est le seul dont la parole trouva un ��cho dans la rue et dans le coeur du peuple. C'est v��ritablement l'homme de la parole r��volutionnaire, de la parole d'insurrection. Que l'��loquence noblement ordonn��e d'un Mirabeau et les discours froids et ��lectriques d'un Robespierre, soient davantage pris��s que les harangues hagardes et tonnantes de Danton, c'est l�� un ph��nom��ne qui ne saurait rien avoir de surprenant. Si les deux premiers de ces orateurs ont pu l��guer �� la post��rit�� des discours qui demeurent le testament politique d'une ��poque, c'est qu'ils furent r��dig��s pour cette post��rit�� qui les accueille. Pour Danton rien de pareil. S'il atteste quelquefois cette post��rit��, qui oublie en lui l'orateur pour le meneur, c'est par pur effet oratoire, parce qu'il se souvient, lui aussi, des classiques dont il est nourri, et ce n'est qu'un incident rare. Ce n'est pas �� cela qu'il pr��tend. Il ne sait point "pr��voir la gloire de si loin". Il est l'homme de l'heure dangereuse, l'homme de la patrie en danger; l'homme de l'insurrection. "Je suis un homme de R��volution [Note: ��DOUARD FLEURY. Etudes r��volutionnaires: Camille Desmoulins et Roch Mercandier (la presse r��volutionnaire), p. 47; Paris, 1852]", lui fait-on dire. Et c'est vrai. Telles, ses harangues n'aspirent point �� se survivre. Que sa parole soit utile et ��cout��e �� l'heure o�� il la prononce, c'est son seul d��sir et il estime son devoir accompli.
On con?oit ce que cette th��orie, admirable en pratique, d'abn��gation et de courage civique, peut avoir de d��fectueux pour la renomm��e oratoire de l'homme qui en fait sa r��gle de conduite, sa ligne politique. Nous verrons, plus loin, que ce n'est pas le seul sacrifice fait par Danton �� sa patrie.
Ces principes qu'il proclame, qu'il met en oeuvre, sont la meilleure critique de son ��loquence. "Ses harangues sont contre toutes les r��gles de la rh��torique: ses m��taphores n'ont presque jamais rien de grec ou de latin (quoiqu'il aimat �� parler le latin). Il est moderne, actuel" [Note: F.A. AULARD. ��tudes et le?ons sur la R��volution fran?aise, tome 1, p. 183; Paris, F��lix Alcan, 1893.], dit M. Aulard qui lui a consacr�� de profondes et judicieuses ��tudes. C'est l�� le r��sultat de son caract��re politique, et c'est ainsi qu'il se trouve chez Danton d��sormais ins��parable de son ��loquence. Homme d'action avant tout, il m��prise quelque peu les longs discours inutiles. Apathie d��concertante chez lui. En effet, il semble bien, qu'avocat, nourri dans la basoche, coutumier de toutes les chicanes, et surtout de ces effroyables chicanes judiciaires de l'ancien r��gime, il ait d? prendre l'habitude de les ��couter en silence, quitte �� foncer ensuite, t��te baiss��e, sur l'adversaire. Mais peut-��tre est-ce de les avoir trop souvent ��cout��s, ces beaux discours construits selon les m��thodes de la plus rigoureuse rh��torique, qu'il se r��v��le leur ennemi le jour o�� la basoche le lache et fait de l'avocat aux Conseils du Roi l'��meutier formidable ru�� �� l'assaut des vieilles monarchies? Sans doute, mais c'est surtout parce qu'il n'est point l'homme de la chicane et des tergiversations, parce que, m��l�� �� la tourmente la plus extraordinaire de l'histoire, il comprend, avec le coup d'oeil de l'homme d'��tat qu'il fut d��s le premier jour, le besoin, l'obligation d'agir et d'agir vite. Qui ne compose point avec sa conscience, ne compose point avec les ��v��nements. Cela fait qu'au lendemain d'une nuit d��mente, encore poudreux, de la bagarre, un avocat se trouve ministre de la Justice.
Se sent-il capable d'assumer cette lourde charge? Est-il pr��par�� �� la terrible et souveraine fonction? Le sait-il? Il ne discute point avec lui-m��me et accepte. Il sait qu'il est avocat du peuple, qu'il appartient au peuple. Il accepte parce qu'il faut vaincre, et vaincre sur-le-champ.[Note: "Mon ami Danton est devenu ministre de la Justice par la grace du canon: cette journ��e sanglante devait finir, pour nous deux surtout, par ��tre ��lev��s ou hiss��s ensemble. Il l'a dit �� l'Assembl��e nationale: Si j'eusse ��t�� vaincu, je serais criminel." Lettre de Camille Desmoulins �� son p��re, 15 ao?t 1792. Oeuvres de Camille Desmoulins, recueillies et publi��es d'apr��s les textes originaux par M. Jules Claretie, tome II, p. 367-369; Paris, Pasquelle, 1906.]
Cet homme-l�� n'est point l'homme de la m?re r��flexion, et de l�� ses fautes. Il accepte l'inspiration du moment, pourvu, toutefois, qu'elle s'accorde avec l'id��al politique que, d��s les premiers jours, il s'est propos�� d'atteindre.
Il n'a point, comme Mirabeau, le g��nie de la facilit��, cette abondance m��ridionale que parent les plus belles fleurs de l'esprit, de l'intelligence et de la r��miniscence. Mirabeau, c'est un ph��nom��ne d'assimilation, extraordinaire ��cho des pens��es d'autrui qu'il fond et d��nature magnifiquement au creuset de sa m��moire, une mani��re de Bossuet du plagiat que nul sujet ne trouve pris au d��pourvu.
Danton, lui, avoue simplement son ignorance en certaines mati��res. "Je ne me connais pas grandement en finances", disait-il un jour [Note: S��ance de
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