne-le.
-- Justement, je n��ai jamais vu autant de chardons; de plus, il y a un puits. Je reviens tout de suite.?
En effet, elle ne tarda pas �� revenir et se mit �� chercher ?�� et l�� dans la voiture, d��o�� elle sortit le fourneau en terre, quelques morceaux de charbon et une vieille casserole, puis elle alluma le feu avec des brindilles et le souffla, en s��agenouillant devant, �� pleins poumons.
Quand il commen?a �� prendre, elle remonta dans la voiture:
?C��est du riz que tu veux, n��est-ce pas?
-- J��ai si peu faim.
-- Aurais-tu faim pour autre chose? J��irai chercher ce que tu voudras. Veux-tu?...
-- Je veux bien du riz.?
Elle versa une poign��e de riz dans la casserole o�� elle avait mis un peu d��eau, et, quand l����bullition commen?a, elle remua le riz avec deux baguettes blanches d��pouill��es de leur ��corce, ne quittant la cuisine que pour aller rapidement voir comment se trouvait Palikare et lui dire quelques mots d��encouragement qui, �� vrai dire, n����taient pas indispensables, car il mangeait ses chardons avec une satisfaction, dont ses oreilles traduisaient l��intensit��.
Quand le riz fut cuit �� point, �� peine crev�� et non r��duit on bouillie, comme le servent bien souvent les cuisini��res parisiennes, elle le dressa sur une ��cuelle en une pyramide �� large base, et le posa dans la voiture.
D��j�� elle avait ��t�� emplir une petite cruche au puits et l��avait plac��e aupr��s du lit de sa m��re avec deux verres, deux assiettes, deux fourchettes; elle posa son ��cuelle de riz �� c?t�� et s��assit sur le plancher, les jambes repli��es sous elle, sa jupe ��tal��e
?Maintenant, dit-elle, comme une petite fille qui joue �� la poup��e, nous allons faire la d?nette, je vais te servir.?
Malgr�� le ton enjou�� qu��elle avait pris, c����tait d��un regard inquiet qu��elle examinait sa m��re, assise sur son matelas, envelopp��e d��un mauvais fichu de laine qui avait d? ��tre autrefois une ��toffe de prix, mais qui maintenant n����tait plus qu��une guenille, us��e, d��color��e.
?Tu as faim, toi? demanda la m��re.
-- Je crois bien, il y a longtemps.
-- Pourquoi n��as-tu pas mang�� un morceau de pain?
-- J��en ai mang�� deux, mais j��ai encore une belle faim: tu vas voir; si ?a met en app��tit de regarder manger les autres, la plat��e sera trop petite.?
La m��re avait port�� une fourchette de riz �� sa bouche, mais elle la tourna et retourna longuement sans pouvoir l��avaler.
-- ?a ne passe pas tr��s bien, dit-elle en r��ponse au regard de sa fille.
-- Il faut te forcer: la seconde bouch��e passera mieux, la troisi��me mieux encore.?
Mais elle n��alla pus jusque-l��, et apr��s la seconde elle reposa sa fourchette sur son assiette:
?Le coeur me tourne, il vaut mieux ne pas persister.
-- Oh! maman!
-- Ne t��inqui��te pas, ma ch��rie, ce n��est rien; on vit tr��s bien sans manger quand on n��a pas d��efforts �� faire; avec le repos l��app��tit reviendra.?
Elle d��fit son fichu et s��allongea sur son matelas haletante, mais si faible qu��elle f?t elle ne perdit pas la pens��e de sa fille, et en la voyant les yeux gonfl��s de larmes elle s��effor?a de la distraire:
?Ton riz est tr��s bon, mange-le; puisque tu travailles tu dois te soutenir; il faut que tu sois forte pour me soigner; mange, ma ch��rie, mange.
-- Oui, maman, je mange; tu vois, je mange.?
�� la v��rit�� elle. devait faire effort pour avaler, mais peu �� peu, sous l��impression des douces paroles de sa m��re, sa gorge se desserra, et elle se mit �� manger r��ellement; alors l����cuelle de riz disparut vite, tandis que sa m��re la regardait avec un tendre et triste sourire:
?Tu vois qu��il faut se forcer.
-- Si j��osais, maman!
-- Tu peux oser.
-- Je te r��pondrais que ce que tu me dis, c����tait cela m��me que je te disais.
-- Moi, je suis malade.
-- C��est pour cela que si tu voulais j��irais chercher un m��decin; nous sommes �� Paris, et �� Paris il y a de bons m��decins.
-- Les bons m��decins ne se d��rangent pas sans qu��on les paye.
-- Nous le payerions.
-- Avec quoi?
-- Avec notre argent; tu dois avoir sept francs dans ta robe et en plus un florin que nous pouvons changer ici; moi j��ai dix-sept sous. Regarde dans ta robe.?
Cette robe noire, aussi mis��rable que la jupe de Perrine, mais moins poudreuse, car elle avait ��t�� battue, ��tait pos��e sur le matelas et servait de couverture; sa poche explor��e donna
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