Elle et lui | Page 3

George Sand
demander �� leur imagination de quoi payer leurs dettes, m��tier pour lequel cette princesse-l�� ne se sent pas faite, et auquel elle ne se plie qu'en mettant le feu au pauvre corps qu'elle habite.
Vous me trouvez bien positive, n'est-ce pas? ?a m'est ��gal. D'ailleurs, si nous prenons la question de plus haut, toutes les raisons que vous avez donn��es �� votre Am��ricain et �� moi ne valent pas deux sous. Vous ne savez pas faire le portrait, c'est possible, cela est m��me certain, s'il faut le faire dans les conditions du succ��s bourgeois; mais M. Palmer n'exigeait nullement qu'il en f?t ainsi. Vous l'avez pris pour un ��picier, et vous vous ��tes tromp��. C'est un homme de jugement et de go?t, qui s'y conna?t, et qui a pour vous de l'enthousiasme. Jugez si je l'ai bien re?u! Il venait �� moi comme �� un pis aller, je m'en suis fort bien aper?ue, et je lui en ai su gr��. Aussi l'ai-je consol�� en lui promettant de faire tout mon possible pour vous d��cider �� le peindre. Nous parlerons donc de cette affaire apr��s-demain, car j'ai donn�� rendez-vous au dit Palmer pour le soir, afin qu'il m'aide �� plaider sa propre cause et qu'il emporte votre promesse.
Sur ce, mon cher Laurent, d��sennuyez-vous de votre mieux de ne pas me voir pendant deux jours.
Cela ne vous sera pas difficile, vous connaissez beaucoup de gens d'esprit, et vous avez le pied dans le plus beau monde. Moi, je ne suis qu'une vieille pr��cheuse qui vous aime bien, qui vous conjure de ne pas vous coucher tard toutes les nuits, et qui vous conseille de ne faire exc��s et abus de rien. Vous n'avez pas ce droit-l��: g��nie oblige.
Votre camarade,
TH��R��SE JACQUES.
* * * * *
A MADEMOISELLE JACQUES.
Ma ch��re Th��r��se, je pars dans deux heures pour une partie de campagne avec le comte de S... et le prince D... Il y aura de la jeunesse et de la beaut��, �� ce que l'on assure. Je vous promets et vous jure de ne pas faire de sottises et de ne pas boire de champagne... sans me le reprocher am��rement! Que voulez-vous! j'eusse certainement mieux aim�� flaner dans votre grand atelier, et d��raisonner dans votre petit salon lilas; mais, puisque vous ��tes en retraite avec vos trente-six cousins de province, vous ne vous apercevrez certainement pas non plus de mon absence apr��s-demain: vous aurez la d��licieuse musique de l'accent anglo-am��ricain pendant toute la soir��e. Ah! il s'appelle Dick, ce bon M. Palmer? Je croyais que Dick ��tait le diminutif familier de Richard! Il est vrai qu'en fait de langues, je sais tout au plus le fran?ais.
Quant au portrait, n'en parlons plus. Vous ��tes mille fois trop maternelle, ma bonne Th��r��se, de penser �� mes int��r��ts au d��triment des v?tres. Bien que vous ayez une belle client��le, je sais que votre g��n��rosit�� ne vous permet pas d'��tre riche, et que quelques billets de banque de plus seront beaucoup mieux entre vos mains qu'entre les miennes. Vous les emploierez �� faire des heureux, et, moi, je les jetterai sur un brelan, comme vous dites.
D'ailleurs, jamais je n'ai ��t�� moins en train de faire de la peinture. Il faut pour cela deux choses que vous avez, la r��flexion et l'inspiration; je n'aurai jamais la premi��re, et j'ai eu la seconde. Aussi en suis-je d��go?t�� comme d'une vieille folle qui m'a ��reint�� en me promenant �� travers champs sur la croupe maigre de son cheval d'Apocalypse. Je vois bien ce qui me manque; n'en d��plaise �� votre raison, je n'ai pas encore assez v��cu, et je pars pour trois ou sept jours avec madame R��alit��, sous la figure de plusieurs nymphes du corps de ballet de l'Op��ra. J'esp��re bien, �� mon retour, ��tre l'homme du monde le plus accompli, c'est-��-dire le plus blas�� et le plus raisonnable.
Votre ami,
LAURENT.
* * * * *

I
Th��r��se comprit fort bien, �� premi��re vue, le d��pit et la jalousie qui avaient dict�� cette lettre.
--Et pourtant, se dit-elle, il n'est pas amoureux de moi. Oh! non, certes, il ne sera jamais amoureux de personne, et de moi moins que de toute autre.
Et, tout en relisant et r��vant, Th��r��se craignit de se mentir �� elle-m��me en cherchant �� se persuader que Laurent ne courait aucun danger aupr��s d'elle.
--Mais quoi? quel danger? se disait-elle encore: souffrir d'un caprice non satisfait? souffre-t-on beaucoup pour un caprice? Je n'en sais rien, moi. Je n'en ai jamais eu!
Mais la pendule marquait cinq heures de l'apr��s-midi. Et Th��r��se, apr��s avoir mis la lettre dans sa poche, demanda son chapeau, donna cong�� �� son domestique pour vingt-quatre heures, fit �� sa fid��le vieille Catherine diverses recommandations particuli��res et monta en fiacre. Deux heures apr��s, elle rentrait avec une petite femme mince, un peu vo?t��e et parfaitement voil��e, dont le cocher m��me ne vit pas la
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 83
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.