croit pas �� la possibilit�� d'��tre longtemps mal jug��: c'est avec ce sentiment de confiance qu'on vogue �� pleines voiles dans la vie. Tout ce qu'on a su, tout ce qu'on vous a dit de la mauvaise nature d'un grand nombre d'hommes, s'est class�� dans votre t��te comme l'histoire, comme tout ce qu'on apprend en morale sans l'avoir ��prouv��. On ne s'avise d'appliquer aucune de ces id��es g��n��rales �� sa situation particuli��re; tout ce qui vous arrivera, tout ce qui vous entoure doit ��tre une exception. Ce qu'on a d'esprit n'a point d'influence sur la conduite: l�� o�� il y a un coeur, il est seul ��cout��. Ce qu'on n'a pas senti soi-m��me est connu de la pens��e, sans jamais diriger les actions. Mais �� vingt-cinq ans, �� cette ��poque pr��cise o�� la vie cesse de cro?tre, il se fait un cruel changement dans votre existence: on commence �� juger votre situation; tout n'est plus avenir dans votre destin��e; �� beaucoup d'��gards votre sort est fix��, et les hommes r��fl��chissent alors s'il leur convient d'y lier le leur. S'ils y voient moins d'avantages qu'ils n'avaient cru, si de quelque mani��re leur attente est tromp��e, au moment o�� ils sont r��solus �� s'��loigner de vous, ils veulent se motiver �� eux-m��mes leur tort envers vous; ils vous cherchent mille d��fauts pour s'absoudre du plus grand de tous: les amis qui se rendent coupables d'ingratitude vous accablent pour se justifier; ils nient le d��vouement, ils supposent l'exigence, ils essaient enfin de moyens s��par��s, de moyens contradictoires pour envelopper votre conduite et la leur d'une sorte d'incertitude que chacun explique �� son gr��. Quelle multitude de peines assi��ge alors le coeur qui voulait vivre dans les autres, et se voit tromp�� dans cette illusion! La perte des affections les plus ch��res n'emp��che pas de sentir jusqu'au plus faible tort de l'ami qu'on aimait le moins. Votre syst��me d��vie est attaqu��, chaque coup ��branle l'ensemble: celui-l�� aussi s'��loigne de moi, est une pens��e douloureuse, qui donne au dernier lien qui se brise un prix qu'il n'avait pas auparavant. Le public aussi, dont on avait ��prouv�� la faveur, perd toute son indulgence; il aime les succ��s qu'il pr��voit, il devient l'adversaire de ceux dont il est lui-m��me la cause; ce qu'il a dit, il l'attaque; ce qu'il encourageait, il veut le d��truire: cette injustice de l'opinion fait souffrir aussi de raille mani��res en un jour. Tel individu qui vous d��chire n'est pas digne que vous regrettiez son suffrage; mais vous souffrez de tous les d��tails d'une grande peine dont l'histoire se d��roule �� vos yeux: et d��j�� certain de ne point ��viter son p��nible terme, vous ��prouvez cependant la douleur de chaque pas. Enfin le coeur se fl��trit, la vie se d��colore; on a des torts �� son tour qui d��go?tent de soi comme des autres, qui d��couragent du syst��me de perfection dont on s'��tait d'abord enorgueilli; on ne sait plus �� quelle id��e se reprendre, quelle route suivre d��sormais; �� force de s'��tre confi�� sans r��serve, on serait pr��t �� soup?onner injustement. Est-ce la sensibilit��, est-ce la vertu qui n'est qu'un fant?me? et cette plainte sublime ��chapp��e �� Brutus dans les champs de Philippes, doit-elle ��garer la vie, ou commander de se donner la mort? C'est �� cette ��poque funeste o�� la terre semble manquer sous nos pas, o��, plus incertains sur l'avenir que dans les nuages de l'enfance, nous doutons de tout ce que nous croyions savoir, et recommen?ons l'existence avec l'espoir de moins. C'est �� cette ��poque o�� le cercle des jouissances est parcouru, et le tiers de la vie �� peine atteint, que ce livre peut ��tre utile; il ne faut pas le lire avant, car je ne l'ai moi-m��me ni commenc��, ni con?u qu'�� cet age. On m'objectera, peut-��tre aussi, qu'en voulant dompter les passions, je cherche �� ��touffer le principe des plus belles actions des hommes, des d��couvertes sublimes, des sentiments g��n��reux: quoique je ne sois pas enti��rement de cet avis, je conviens qu'il y a quelque chose de grand dans la passion; qu'elle ajoute, pendant qu'elle dure, �� l'ascendant de l'homme; qu'il accomplit alors presque tout ce qu'il projette, tant la volont�� ferme et suivie est une force active dans l'ordre moral: L'homme alors, emport�� par quelque chose de plus puissant que lui, use sa vie, mais s'en sert avec plus d'��nergie. Si l'ame doit ��tre consid��r��e seulement comme une impulsion, cette impulsion est plus vive quand la passion l'excite. S'il faut aux hommes sans passions l'int��r��t d'un grand spectacle, s'ils veulent que les gladiateurs s'entre-d��truisent �� leurs yeux, tandis qu'ils ne seront que les t��moins de ces affreux combats, sans doute il faut enflammer de toutes les mani��res ces ��tres infortun��s dont les sentiments imp��tueux animent ou renversent le th��atre du monde: mais quel bien en r��sultera-t-il
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