Cyrano de Bergerac (French text) | Page 5

Edmond Rostand
a part): Mon cher, je suis entre pour vous rendre service: La dame ne vient pas. Je retourne a mon vice.
CHRISTIAN (suppliant): Non!. . .Vous, qui chansonnez et la ville et la cour, Restez: vous me direz pour qui je meurs d'amour.
LE CHEF DES VIOLONS (frappant sur son pupitre, avec son archet): Messieurs les violons!. . .
(Il leve son archet.)
LA DISTRIBUTRICE: Macarons, citronnee. . .
(Les violons commencent a jouer.)
CHRISTIAN: J'ai peur qu'elle ne soit coquette et raffinee, Je n'ose lui parler car je n'ai pas d'esprit. Le langage aujourd'hui qu'on parle et qu'on ecrit, Me trouble. Je ne suis qu'un bon soldat timide. --Elle est toujours a droite, au fond: la loge vide.
LIGNIERE (faisant mine de sortir): Je pars.
CHRISTIAN (le retenant encore): Oh! non, restez!
LIGNIERE: Je ne peux. D'Assoucy M'attend au cabaret. On meurt de soif, ici.
LA DISTRIBUTRICE (passant devant lui avec un plateau): Orangeade?
LIGNIERE: Fi!
LA DISTRIBUTRICE: Lait?
LIGNIERE: Pouah!
LA DISTRIBUTRICE: Rivesalte?
LIGNIERE: Halte! (A Christian): Je reste encore un peu.--Voyons ce rivesalte?
(Il s'assied pres du buffet. La distributrice lui verse du rivesalte.)
CRIS (dans le public a l'entree d'un petit homme grassouillet et rejoui): Ah! Ragueneau!. . .
LIGNIERE (a Christian): Le grand rotisseur Ragueneau.
RAGUENEAU (costume de patissier endimanche, s'avancant vivement vers Ligniere): Monsieur, avez-vous vu monsieur de Cyrano?
LIGNIERE (presentant Ragueneau a Christian): Le patissier des comediens et des poetes!
RAGUENEAU (se confondant): Trop d'honneur. . .
LIGNIERE: Taisez-vous, Mecene que vous etes!
RAGUENEAU: Oui, ces messieurs chez moi se servent. . .
LIGNIERE: A credit. Poete de talent lui-meme. . .
RAGUENEAU: Ils me l'ont dit.
LIGNIERE: Fou de vers!
RAGUENEAU: Il est vrai que pour une odelette. . .
LIGNIERE: Vous donnez une tarte. . .
RAGUENEAU: Oh! une tartelette!
LIGNIERE: Brave homme, il s'en excuse! Et pour un triolet Ne donnates-vous pas?. . .
RAGUENEAU: Des petits pains!
LIGNIERE (severement): Au lait. --Et le theatre, vous l'aimez?
RAGUENEAU: Je l'idolatre.
LIGNIERE: Vous payez en gateaux vos billets de theatre! Votre place, aujourd'hui, la, voyons, entre nous, Vous a coute combien?
RAGUENEAU: Quatre flans. Quinze choux. (Il regarde de tous cotes): Monsieur de Cyrano n'est pas la? Je m'etonne.
LIGNIERE: Pourquoi?
RAGUENEAU: Montfleury joue!
LIGNIERE: En effet, cette tonne Va nous jouer ce soir le role de Phedon. Qu'importe a Cyrano?
RAGUENEAU: Mais vous ignorez donc? Il fit a Montfleury, messieurs, qu'il prit en haine, Defense, pour un mois, de reparaitre en scene.
LIGNIERE (qui en est a son quatrieme petit verre): Eh bien?
RAGUENEAU: Montfleury joue!
CUIGY (qui s'est rapproche de son groupe): Il n'y peut rien.
RAGUENEAU: Oh! oh! Moi, je suis venu voir!
PREMIER MARQUIS: Quel est ce Cyrano?
CUIGY: C'est un garcon verse dan les colichemardes.
DEUXIEME MARQUIS: Noble?
CUIGY: Suffisamment. Il est cadet aux gardes. (Montrant un gentilhomme qui va et vient dans la salle comme s'il cherchait quelqu'un): Mais son ami Le Bret peut vous dire. . . (Il appelle): Le Bret! (Le Bret descend vers eux): Vous cherchez Bergerac?
LE BRET: Oui, je suis inquiet!. . .
CUIGY: N'est-ce pas que cet homme est des moins ordinaires?
LE BRET (avec tendresse): Ah, c'est le plus exquis des etres sublunaires!
RAGUENEAU: Rimeur!
CUIGY: Bretteur!
BRISSAILLE: Physicien!
LE BRET: Musicien!
LIGNIERE: Et quel aspect heteroclite que le sien!
RAGENEAU: Certes, je ne crois pas que jamais nous le peigne Le solennel monsieur Philippe de Champaigne; Mais bizarre, excessif, extravagant, falot, Il eut fourni, je pense, a feu Jacques Callot Le plus fol spadassin a mettre entre ses masques: Feutre a panache triple et pourpoint a six basques, Cape que par derriere, avec pompe, l'estoc Leve, comme une queue insolente de coq, Plus fier que tous les Artabans dont la Gascogne Fut et sera toujours l'alme Mere Gigogne, Il promene, en sa fraise a la Pulcinella, Un nez!. . .Ah! messeigneurs, quel nez que ce nez-la!. . . On ne peut voir passer un pareil nasigere Sans s'ecrier: 'Oh! non, vraiment, il exagere!' Puis on sourit, on dit: 'Il va l'enlever. . .' Mais Monsieur de Bergerac ne l'enleve jamais.
LE BRET (hochant la tete): Il le porte,--et pourfend quiconque le remarque!
RAGUENEAU (fierement): Son glaive est la moitie des ciseaux de la Parque!
PREMIER MARQUIS (haussant les epaules): Il ne viendra pas!
RAGUENEAU: Si!. . .Je parie un poulet A la Ragueneau!
LE MARQUIS (riant): Soit!
(Rumeurs d'admiration dan la salle. Roxane vient de paraitre dans sa loge. Elle s'assied sur le devant, sa duegne prend place au fond. Christian, occupe a payer la distributrice, ne regarde pas.)
DEUXIEME MARQUIS (avec des petit cris): Ah, messieurs! mais elle est Epouvantablement ravissante!
PREMIER MARQUIS: Une peche Qui sourirait avec une fraise!
DEUXIEME MARQUIS: Et si fraiche Qu'on pourrait, l'approchant, prendre un rhume de coeur!
CHRISTIAN (leve la tete, apercoit Roxane, et saisit vivement Ligniere par le bras): C'est elle!
LIGNIERE (regardant): Ah! c'est elle?. . .
CHRISTIAN: Oui. Dites vite. J'ai peur.
LIGNIERE (degustant son rivesalte a petits coups): Magdaleine Robin, dite Roxane.--Fine. Precieuse.
CHRISTIAN: Helas!
LIGNIERE: Libre. Orpheline. Cousine De Cyrano,--dont on parlait. . .
(A ce moment, un seigneur tres elegant, le cordon blue en sautoir, entre dans la loge et, debout, cause un instant avec Roxane.)
CHRISTIAN
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