r��alit��. Malheureusement, il n'est pas probable que je devienne quelque chose de plus qu'un fou ou une b��te. Lisez MM. tels et tels, qui l'ont dit dans leurs feuilletons.
Figurez-vous bien, Th��r��se, que je n'ai pas dit �� mon Anglais un mot de ce que je vous raconte: on arrange toujours quand on se fait parler soi-m��me; mais, de tout ce que je pus lui dire pour m'excuser de ne pas savoir faire le portrait, rien ne servit que ce peu de paroles: ?Pourquoi diable ne vous adressez-vous pas �� mademoiselle Jacques??
Il fit trois fois Oh! apr��s quoi, il me demanda votre adresse, et le voil�� parti sans faire la moindre r��flexion, en me laissant tr��s-confus et tr��s-irrit�� de ne pouvoir achever ma dissertation sur le portrait; car enfin, ma bonne Th��r��se, si cet animal de bel Anglais va chez vous aujourd'hui, comme je l'en crois capable, et qu'il vous redise tout ce que je viens de vous ��crire, c'est-��-dire tout ce que je ne lui ai pas dit, sur les faiseurs et sur les grands ma?tres, qu'allez-vous penser de votre ingrat ami! Qu'il vous range parmi les premiers et qu'il vous juge incapable de faire autre chose que des portraits bien jolis qui plaisent �� tout le monde! Ah! ma ch��re amie, si vous aviez entendu tout ce que je lui ai dit de vous quand il a ��t�� parti!... Vous le savez, vous savez que, pour moi, vous n'��tes pas mademoiselle Jacques, qui fait des portraits ressemblants tr��s en vogue, mais un homme sup��rieur qui s'est d��guis�� en femme, et qui, sans avoir jamais fait l'acad��mie, devine et sait faire deviner tout un corps et toute une ame dans un buste, �� la mani��re des grands sculpteurs de l'antiquit�� et des grands peintres de la renaissance. Mais je me tais; vous n'aimez pas qu'on vous dise ce qu'on pense de vous. Vous faites semblant de prendre cela pour des compliments. Vous ��tes tr��s-orgueilleuse, Th��r��se.
Je suis tout �� fait m��lancolique aujourd'hui, je ne sais pas pourquoi. J'ai si mal d��jeun�� ce matin... Je n'ai jamais si mal mang�� que depuis que j'ai une cuisini��re. Et puis on ne peut plus avoir de bon tabac. La r��gie vous empoisonne. Et puis on m'a apport�� des bottes neuves qui ne vont pas du tout... Et puis il pleut... Et puis, et puis que sais-je? Les jours sont longs comme des jours sans pain depuis quelque temps, ne trouvez-vous pas? Non, vous ne trouvez pas, vous. Vous ne connaissez pas le malaise, le plaisir qui ennuie, et l'ennui qui grise, le mal sans nom dont je vous parlais l'autre soir, dans ce petit salon lilas o�� je voudrais ��tre maintenant; car j'ai un jour affreux pour peindre, et, ne pouvant peindre, j'aurais du plaisir �� vous assommer de ma conversation.
Je ne vous verrai donc pas aujourd'hui! Vous avez l�� une famille insupportable qui vous vole �� vos amis les plus d��licieux! Je vais donc ��tre forc��, ce soir, de faire quelque affreuse sottise!... Voil�� l'effet de votre bont�� pour moi, ma ch��re grande camarade. C'est de me rendre si sot et si nul quand je ne vous vois plus, qu'il faut absolument que je m'��tourdisse au risque de vous scandaliser. Mais, soyez tranquille, je ne vous raconterai pas l'emploi de ma soir��e.
Votre ami et serviteur,
LAURENT.
11 mai 183...
* * * * *
A M. LAURENT DE FAUVEL.
D'abord, mon cher Laurent, je vous demande, si vous avez pour moi quelque amiti��, de ne pas faire trop souvent de sottises qui nuisent �� votre sant��. Je vous permets toutes les autres. Vous allez me demander d'en citer une, et me voil�� fort embarrass��e; car, en fait de sottises, j'en connais peu qui ne soient nuisibles. Reste �� savoir ce que vous appelez sottise. S'il s'agit de ces longs soupers dont vous me parliez l'autre jour, je crois qu'ils vous tuent, et je m'en d��sole. A quoi songez-vous, mon Dieu, de d��truire ainsi, de gaiet�� de coeur, une existence si pr��cieuse et si belle? Mais vous ne voulez pas de sermons: je me borne �� la pri��re.
Quant �� votre Anglais, qui est un Am��ricain, je viens de le voir, et, puisque je ne vous verrai ni ce soir, ni peut-��tre demain, �� mon grand regret, il faut que je vous dise que vous avez tout �� fait tort de ne pas vouloir faire son portrait. Il vous e?t offert les yeux de la t��te, et les yeux de la t��te d'un Am��ricain comme Dick Palmer, c'est beaucoup de billets de banque dont vous avez besoin, pr��cis��ment pour ne pas faire de sottises, c'est-��-dire pour ne pas courir le brelan, dans l'espoir d'un coup de fortune qui n'arrive jamais aux gens d'imagination, vu que les gens d'imagination ne savent pas jouer, qu'ils perdent toujours, et qu'il leur faut ensuite
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