Cyrano de Bergerac (French text) | Page 4

Edmond Rostand
bouteille de sous son manteau et s'asseyant aussi): Un ivrogne Doit boire son bourgogne (il boit): a l'hotel de Bourgogne!
LE BOURGEOIS (a son fils):
Ne se croirait-on pas en quelque mauvais lieu? (Il montre l'ivrogne du bout de sa canne): Buveurs. . . (En rompant, un des cavaliers le bouscule): Bretteurs! (Il tombe au milieu des joueurs): Joueurs!
LE GARDE (derriere lui, lutinant toujours la femme): Un baiser!
LE BOURGEOIS (eloignant vivement son fils): Jour de Dieu! --Et penser que c'est dans une salle pareille Qu'on joua du Rotrou, mon fils.
LE JEUNE HOMME: Et du Corneille!
UNE BANDE DE PAGES (se tenant par la main, entre en farandole et chante): Tra la la la la la la la la la la lere. . .
LE PORTIER (severement aux pages): Les pages, pas de farce!. . .
PREMIER PAGE (avec une dignite blessee): Oh! Monsieur! ce soupcon!. . . (Vivement au deuxieme, des que le portier a tourne le dos): As-tu de la ficelle?
LE DEUXIEME: Avec un hamecon.
PREMIER PAGE: On pourra de la-haut pecher quelque perruque.
UN TIRE-LAINE (groupant autour de lui plusieurs hommes de mauvaise mine): Or ca, jeunes escrocs, venez qu'on vous eduque: Puis donc que vous volez pour la premiere fois. . .
DEUXIEME PAGE (criant a d'autres pages deja places aux galeries superieures): Hep! Avez-vous des sarbacanes?
TROISIEME PAGE (d'en haut): Et des pois!
(Il souffle et les crible de pois.)
LE JEUNE HOMME (a son pere): Que va-t-on nous jouer?
LE BOURGEOIS: 'Clorise.'
LE JEUNE HOMME: De qui est-ce?
LE BOURGEOIS: De monsieur Balthazar Baro. C'est une piece!. . .
(Il remonte au bras de son fils.)
LE TIRE-LAINE (a ses acolytes): . . .La dentelle surtout des canons, coupez-la!
UN SPECTATEUR (a un autre, lui montrant une encoignure elevee): Tenez, a la premiere du 'Cid', j'etais la!
LE TIRE-LAINE (faisant avec ses doigts le geste de subtiliser): Les montres. . .
LE BOURGEOIS (redescendant, a son fils): Vous verrez des acteurs tres illustres. . .
LE TIRE-LAINE (faisant le geste de tirer par petites secousses furtives): Les mouchoirs. . .
LE BOURGEOIS: Montfleury. . .
QUELQU'UN (criant de la galerie superieure): Allumez donc les lustres!
LE BOURGEOIS: . . .Bellerose, L'Epy, la Beaupre, Jodelet!
UN PAGE (au parterre): Ah! voici la distributrice!
LA DISTRIBUTRICE (paraissant derriere le buffet): Oranges, lait, Eau de frambroise, aigre de cedre!
(Brouhaha a la porte.)
UNE VOIX DE FAUSSET: Place, brutes!
UN LAQUAIS (s'etonnant): Les marquis!. . .au parterre?. . .
UN AUTRE LAQUAIS: Oh! pour quelques minutes.
(Entre une bande de petits marquis.)
UN MARQUIS (voyant la salle a moitie vide): He quoi! Nous arrivons ainsi que les drapiers, Sans deranger les gens? sans marcher sur les pieds? Ah, fi! fi! fi! (Is se trouve devant d'autres gentilshommes entres peu avant): Cuigy! Brissaille!
(Grandes embrassades.)
CUIGY: Des fideles!. . . Mais oui, nous arrivons devant que les chandelles. . .
LE MARQUIS: Ah, ne m'en parlez pas! Je suis dans une humeur. . .
UN AUTRE: Console-toi, marquis, car voici l'allumeur!
LA SALLE (saluant l'entree de l'allumeur): Ah!. . .
(On se groupe autour des lustres qu'il allume. Quelques personnes ont pris place aux galeries. Ligniere entre au parterre, donnant le bras a Christian de Neuvillette. Ligniere, un peu debraille, figure d'ivrogne distingue. Christian, vetu elegamment, mais d'une facon un peu demodee, parait preoccupe et regarde les loges.)
Scene 1.II.
Les memes, Christian, Ligniere, puis Ragueneau et Le Bret.
CUIGY: Ligniere!
BRISSAILLE (riant): Pas encor gris!. . .
LIGNIERE (bas a Christian): Je vous presente? (Signe d'assentiment de Christian): Baron de Neuvillette.
(Saluts.)
LA SALLE (acclamant l'ascension du premier lustre allume): Ah!
CUIGY (a Brissaille, en regardant Christian): La tete est charmante.
PREMIER MARQUIS (qui a entendu): Peuh!. . .
LIGNIERE (presentant a Christian): Messieurs de Cuigy, de Brissaille. . .
CHRISTIAN (s'inclinant): Enchante!. . .
PREMIER MARQUIS (au deuxieme): Il est assez joli, mais n'est pas ajuste Au dernier gout.
LIGNIERE (a Cuigy): Monsieur debarque de Touraine.
CHRISTIAN: Oui, je suis a Paris depuis vingt jours a peine. J'entre aux gardes demain, dans les Cadets.
PREMIER MARQUIS (regardant les personnes qui entrent dans les loges): Voila La presidente Aubry!
LA DISTRIBUTRICE: Oranges, lait. . .
LES VIOLONS (s'accordant): La. . .la. . .
CUIGY (a Christian, lui designant la salle qui se garnit): Du monde!
CHRISTIAN: Eh, oui, beaucoup,
PREMIER MARQUIS: Tout le bel air!
(Ils nomment les femmes a mesure qu'elles entrent, tres parees, dans les loges. Envois de saluts, reponses de sourires.)
DEUXIEME MARQUIS: Madames De Guemene. . .
CUIGY: De Bois-Dauphin. . .
PREMIER MARQUIS: Que nous aimames. . .
BRISSAILLE: De Chavigny. . .
DEUXIEME MARQUIS: Qui de nos coeurs va se jouant!
LIGNIERE: Tiens, monsieur de Corneille est arrive de Rouen.
LE JEUNE HOMME (a son pere): L'Academie est la?
LE BOURGEOIS: Mais. . .j'en vois plus d'un membre; Voici Boudu, Boissat, et Cureau de la Chambre; Porcheres, Colomby, Bourzeys, Bourdon, Arbaud. . . Tous ces noms dont pas un ne mourra, que c'est beau!
PREMIER MARQUIS: Attention! nos precieuses prennent place: Barthenoide, Urimedonte, Cassandace, Felixerie. . .
DEUXIEME MARQUIS (se pamant): Ah! Dieu! leurs surnoms sont exquis! Marquis, tu les sais tous?
PREMIER MARQUIS: Je les sais tous, marquis!
LIGNIERE (prenant Christian
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