Du service des postes et de la taxation des lettres au moyen dun timbre | Page 5

A. Piron
lenteurs et les séjours en route ne doivent-ils pas produire un effet contraire? On parerait à cet inconvénient en établissant un double départ de courriers de Paris; les uns, expédiés le matin, emporteraient les lettres arrivées des départements, les journaux publiés à Paris et les lettres écrites dans la soirée de la veille; les autres, partant à six heures du soir, seraient chargés des lettres de Paris même et des correspondances administratives faites pendant la journée. Les courriers seraient plus rapides parce qu'ils seraient moins chargés, et beaucoup d'imprimés qui intéressent le service public, ne seraient jamais retardés pendant plusieurs jours faute de place, ce qui arrive quelquefois dans l'ordre actuel du service.
Si l'on objectait que les dépenses qu'entra?nerait cette disposition seraient hors de proportion avec les produits que l'on pourrait en espérer, nous répondrions: 1° que cela pourrait ne point être exact, même dès l'origine, sur tous les points; 2° que bient?t après l'accroissement des lettres en transit par Paris couvrirait et au-delà la dépense[7]; 3° et qu'enfin, sauf quelques routes où un double service en malle-poste pourrait être nécessaire, rien ne s'opposerait à ce que les transports du matin fussent confiés à des entreprises particulières de diligences, services que, selon leur importance, on pourrait faire surveiller par un courrier de l'administration, chargé d'accompagner les dépêches et de les distribuer aux bureaux de poste de la route. Ces doubles courriers devraient être établis sur toutes les lignes où se trouveraient des villes qui pourraient recevoir ainsi leurs lettres des départements en transit par Paris, le jour même de leur arrivée à Paris, ou le lendemain avant le passage de la malle-poste partie de Paris le soir du même jour. Les transports de dépêches par entreprises sont à bon compte généralement en France[8], et le trésor serait bient?t payé avec usure des frais de ces nouveaux services par l'accroissement du nombre des Lettres.
[Note 7: Voir ci-après, chapitre 4, les frais d'un service en malle-poste comparés aux recettes.]
[Note 8: Le terme moyen du prix d'un service par entreprise en France, est de 1647 fr. En effet, le nombre des entreprises est de 1700 environ, et la dépense annuelle est de 2,800,000 fr. (Voir comptes définitifs de 1836.) Le nombre des lieues parcourues par an par tous ces courriers d'entreprises réunis étant d'environ 7,800,000, le prix du transport des dépêches par entreprises est en France de 36 c. par lieue à peu près.]
Il existe, il est vrai, déjà aujourd'hui des services supplémentaires de transport de lettres et de journaux pour la banlieue de Paris; mais, indépendamment de ce que ces services, tels qu'ils sont, laissent beaucoup à désirer dans leur exécution, ils parcourent de trop courtes distances, et ils ne peuvent atteindre le but que nous proposons par les courriers du matin. Ces courriers du matin, au contraire, feraient le transport des lettres de Paris pour la banlieue, et arriveraient plus vite que les voitures auxquelles ce transport est actuellement confié.
L'autre source toute nouvelle de produits dont nous avons parlé se trouverait dans un emploi mieux entendu du service des facteurs ruraux[9].
[Note 9: Ceci a fait l'objet d'un Mémoire adressé au Ministre des finances par un membre distingué du corps municipal de Paris, vers le milieu de l'année 1837.]
On n'a pas assez pensé, jusqu'à ce jour, aux moyens de rendre ces facteurs des agents plus actifs de bien-être et de civilisation dans les communes qu'ils parcourent. La loi de poste[10], qui fixe à cinq pour cent le prix du transport de l'argent, et assujettit en même temps les envoyeurs au paiement d'une reconnaissance timbrée et le destinataire à la nécessité de se transporter au bureau de poste pour toucher son mandat, ne permet guère aux habitants des campagnes d'envoyer ou de recevoir de petites sommes d'argent par la poste. Si les facteurs ruraux étaient autorisés à recueillir dans les communes ces petites sommes d'argent, montants de quittances qui auraient été envoyées administrativement aux directeurs, et sur lesquelles le bureau de poste chargé de l'encaissement percevrait le droit proportionnel de cinq pour cent, les communes trouveraient enfin le moyen de se mettre en rapport avec les grands sièges de fabrication et s'approvisionneraient à Paris de beaucoup d'objets à bas prix, mais de première nécessité; ils conna?traient enfin l'usage de ces choses qui donnent aux habitants, même pauvres, des grandes villes tant de supériorité de civilisation sur les habitants des campagnes, choses qu'on ne peut pas fabriquer dans les petites villes, parce qu'il n'y a qu'une immense consommation qui puisse compenser les frais de la fabrication et surtout le bas prix auquel on veut les avoir; objets enfin que, de tous les points de la France, on ferait venir de Paris, sans la difficulté, insurmontable jusqu'à présent, de la part du fournisseur, de s'en faire payer le prix[11]. En effet, le consommateur placé aux
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