moeurs, nos habitudes, des peintres qui pussent modifier leur manière et transformer leur talent au point de produire des verrières telles que celles du XIIIe siècle, qui sont certainement, au point de vue gothique, les plus parfaites, les plus en rapport avec ce système d'architecture? Et cette supposition même est d'ailleurs démentie par les faits. Qui ne sait qu'à mesure que l'art, entra?né, comme la société, dans une voie nouvelle, s'éloignait de l'ignorance, pour ne pas dire de la barbarie du moyen age, la peinture sur verre, suivant cette tendance générale, arrivait à produire au XVIe siècle, par la main des Bernard Palissy, des Pinaigrier, des Jean Cousin, des vitraux qui rivalisaient avec les fresques sous le rapport du go?t et de la science du dessin? Mais cette perfection même, acquise en dehors de toutes les conditions du gothique, était le signal de la chute de cet art; et les verrières du XVIe siècle, produites sous l'influence de la renaissance, marquent effectivement la dernière période des arts du moyen age arrivés au terme naturel de leur existence et transformés au service d'une société nouvelle.
Maintenant que l'architecture gothique est morte au sein même de la civilisation qui l'avait produite, avec la sculpture, avec la peinture, qui étaient ses acolytes nécessaires, ses auxiliaires indispensables, entreprendra-t-on de faire revivre de nos jours ce qui a cessé d'exister depuis quatre siècles? Mais où sont, encore une fois, les éléments d'une résurrection pareille, inou?e jusqu'ici dans les fastes de l'art? Où en est la raison, où en est la nécessité, dans les conditions de la société actuelle? Où est la main puissante qui peut soulever une nation entière, au point de la faire rétrograder de quatre siècles en arrière? Où est l'exemple de tout un peuple qui ait rompu avec son présent et avec son avenir pour revenir à son passé? L'Académie ne peut croire à ces prodiges d'une volonté humaine qui s'opéreraient contre la nature des choses, en faisant violence à tous les go?ts, à tous les instincts, à toutes les habitudes d'une société. Elle admet bien qu'on puisse faire, par caprice ou par amusement, une église ou un chateau gothique, bien que ce puisse être quelque chose d'assez périlleux qu'une fantaisie administrative de cette espèce. Mais elle est convaincue que cette tentative de retour à des types surannés resterait sans effet, parce qu'elle serait sans raison: elle croit que ce nouveau gothique qu'on voudrait faire, en l'épurant, en le corrigeant autant que possible, en l'accommodant au go?t du jour, n'aurait pas le succès de l'ancien; elle croit qu'en présence de ce gothique de plagiat, de contrefa?on, les populations qui se sentent émues devant le vieux, devant le vrai gothique, resteraient froides et indifférentes; elle croit que la conviction du chrétien n'irait pas où aurait manqué la conviction de l'artiste; et c'est parce qu'elle aime, parce qu'elle comprend, parce qu'elle respecte les édifices religieux du moyen age, qu'elle ne veut pas d'une imitation malheureuse qui ferait perdre à ces monuments sacrés du culte de nos pères l'intérêt qu'ils inspirent en les faisant appara?tre, sous cette forme nouvelle, dépouillés du caractère auguste que la vétusté leur imprime, et privés du sceau de la foi qui les éleva.
En résumé, il n'y a, pour les arts, comme pour les sociétés, qu'un moyen naturel et légitime de se produire; c'est d'être de leur temps, c'est de vivre des idées de leur siècle; c'est de s'approprier tous les éléments de la civilisation qui se trouvent à leur portée; c'est de créer des oeuvres qui leur soient propres, en recueillant dans le passé, en choisissant dans le présent tout ce qui peut servir à leur usage. C'est, avons-nous dit, ce que fit le christianisme à toutes les époques, et c'est ce qu'il doit faire aussi dans la n?tre, dont il faut que l'on dise qu'elle a eu son art chrétien du XIXe siècle, au lieu de dire qu'elle n'a su que reproduire l'art chrétien du XIIIe. Serait-ce donc, au milieu de ce progrès général dont on se vante, surtout au sein de ce retour sincère aux idées chrétiennes dont on se flatte, que notre société se déclarerait ainsi impuissante à rien inventer, et que l'on désespérerait du talent des artistes et de la foi des peuples, au point de n'en rien attendre, que de refaire ce qui a été fait! Mais n'avons-nous pas l'exemple de la renaissance pour nous apprendre comment on peut être original, en employant des éléments, en appliquant des règles que l'ignorance avait longtemps méconnus; comment on peut être chrétien, sans être gothique, en puisant dans les modèles antiques tout ce qui peut se convertir a des besoins nouveaux! Ces grands architectes des XVème et XVIème siècles, les Léon-Baptiste Alberti, les Brunelleschi, les Bramante, les San Gallo, les Peruzzi, les Palladjo, les Vignolo, qui construisirent tant d'églises
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