Corysandre | Page 8

Hector Malot
luxe, ses diamants, ses ��quipages, ses toilettes, son h?tel des Champs-��lys��es! Mais on ne voyait que la surface brillante de ce qui s'��talait insolemment en public; elle seule connaissait le fond des choses, le bourbier dans lequel elle se d��battait, comme elle seule connaissait la cravache qui plus d'une fois avait bleui sa peau.
Apr��s avoir bien r��fl��chi �� la situation, Rapha?lle trouva que la seule personne qu'elle pouvait charger de cette enqu��te d��licate ��tait son p��re.
Depuis qu'elle habitait son h?tel des Champs-Elys��es, elle avait ��t�� oblig��e de se s��parer de sa famille, Savine n'��tant pas homme �� supporter une communaut�� que le duc de Naurouse et Poupardin avaient bien voulu tol��rer: il ne reconnaissait pas �� sa ma?tresse le droit d'avoir un p��re et une m��re, pas plus qu'il ne lui reconnaissait celui d'avoir d'autres amants elle devait ��tre �� lui, enti��rement �� sa disposition, sans distraction du matin au soir et du soir au matin; s'il permettait qu'elle restat au th��atre, c'��tait parce qu'il ��tait flatt�� dans sa vanit�� de l'entendre applaudir et de lire son nom en vedette sur les colonnes du boulevard ou dans les r��clames des journaux. C'��tait une grace qu'il faisait au public comme il lui en avait fait une du m��me genre en exposant ses trotteurs dans les concours hippiques. Qui aurait os�� dire qu'il n'��tait pas lib��ral et qu'il n'usait pas noblement de sa fortune!
Ne pouvant pas demeurer avec leur fille, M. et madame Houssu avaient lou�� un logement dans la rue de l'Arcade, o�� M. Houssu avait continu�� son commerce de pr��ts en y joignant un bureau de ?renseignements intimes et de surveillances discr��tes.? Une circulaire qu'il avait largement r��pandue expliquait ce qu'��taient ces renseignements intimes et ces surveillances discr��tes, rien autre chose que l'espionnage au profit des jaloux: maris, femmes, ma?tresses, qui voulaient savoir s'ils ��taient tromp��s et comme ils l'��taient. Mais cela n'��tait point dit cr?ment, car M. Houssu, qui avait des formes et de la tenue, aimait le beau style aussi bien que les belles mani��res. Peut-��tre, dans un autre quartier, ce beau style qui mettait toutes choses en termes galants e?t-il nui �� son industrie; mais sa client��le se composait, pour la meilleure part, de cuisini��res qui fr��quentaient le march�� de la Madeleine, de femmes de chambre, de quelques cocottes d��vor��es du besoin d'apprendre ce que faisaient leurs amis aux heures o�� elles ne pouvaient par les voir, et tout ce monde trouvait les circulaires de M. Houssu aussi claires que bien ��crites; c'��tait encore plus pr��cis que les oracles des tireuses de cartes et des chiromanciens, auxquels ils avaient foi. D'ailleurs, quand on avait ��t�� une fois en relations avec M. Houssu, on retournait le voir volontiers: sa rondeur militaire, son apparente bonhomie, la fa?on dont il jetait sa croix d'honneur au nez de ses clients en avan?ant l'��paule gauche, qu'il faisait bomber, inspiraient la confiance.
Maintenant que Rapha?lle ��tait s��par��e de son p��re et de sa m��re, elle ne pouvait plus, comme au temps o�� elle ��tait la ma?tresse du duc de Naurouse, entrer chez eux aussit?t qu'elle avait un instant de libert�� et s'installer en caraco au coin du po��le pour voir sauter le foie ou mijoter le marc de caf��; mais toutes les fois que cela lui ��tait possible elle se sauvait de son h?tel des Champs-��lys��es pour accourir d��jeuner dans le petit entresol de la rue de l'Arcade; c'��tait avec joie qu'elle ��chappait aux valets �� la tenue correcte, aux sourires insolents et railleurs, que son amant lui faisait choisir par son intendant, et qu'elle venait tenir elle-m��me la queue de la po��le o�� cuisait le d��jeuner paternel; c'��tait l�� seulement, qu'entre son p��re et sa m��re et quelques amis de ses jours d'enfance, elle redevenait elle-m��me, reprenant ses habitudes, ses plaisirs, ses gestes, son langage d'autrefois, qui ne ressemblaient en rien, il faut le dire, �� ceux de l'h?tel des Champs-��lys��es et de sa position pr��sente.
D��cid��e �� charger son p��re d'une surveillance intime aupr��s de Savine, elle vint un matin rue de l'Arcade �� l'heure du d��jeuner, arrivant comme �� l'ordinaire les bras pleins et les poches bourr��es de provisions de toutes sortes liquides et solides.
Un des grands plaisirs de M. Houssu ��tait, lorsque ses clients lui en laissaient le temps, de faire lui-m��me sa cuisine, ne trouvant bon que ce qu'il avait pr��par�� de sa main.
Lorsque Rapha?lle entra, il ��tait en manches de chemise, occup�� �� couper du lard en petits morceaux.
--Tu viens d��jeuner avec nous, dit-il gaiement, eh bien, je vais te faire une omelette au lard dont tu me diras des nouvelles; mais qu'est-ce que tu nous apportes de bon?
Abandonnant son lard, il passa l'inspection des provisions que Rapha?lle venait de poser sur sa table.
--Un jambon de Reims, bonne affaire, voil�� qui change ma strat��gie culinaire, c'est un renfort qui
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