était diminué, le nombre des lettres confiées au service augmenterait.
Le nombre des lettres transportées en fraude en France est et a toujours été considérable. Il y a vingt ans, on estimait que le nombre des lettres envoyées en dehors de la poste était égal à celui des lettres que transportait l'administration. Depuis ce temps, la marche des courriers a été successivement accélérée, et l'administration a pu regagner ainsi une grande partie des lettres qui lui échappaient par suite de la lenteur relative de la marche de ses dépêches; mais la taxe n'a pas diminué, elle a même été plut?t élevée que réduite par le tarif du 15 mars 1827, et les lettres qui échappaient au service des postes à cause de l'élévation du prix de transport, lui échappent probablement encore.
La fraude pour le transport des lettres se fait en tous temps, en tous lieux, et se reproduit sous mille formes diverses. Le public est naturellement ingénieux quand il s'agit de trouver les moyens d'éviter de payer les ports de lettres; tant?t c'est une enveloppe dont la suscription seule, le timbre ou l'écriture suffisent au destinataire, qui, après l'avoir regardée, la refuse aussit?t[15]; tant?t c'est un journal ou un imprimé sur lequel quelques phrases sont soulignées, piquées ou arrachées[16].
[Note 15: Voir un exemple de fraude semblable, note 2.]
[Note 16: Notre auteur anglais donne un exemple assez curieux d'une fraude faite en Angleterre. Nous traduisons littéralement:
?Il y a quelques années, lorsqu'il était re?u qu'on pouvait opérer le transport d'un journal en franchise, en apposant le nom d'un membre du parlement sur l'adresse, un de mes amis, au moment de partir pour un voyage en écosse, arrêta avec sa famille un plan au moyen duquel il donnerait exactement des nouvelles de sa marche et de l'état de sa santé, sans que ni lui ni elle fussent assujétis à la désagréable obligation d'acquitter des ports de lettres. Il prit avec lui une grande quantité de vieux journaux, et chaque jour il en jetait un dans la bo?te du bureau de poste de la ville où il se trouvait. Le timbre du départ était pour la famille un certificat officiel de son itinéraire et l'état de sa santé était exprimé par l'état connu de la santé du membre du parlement dont il empruntait ce jour-là le nom pour opérer la franchise. Sir Francis Burdett, par exemple, pour exprimer une santé vigoureuse, etc., etc.? Voir aux pièces à l'appui (Note no 2) le détail d'une autre espèce de fraude.]
Le nombre des objets saisis annuellement en fraude est cependant peu élevé; en 1837, on n'a pas saisi plus de huit cent soixante-onze lettres; et ce nombre n'indique rien, si ce n'est l'impossibilité d'exercer tous les jours une surveillance qui, en définitive, ne para?t pas être le meilleur moyen de réprimer l'abus. Qu'importe, en effet, au particulier que sa lettre soit saisie? c'est le messager tenté par le gain qu'il retire de son industrie, qui paie l'amende; mais pour l'envoyeur il n'y perd que sa lettre, et le lendemain la question du port à payer se représente de nouveau pour lui, en même temps que le désir de se soustraire à la taxe. Si ce n'est pas alors le même messager qu'il emploiera, ce sera un autre moyen; car il y en a mille, lorsque la personne qui écrit ne croit pas que sa lettre vaille le prix de la taxe. Mais le danger même de voir une lettre saisie en fraude est très-rare. Ces huit cent soixante-onze lettres saisies en 1837 ont été le résultat de deux cent soixante-trois procès-verbaux de visites seulement, faites sur des entrepreneurs de diligences ou autres. Or il y a douze cents services par entreprises de transports de dépêches journaliers en France, et plus du double de diligences, de messagers, de pourvoyeurs, etc., marchant régulièrement de ville à ville ou de provinces à provinces; soit deux mille quatre cents, et avec les services d'entreprise de poste, trois mille six cents courriers, messagers, etc., marchant tous les jours. Ces courriers et messagers font ensemble deux millions six cent vingt-huit voyages par an, en comptant l'aller et le retour. C'étaient donc deux millions six cent vingt-huit mille occasions de fraude, et je crois que nous sommes ici plut?t au-dessous qu'au-dessus du vrai nombre. Combien l'administration a-t-elle opéré de fois? deux cent soixante-trois, c'est une fois sur dix mille. Il y a donc dix mille chances à parier contre une qu'un messager en fraude ne sera pas saisi, et si on multipliait par dix mille le nombre de lettres saisies en 1837, on obtiendrait huit millions sept cent dix mille lettres, ou environ 4,350,000 fr. de produits qui ont ainsi échappé à la taxe.
Il faut cependant tenir compte encore de l'abus du contre-seing et de la franchise des fonctionnaires, qui est assez considérable, et de
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