expliquer trop sa honte ; et sur de tels sujets, un noble coeur, au premier mot, doit prendre son parti. N'attends pas que j'éclate ici en reproches et en injures ; non, non, je n'ai point un courroux à exhaler en paroles vaines, et toute sa chaleur se réserve pour sa vengeance. Je te le dis encore, le ciel te punira, perfide, de l'outrage que tu me fais, et si le ciel n'a rien que tu puisses appréhender, appréhende du moins la colère d'une femme offensée.
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Scène IV. - Don Juan, Sganarelle.
- Sganarelle -
(à part.)
Si le remords le pouvait prendre !
- Don Juan -
(après un moment de réflexion.)
Allons songer à l'exécution de notre entreprise amoureuse.
- Sganarelle -
(seul.)
Ah ! quel abominable ma?tre me vois-je obligé de servir !
ACTE SECOND. ------------
Le théatre représente une campagne au bord de la mer.
Scène première. - Charlotte, Pierrot.
- Charlotte -
Notre dinse, Piarrot, tu t'es trouvé là bien à point !
- Pierrot -
Parguienne, il ne s'en est pas fallu l'époisseur d'une éplingue, qu'ils ne se sayant nayés tous deux.
- Charlotte -
C'est donc le coup de vent d'à matin qui les avait renvarsés dans la mar ?
- Pierrot -
Aga (1), quien, Charlotte, je m'en vas te conter tout fin drait comme cela est venu : car, comme dit l'autre, je les ai le premier avisés, avisés le premier je les ai. Enfin donc j'étions sur le bord de la mar, moi et le gros Lucas, et je nous amusions à batifoler avec des mottes de tarre que je nous jesquions à la tête ; car, comme tu sais bian, le gros Lucas aime à batifoler, et moi, par fouas, je batifole itou. En batifolant donc, pisque batifoler y a, j'ai apar?u de tout loin queuque chose qui grouillait dans gliau, et qui venait comme envars nous par secousse. Je voyais cela fixiblement, et pis tout d'un coup je voyais que je ne voyais plus rien. Eh ! Lucas, c'ai-je fait, je pense que vlà des hommes qui nageant là-bas. Voire, ce m'a-t-il fait, t'as été au trépassement d'un chat, t'as la vue trouble (2). Palsanguienne, c'ai-je fait, je n'ai point la vue trouble, ce sont des hommes. Point du tout, ce m'a-t-il fait, t'as la barlue. Veux-tu gager, c'ai-je fait, que je n'ai point la barlue, c'ai-je fait, et que ce sont deux hommes, c'ai-je fait, qui nageant droit ici, c'ai-je fait ? Morguienne, ce m'a-t-il fait, je gage que non. Oh ! ?a, c'ai-je fait, veux-tu gager dix sous que si ? Je le veux bian, ce m'a-t-il fait, et, pour te montrer, vlà argent su jeu, ce m'a-t-il fait. Moi, je n'ai point été ni fou, ni estourdi ; j'ai bravement bouté à tarre quatre pièces tapées, et cinq sous en doubles, jerniguienne, aussi hardiment que si j'avais avalé un varre de vin, car je sis hasardeux, moi, et je vas à la débandade. Je savais bian ce que je faisais pourtant. Queuque gniais ! Enfin donc, je n'avons pas put?t eu gagé, que j'avons vu les deux hommes tout à plain, qui nous faisiant signe de les aller querir ; et moi de tirer auparavant les enjeux. Allons, Lucas, c'ai-je dit, tu vois bian qu'ils nous appelont ; allons vite à leu secours. Non, ce m'a-t-il dit, ils m'ont fait pardre. Oh ! donc, tanquia qu'à la parfin, pour le faire court, je l'ai tant sarmonné, que je nous sommes boutés dans une barque, et pis j'avons tant fait cahin caha, que je les avons tirés de gliau, et pis je les avons menés cheux nous auprès du feu, et pis ils se sant dépouillés tous nus pour se sécher, et pis il y en est venu encore deux de la même bande, qui s'équiant sauvés tout seuls ; et pis Mathurine est arrivée là, à qui l'en a fait les doux yeux. Vlà justement, Charlotte, comme tout ?a s'est fait.
- Charlotte -
Ne m'as-tu pas dit, Piarrot, qu'il y en a un qu'est bien pu mieux fait que les autres ?
- Pierrot -
Oui, c'est le ma?tre. Il faut que ce soit queuque gros, gros monsieur, car il a du dor à son habit tout depis le haut jusqu'en bas ; et ceux qui le servont sont des monsieux eux-mêmes ; et stapandant, tout gros monsieu qu'il est, il serait par ma fiqué nayé si je n'aviomme été là.
- Charlotte -
Ardez (3) un peu.
- Pierrot -
Oh ! parguienne, sans nous il en avait pour sa maine de fèves (4).
- Charlotte -
Est-il encore cheux toi tout nu, Piarrot ?
- Pierrot -
Nannain, ils l'avont r'habillé tout devant nous. Mon Guieu, je n'en avais jamais vu s'habiller. Que d'histoires et d'engingorniaux (5) boutont ces messieux-là les courtisans ! je me pardrais là dedans pour moi ; et j'étais tout ébobi de voir ?a. Quien, Charlotte, ils avont des cheveux qui
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