et ne parlait jamais d'elle-m��me que pour dire ses opinions et ses sentiments avec beaucoup de franchise et de courage. Quant aux faits de sa vie, elle avait une mani��re d'��luder les questions et de passer �� c?t�� qui la dispensait de r��pondre. Si on trouvait moyen d'insister, elle avait coutume de dire apr��s quelques mots vagues:
--Il ne s'agit pas de moi. Je n'ai rien d'int��ressant �� raconter, et, si j'ai eu des chagrins, je ne m'en souviens plus, n'ayant plus le temps d'y penser. Je suis tr��s-heureuse �� pr��sent, puisque j'ai du travail et que j'aime le travail par-dessus tout.
C'est par hasard, et �� la suite de relations d'artiste �� artiste dans la m��me partie, que Laurent avait fait connaissance avec mademoiselle Jacques. Lanc�� comme gentilhomme et comme artiste ��minent dans un double monde, M. Fauvel avait, �� vingt-quatre ans, l'exp��rience des faits que l'on n'a pas toujours �� quarante. Il s'en piquait et s'en affligeait tour �� tour; mais il n'avait nullement l'exp��rience du coeur, qui ne s'acquiert pas dans le d��sordre. Grace au scepticisme qu'il affichait, il avait donc commenc�� par d��cr��ter en lui-m��me que Th��r��se devait avoir pour amants tous ceux qu'elle traitait d'amis, et il lui avait fallu les entendre peu �� peu affirmer et prouver la puret�� de leurs relations avec elle pour arriver �� la consid��rer comme une personne qui pouvait avoir eu des passions, mais non des commerces de galanterie.
Des lors il s'��tait senti ardemment curieux de savoir la cause de cette anomalie: une femme jeune, belle, intelligente, absolument libre et volontairement isol��e. Il l'avait vue plus souvent, et peu �� peu presque tous les jours, d'abord sous toute sorte de pr��textes, ensuite en se donnant pour un ami sans cons��quence, trop viveur pour avoir souci d'en conter �� une femme s��rieuse, mais trop id��aliste, en d��pit de tout, pour n'avoir pas besoin d'affection et pour ne pas sentir le prix d'une amiti�� d��sint��ress��e.
Au fond, c'��tait l�� la v��rit�� dans le principe; mais l'amour s'��tait gliss�� dans le coeur du jeune homme, et on a vu que Laurent se d��battait contre l'invasion d'un sentiment qu'il voulait encore d��guiser �� Th��r��se et �� lui-m��me, d'autant plus qu'il l'��prouvait pour la premi��re fois de sa vie.
--Mais enfin, dit-il, quand il eut promis �� M. Palmer d'essayer son portrait, pourquoi diable tenez-vous tant �� une chose qui ne sera peut-��tre pas bonne, quand vous connaissez mademoiselle Jacques, qui ne vous refuse certainement pas d'en faire une �� coup s?r excellente?
--Elle me refuse, r��pondit Palmer avec beaucoup de candeur, et je ne sais pas pourquoi. J'ai promis �� ma m��re, qui a la faiblesse de me croire tr��s-beau, un portrait de ma?tre, et elle ne le trouvera jamais ressemblant, s'il est trop r��el. Voil�� pourquoi je m'��tais adress�� �� vous comme �� un ma?tre id��aliste. Si vous me refusez, j'aurai le chagrin de ne pas faire plaisir �� ma m��re, ou l'ennui de chercher encore.
--Ce ne sera pas long: il y a tant de gens plus capables que moi!...
--Je ne trouve pas; mais, �� supposer que cela soit, il n'est pas dit qu'il aient le temps tout de suite, et je suis press�� d'envoyer le portrait. C'est pour l'anniversaire de ma naissance, dans quatre mois, et le transport durera environ deux mois.
--C'est-��-dire, Laurent, ajouta Th��r��se, qu'il vous faut faire ce portrait en six semaines tout au plus, et, comme je sais le temps qu'il vous faut, vous auriez �� commencer demain. Allons, c'est entendu, c'est promis, n'est-ce pas?
M. Palmer tendit la main �� Laurent en disant:
--Voil�� le contrat pass��. Je ne parle pas d'argent; c'est mademoiselle Jacques qui fait les conditions, je ne m'en m��le pas. Quelle est votre heure demain?
L'heure convenue. Palmer prit son chapeau, et Laurent se cr?t forc�� d'en faire autant par respect pour Th��r��se; mais Palmer n'y fit aucune attention, et sortit apr��s avoir serr�� sans la baiser la main de mademoiselle Jacques.
--Dois-je le suivre? dit Laurent.
--Ce n'est pas n��cessaire, r��pondit-elle; toutes les personnes que je re?ois le soir me connaissent bien. Seulement, vous vous en irez �� dix heures aujourd'hui; car dans ces derniers temps, je me suis oubli��e �� bavarder avec vous jusqu'�� pr��s de minuit, et, comme je ne peux pas dormir pass�� cinq heures du matin, je me suis sentie tr��s-fatigu��e.
--Et vous ne me mettiez pas �� la porte?
--Non, je n'y pensais pas.
--Si j'��tais fat, j'en serais bien fier!
--Mais vous n'��tes pas fat, Dieu merci; vous laissez cela �� ceux qui sont b��tes. Voyons, malgr�� le compliment, ma?tre Laurent, j'ai �� vous gronder. On dit que vous ne travaillez pas.
--Et c'est pour me forcer �� travailler que vous m'avez mis la t��te de Palmer comme un pistolet sur la gorge.
--Eh bien, pourquoi pas?
--Vous ��tes bonne, Th��r��se, je le sais; vous voulez me faire gagner ma vie malgr�� moi.
--Je
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