Du service des postes et de la taxation des lettres au moyen dun timbre | Page 6

A. Piron
environs de Toulon, par exemple, qui aurait une somme de 11 fr. nette à faire toucher au fabricant à Paris devrait payer à la poste d'abord cinq pour cent de 11 fr. ou 55 c.; le prix de la reconnaissance timbrée ou 35 c.; enfin le port de la lettre, 1 fr.: total 1 fr. 90 c., c'est-à-dire, plus de dix-huit pour cent de la somme à envoyer. Pour l'envoi d'une somme de 1 fr. de Bayonne à Paris, il en co?te 1 fr. 05 c., savoir: 1 fr. pour le port de la lettre, et 0,05 c. pour le droit de cinq pour cent[12] ou cent cinq pour cent de la valeur envoyée; l'opération n'est donc pas faisable, et si le particulier qui doit payer habite la campagne, elle est impossible; car il faudrait qu'il se transportat au bureau de poste, et dans ce cas il faut ajouter à tous les frais ci-dessus les dépenses résultant de son déplacement, de la perte de son temps, etc., etc.
[Note 10: Loi du 5 niv?se, an v, relative aux envois d'articles d'argent par la poste.]
[Note 11: Que l'on considère combien l'intelligence et les connaissances du peuple des campagnes pourraient être hatées par la jouissance de nouvelles choses utiles à la vie, par ce premier luxe pour ainsi dire de nécessité, par la mise à sa portée d'objets utiles, de meubles à bon marché, de livres, d'instruments domestiques qu'il ne conna?t même pas aujourd'hui, parce que, bien qu'on puisse les lui faire parvenir, le prix en serait plus que quadruplé par les frais à faire dans la législation actuelle pour en opérer la rentrée; et l'on sera porté à désirer vivement que la modification si simple dans le service des articles d'argent, dont il est question ici, puisse s'opérer un jour.]
[Note 12: La reconnaissance timbrée n'est exigée que pour un envoi au-dessus de 10 fr.]
Il suit de là que les demandes de marchandises de peu de valeur des provinces à Paris doivent être très-rares; et il para?trait cependant que les besoins à ce sujet sont bien grands, puisque, malgré toutes les difficultés du recouvrement, il se trouve encore environ 2000 quittances expédiées par jour de Paris pour les départements; ce chiffre nous a été donné par une personne très-bien placée pour le conna?tre, et nous y ajoutons toute créance.
Ces quittances, faites aujourd'hui en général pour paiement du prix d'objets de librairie ou de journaux, ne sont pas confiées à la poste; elles sont réunies par plusieurs personnes qui font commerce de ces espèces de recouvrements, triées, mises en paquets pour chaque chef-lieu de département, accompagnées d'un bordereau, et enfin expédiées par les diligences aux receveurs généraux et d'arrondissement.
Mais les percepteurs, entre les mains desquels il faut que ces billets arrivent définitivement, ne font leur tournée qu'une fois par mois; mais les rentrées sont tardives; mais les frais sont considérables[13]. L'administration pourrait faire par ses facteurs ce recouvrement tous les jours. Chaque envoyeur de bons semblables paierait volontiers cinq pour cent de commission, s'il n'y avait que cinq pour cent à payer. Or, 2000 quittances par jour font 730,000 quittances par an: en les supposant de 15 fr. l'une, on aurait à opérer une recette de 10,950,000 fr., qui, à raison de cinq pour cent, produiraient à l'état 547,500 fr. dès la première année, et cela en supposant que le nombre des quittances restat le même; mais cette facilité donnée au commerce par l'administration des postes, augmenterait en peu de temps le nombre des quittances, et l'opinion de la personne de qui nous tenons ces renseignements était que, dès la première année, leur nombre devrait plus que doubler. La recette du droit serait donc de 1,095,000 fr.
[Note 13: Ces frais aujourd'hui sont généralement de 15 ou 20%.]
Et qu'on ne s'effraie pas du supplément de travail que devrait causer aux employés des postes la transmission des quittances des mains des particuliers aux mains des agents de l'administration centrale, et de ceux-ci aux directeurs des départements et aux facteurs ruraux; cette transmission serait simple et facile, et pourrait s'opérer sans augmentation sensible dans les frais de perception.
Qui peut dire cependant combien la civilisation gagnerait dans l'avenir à ce surcro?t de bien-être que les habitants des campagnes retireraient du plan proposé; combien le commerce, à ce nouveau et immense débouché; combien, enfin, le trésor public, par la perception du droit de cinq pour cent indépendamment du nombre des lettres nouvelles qui accompagneraient l'établissement du nouveau service et que nous supposons devoir être considérable!
Or, maintenant, que l'on veuille donc considérer le service des postes comme un élément de prospérité sociale ou financière, on sera conduit à conclure qu'il laisse quelque chose à désirer, tant que l'administration investie du privilége ne transporte pas l'universalité des lettres que les particuliers ont intérêt à écrire.
Et ce résultat peut être amené par
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