Du service des postes et de la taxation des lettres au moyen dun timbre | Page 8

A. Piron
de 1,669,367 fr. à 4,305,369 fr., c'est-à-dire a triplé. Le produit de la taxe des lettres n'a pas pris le même accroissement: la recette nette de 1816 a été de 19,825,000 fr., et la recette de 1836 de 35,600,000 fr., c'est-à-dire qu'elle a doublé seulement et cependant la recette des postes e?t d? s'élever dans une proportion bien plus considérable que le 10e du produit des places des voyageurs, parce que l'envoi d'une lettre est un besoin bien plus général, plus fréquent et plus à la portée de tous, que le transport des personnes.
S'il y avait à opérer une réduction sur une taxe quelconque, ne conviendrait-il pas de choisir d'abord celle dont l'abaissement donnerait la plus grande somme d'avantages au public, avec la moindre perte pour le trésor? Or, l'imp?t qui se prête le mieux à l'accomplissement de ces deux conditions, est la taxe des lettres; car, si le revenu des postes devait, en définitive, supporter une réduction, il serait encore douteux de savoir si la transmission des lettres à un plus bas prix ne développerait pas si puissamment les diverses sources de produits, que les autres branches de revenu public indemnisassent largement le trésor public de la diminution des recettes des postes.
Mais il en est autrement; les recettes augmentent, et l'accroissement trop faible encore, quoique progressif, de ce produit indique des besoins nouveaux de la part du public, besoins qui seraient plus complètement satisfaits si les bénéfices annuels de l'administration étaient moins considérables, ou, en d'autres termes, si le prix du transport, auquel le commerce est obligé d'avoir recours, était moins élevé.
Ne semble-t-il pas juste, d'ailleurs, qu'à mesure que les communications deviennent plus fréquentes, le prix de transport s'abaisse? et ne doit-on pas être porté à croire que l'administration des postes se récupérerait plus complètement des frais d'exploitation par le plus grand nombre de lettres que cette diminution de la taxe ferait rentrer dans son service? Les chemins de fer viennent en preuve à cette opinion; si l'administration était conduite à employer plus généralement cette voie, le moyen de transport de dépêches le plus rapide et le plus fréquent de tous, et, par cela même, le plus productif pour l'administration, ne co?terait rien ou presque rien; le tarif des postes, là au moins, ne devrait-il pas être abaissé?
Mais c'est partout qu'il devrait être abaissé, car il est partout trop élevé. Aujourd'hui, dans le commerce, un négociant défend à son correspondant de lui écrire toutes les fois qu'il n'a pas quelque chose d'important à lui dire; car le port de la lettre est toujours là entre eux comme une gêne et comme un obstacle. Si l'opération qui doit faire l'objet de la lettre ne présente pas un bénéfice clair et certain, la lettre n'est pas écrite, l'opération n'est pas tentée, et la faute en est à la taxe de la lettre qui, dans tous les cas, est une dépense que l'on craint, et que l'on évite le plus souvent qu'on peut.
La poste, qui devrait se présenter toujours comme une grande route ouverte, facile et presque gratuite pour le transport de ces premiers germes de commerce et d'industrie, se trouve là tout d'abord comme une dépense et comme un obstacle.
Qu'arrive-t-il de cela, cependant? si le particulier trouve le port de sa lettre trop élevé, ou absolument, ou relativement à l'opération qu'il tente, il la fera transporter en fraude, où il ne l'écrira pas. Dans le premier cas, la taxe, quelque minime qu'elle e?t été, dans l'hypothèse d'une réduction de nature à faire rentrer la lettre dans le service, est perdue pour le trésor; et, dans le second cas, il y a perte pour tout le monde, savoir: 1o pour le particulier qui se prive d'écrire; 2o pour la recette des postes à laquelle échappe et le port de la lettre et le port de la réponse que cette lettre aurait pu amener; 3o enfin, pour les autres branches de revenu public qui auraient profité des transactions ou des consommations que cette correspondance aurait pu faire na?tre.
Celui qui soustrait sa lettre au service des postes, en effet, est guidé par l'un de ces deux motifs: ou il espère faire transporter cette lettre plus rapidement, ou il désire éviter tout ou partie du prix de transport.
Or, si le service que fait la poste n'est pas le plus fréquent transport qui s'opère sur certaines routes, au moins est-il à peu près partout le plus rapide, et nous ne craindrons pas de nous tromper en disant que, sur dix envois de lettres en fraude, neuf au moins sont déterminés par le désir de se soustraire au paiement d'une taxe trop forte eu égard aux frais moins élevés que comporte le transport en fraude auquel les particuliers ont recours; et, tout d'abord, il y a donc présomption que si le prix de transport par la poste
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