recommandation, afin de me procurer un plus libre accès.
POSTHUMUS.--J'accepte ces conditions. Faisons des conventions
entre nous. Voici seulement ce dont vous me répondrez. Si vous faites
ce voyage pour la séduire, et que vous me démontriez clairement que
vous avez triomphé, je ne suis plus votre ennemi, et elle ne mérite pas
notre dispute. Mais si elle reste fidèle, et que vous ne puissiez me
prouver le contraire, vous me répondrez l'épée à la main, et de votre
mauvaise opinion, et de l'attaque que vous aurez livrée à sa pudeur.
IACHIMO.--Votre main; l'accord est fait. Nous allons faire régler tout
cela dans les formes, et je pars sur-le-champ pour la Grande-Bretagne,
de peur que notre marché ne prît froid et ne se rompît. Je vais chercher
mon or et faire inscrire le pari.
POSTHUMUS.--Convenu.
(Posthumus et Iachimo sortent.)
LE FRANÇAIS.--Le pari tiendra-t-il? Croyez-vous?
PHILARIO.--Le seigneur Iachimo ne reculera pas. Je vous prie,
suivons-les.
(Ils sortent.)
SCÈNE V
Grande-Bretagne.--Appartement dans le palais de Cymbeline.
LA REINE _paraît avec ses_ DAMES ET CORNÉLIUS _tenant une
fiole_.
LA REINE, _à ses femmes_.--Tandis que la rosée est encore sur la
terre, allez cueillir ces fleurs; hâtez-vous. Qui de vous en a la liste?
UNE DES FEMMES.--Moi, madame.
LA REINE.--Allez. (_Les dames sortent._) Maintenant, monsieur le
docteur, avez-vous apporté ces drogues?
CORNÉLIUS.--Sous le bon plaisir de Votre Majesté, les voici. (_Il
présente une petite boîte._) Mais si Votre Majesté me le permet, et
j'espère qu'elle ne s'en offensera pas, ma conscience me force à vous
demander pour quel usage vous avez exigé de moi ces potions
empoisonnées, qui amènent une mort languissante, et sont mortelles
quoique lentes.
LA REINE.--Je m'étonne, docteur, que vous me fassiez une pareille
question. N'ai-je pas été longtemps votre disciple? Ne m'avez-vous pas
enseigné l'art de composer des parfums, de distiller, de conserver les
fruits? Si bien que notre grand roi lui-même me fait souvent la cour
pour mes confitures? En étant arrivée là, serez-vous étonné, à moins
que vous ne me supposiez une âme infernale, que je cherche à
perfectionner ma science par de nouvelles expériences? Je veux faire
l'essai de ces compositions sur de vils animaux qui ne valent pas la
peine d'être pendus; jamais sur aucune créature humaine, afin de
connaître leur force, d'opposer des antidotes à leur activité, et par là
d'apprendre leurs diverses vertus et leurs effets.
CORNÉLIUS.--Votre Majesté, par ces expériences, ne fera que
s'endurcir le coeur; d'ailleurs on ne voit point ces résultats sans dégoût
ni sans danger.
LA REINE.--Oh! soyez tranquille.--(_Entre Pisanio._) (_A part_.)
Voici un flatteur de valet; c'est sur lui que je ferai mon premier essai; il
appartient à son maître, et est l'ennemi de mon fils.... Eh bien! Pisanio?
(_A Cornélius_.) Docteur, votre office auprès de moi est fini pour le
moment; allez votre chemin.
CORNÉLIUS, _s'éloignant et à part_.--Vous m'êtes suspecte, madame;
mais vous ne ferez aucun mal.
LA REINE, _à Pisanio_.--Écoute, un mot.
CORNÉLIUS, _à part_.--Je n'aime point cette femme.... Elle croit tenir
des poisons lents et étranges; je connais bien son âme, je ne confierai
pas à une personne aussi perverse des ingrédients d'une nature aussi
infernale; ceux qu'elle possède assoupiront et alourdiront un moment
les sens; peut-être ses essais commenceront-ils par des chiens et des
chats, pour monter ensuite plus haut; mais il n'y a aucun danger dans la
mort apparente qu'elle donnera; elle ne fera que suspendre pour un
temps les esprits, qui renaîtront plus actifs. Elle est trompée par ces
faux effets; et moi, en la trompant ainsi, je n'en suis que plus fidèle.
LA REINE.--Docteur, je n'ai plus besoin de votre présence jusqu'à ce
que je vous fasse rappeler.
CORNÉLIUS.--Je prends humblement congé de vous.
(Il se retire.)
LA REINE.--Elle pleure donc toujours, dis-tu? Penses-tu qu'avec le
temps ses larmes ne s'arrêteront pas, pour laisser entrer les conseils de
la raison là où règne maintenant la folie? Travaille à cela: et quand tu
viendras me dire qu'elle aime mon fils, je te dirai à l'instant même que
tu es aussi grand que ton maître; plus grand que lui; car sa fortune est
gisante et sans voix, et sa renommée est à l'agonie: il ne peut revenir ici,
ni demeurer où il est.... En changeant d'existence, il ne fera que changer
de misère; et chaque jour en arrivant vient ruiner un jour de sa vie. Quel
est ton espoir, en t'appuyant sur une colonne qui penche et qu'il sera
impossible de relever?--sur un homme qui n'a pas même assez d'amis
pour l'étayer? (_La reine laisse tomber une boîte: Pisanio la ramasse._)
Tu ne connais pas ce que tu tiens là; reçois-le de moi pour tes services,
c'est un élixir de ma composition: il a déjà arraché cinq fois le roi à la
mort: je ne connais pas de cordial plus efficace. Non, je te prie,
prends-le,
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