la
puissance créatrice continue, ou de la destinée préordonnée des choses
vivantes.» Plus loin (p. 90), à propos de la distribution géographique, il
ajoute: «Ces phénomènes ébranlent la croyance où nous étions que
l'aptéryx de la Nouvelle-Zélande et le coq de bruyère rouge de
l'Angleterre aient été des créations distinctes faites dans une île et pour
elle. Il est utile, d'ailleurs de se rappeler toujours aussi que le zoologiste
attribue le mot de création a un procédé sur lequel il ne connaît rien.» Il
développe cette idée en ajoutant que toutes les fois qu'un «zoologiste
cite des exemples tels que le précédent, comme preuve d'une création
distincte dans une île et pour elle, il veut dire seulement qu'il ne sait pas
comment le coq de bruyère rouge se trouve exclusivement dans ce lieu,
et que cette manière d'exprimer son ignorance implique en même temps
la croyance à une grande cause créatrice primitive, à laquelle l'oiseau
aussi bien que les îles doivent leur origine.» Si nous rapprochons les
unes des autres les phrases prononcées dans ce discours, il semble que,
en 1858, le célèbre naturaliste n'était pas convaincu que l'aptéryx et le
coq de bruyère rouge aient apparu pour la première fois dans leurs
contrées respectives, sans qu'il puisse expliquer comment, pas plus qu'il
ne saurait expliquer pourquoi.
Ce discours a été prononcé après la lecture du mémoire de M. Wallace
et du mien sur l'origine des espèces devant la Société Linnéenne. Lors
de la publication de la première édition du présent ouvrage, je fus,
comme beaucoup d'autres avec moi, si complètement trompé par des
expressions telles que «l'action continue de la puissance créatrice», que
je rangeai le professeur Owen, avec d'autres paléontologistes, parmi les
partisans convaincus de l'immutabilité de l'espèce; mais il paraît que
c'était de ma part une grave erreur (Anatomy of Vertebrates, vol. III, p.
796). Dans les précédentes éditions de mon ouvrage je conclus, et je
maintiens encore ma conclusion, d'après un passage commençant (ibid.,
vol. I, p. 35) par les mots: «Sans doute la forme type, etc.», que le
professeur Owen admettait la sélection naturelle comme pouvant avoir
contribué en quelque chose à la formation de nouvelles espèces; mais il
paraît, d'après un autre passage (ibid., vol. III, p. 798), que ceci est
inexact et non démontré. Je donnai aussi quelques extraits d'une
correspondance entre le professeur Owen et le rédacteur en chef de la
London Review, qui paraissaient prouver à ce dernier, comme à
moi-même, que le professeur Owen prétendait avoir émis avant moi la
théorie de la sélection naturelle. J'exprimai une grande surprise et une
grande satisfaction en apprenant cette nouvelle; mais, autant qu'il est
possible de comprendre certains passages récemment publiés (Anat. of
Vertebrates, III, p. 798), je suis encore en tout ou en partie retombé
dans l'erreur. Mais je me rassure en voyant d'autres que moi trouver
aussi difficiles à comprendre et à concilier entre eux les travaux de
controverse du professeur Owen. Quant à la simple énonciation du
principe de la sélection naturelle, il est tout à fait indifférent que le
professeur Owen m'ait devancé ou non, car tous deux, comme le
prouve cette esquisse historique, nous avons depuis longtemps eu le
docteur Wells et M. Matthew pour prédécesseurs.
M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, dans des conférences faites en 1850
(résumées dans Revue et Mag. de zoologie, janvier 1851), expose
brièvement les raisons qui lui font croire que «les caractères spécifiques
sont fixés pour chaque espèce, tant qu'elle se perpétue au milieu des
mêmes circonstances; ils se modifient si les conditions ambiantes
viennent à changer». «En résumé, l'observation des animaux sauvages
démontre déjà la variabilité limitée des espèces. Les expériences sur les
animaux sauvages devenus domestiques, et sur les animaux
domestiques redevenus sauvages, la démontrent plus clairement encore.
Ces mêmes expériences prouvent, de plus, que les différences produites
peuvent être de valeur générique.» Dans son Histoire naturelle
générale (vol. II, 1859, p. 430), il développe des conclusions
analogues.
Une circulaire récente affirme que, dès 1851 (Dublin Médical Press, p.
322), le docteur Freke a émis l'opinion que tous les êtres organisés
descendent d'une seule forme primitive. Les bases et le traitement du
sujet diffèrent totalement des miens, et, comme le docteur Freke a
publié en 1861 son essai sur l'Origine des espèces par voie d'affinité
organique, il serait superflu de ma part de donner un aperçu
quelconque de son système.
M. Herbert Spencer, dans un mémoire (publié d'abord dans le Leader,
mars 1852, et reproduit dans ses Essays en 1858), a établi, avec un
talent et une habileté remarquables, la comparaison entre la théorie de
la création et celle du développement des êtres organiques. Il tire ses
preuves de l'analogie des productions domestiques, des changements
que subissent les embryons de beaucoup d'espèces, de la difficulté de
distinguer entre les espèces et les variétés, et
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