vous croire ; mais on m'a toujou dit qu'il ne faut jamais croire les monsieux, et que vous autres courtisans êtes des enjoleux, qui ne songez qu'à abuser les filles.
- Don Juan -
Je ne suis pas de ces gens-là.
- Sganarelle -
Il n'a garde.
- Charlotte -
Voyez-vous, Monsieu ? il n'y a pas plaisir à se laisser abuser. Je suis une pauvre paysanne ; mais j'ai l'honneur en recommandation, et j'aimerais mieux me voir morte que de me voir déshonorée.
- Don Juan -
Moi, j'aurais l'ame assez méchante pour abuser une personne comme vous ? je serais assez lache pour vous déshonorer ? Non, non, j'ai trop de conscience pour cela. Je vous aime, Charlotte, en tout bien et en tout honneur ; et, pour vous montrer que je vous dis vrai, sachez que je n'ai point d'autre dessein que de vous épouser. En voulez-vous un plus grand témoignage ? M'y voilà prêt quand vous voudrez : et je prends à témoin l'homme que voilà, de la parole que je vous donne.
- Sganarelle -
Non, non, ne craignez point. Il se mariera avec vous tant que vous voudrez.
- Don Juan -
Ah ! Charlotte, je vois bien que vous ne me connaissez pas encore. Vous me faites grand tort de juger de moi par les autres ; et s'il y a des fourbes dans le monde, des gens qui ne cherchent qu'à abuser les filles, vous devez me tirer du nombre, et ne pas mettre en doute la sincérité de ma foi : et puis votre beauté vous assure de tout. Quand on est faite comme vous, on doit être à couvert de toutes ces sortes de craintes : vous n'avez point l'air, croyez-moi, d'une personne qu'on abuse ; et pour moi, je vous l'avoue, je me percerais le coeur de mille coups, si j'avais eu la moindre pensée de vous trahir.
- Charlotte -
Mon Dieu ! je ne sais si vous dites vrai ou non ; mais vous faites que l'on vous croit.
- Don Juan -
Lorsque vous me croirez, vous me rendrez justice assurément, et je vous réitère encore la promesse que je vous ai faite. Ne l'acceptez-vous pas ? et ne voulez-vous pas consentir à être ma femme ?
- Charlotte -
Oui, pourvu que ma tante le veuille.
- Don Juan -
Touchez donc là, Charlotte, puisque vous le voulez bien de votre part.
- Charlotte -
Mais au moins, Monsieu, ne m'allez pas tromper, je vous prie ; il y aurait de la conscience à vous, et vous voyez comme j'y vais à la bonne foi.
- Don Juan -
Comment ! il semble que vous doutiez encore de ma sincérité ? voulez-vous que je fasse des serments épouvantables ? Que le ciel...
- Charlotte -
Mon Dieu, ne jurez point ! je vous crois.
- Don Juan -
Donnez-moi donc un petit baiser pour gage de votre parole.
- Charlotte -
Oh ! monsieu, attendez que je soyons mariés, je vous prie. Après ?a, je vous baiserai tant que vous voudrez.
- Don Juan -
Eh bien, belle Charlotte, je veux tout ce que vous voulez, abandonnez-moi seulement votre main, et souffrez que, par mille baisers, je lui exprime le ravissement où je suis...
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Scène III. - Don Juan, Sganarelle, Pierrot, Charlotte.
- Pierrot -
(poussant Don Juan qui baise la main de Charlotte.)
Tout doucement, Monsieu ; tenez-vous, s'il vous pla?t. Vous vous échauffez trop, et vous pourriez gagner la purésie.
- Don Juan -
(repoussant rudement Pierrot.)
Qui m'amène cet impertinent ?
- Pierrot -
(se mettant entre Don Juan et Charlotte.)
Je vous dis qu'ous vous tegniez, et qu'ous ne caressiais point nos accordées.
- Don Juan -
(repoussant encore Pierrot.)
Ah ! que de bruit !
- Pierrot -
Jerniguienne ! ce n'est pas comme ?a qu'il faut pousser les gens.
- Charlotte -
(prenant Pierrot par le bras.)
Et laisse-le faire aussi, Piarrot.
- Pierrot -
Quement ! que je le laisse faire ! Je ne veux pas, moi.
- Don Juan -
Ah !
- Pierrot -
Tétiguienne ! par ce qu'ous êtes monsieu, vous viendrez caresser nos femmes à notre barbe ? Allez-v's-en caresser les v?tres.
- Don Juan -
Heu ?
- Pierrot -
Heu.
(Don Juan lui donne un soufflet.)
Tétigué ! ne me frappez pas.
(autre soufflet.)
Oh ! jerniguié !
(autre soufflet.)
Ventregué !
(autre soufflet.)
Palsangué ! morguienne ! ?a n'est pas bian de battre les gens, et ce n'est là la récompense de v's avoir sauvé d'être nayé.
- Charlotte -
Piarrot ! ne te fache point.
- Pierrot -
Je me veux facher ; et t'es une vilaine, toi, d'endurer qu'on te cajole.
- Charlotte -
Oh ! Piarrot, ce n'est pas ce que tu penses. Ce monsieu veut m'épouser, et tu ne dois pas te bouter en colère.
- Pierrot -
Quement ? Jerni ! tu m'es promise.
- Charlotte -
?a n'y fait rien, Piarrot. Si tu m'aimes, ne dois-tu pas être bien aise que je devienne madame ?
- Pierrot -
Jernigué ! non. J'aime mieux te voir crevée que de te voir à un autre.
- Charlotte -
Va va, Piarrot, ne te mets point en peine. Si je
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