Corysandre | Page 6

Hector Malot
lorsqu'il paraissait quelque part, il avait la satisfaction enivrante pour sa vanit�� de voir qu'il faisait sensation; il ��tait revenu �� ses beaux jours, Otchakoff serait ��clips��.
Pensez-donc, un mariage entre le riche Savine et la belle Corysandre, quel in��puisable sujet de conversation!
Il levait les yeux dans un mouvement d'extase, mais il ne r��pondait pas.
Cette femme adorable serait-elle la sienne? Serait-il ce mari bienheureux?
Cela ne faisait pas de doute pour aucun de ceux qui avaient assist�� �� ces explosions d'enthousiasme, et cependant personne ne pouvait dire que Savine s'��tait nettement et formellement prononc�� �� ce sujet.
Il voulut davantage, mais, sans s'engager, sans qu'un jour madame de Barizel ou m��me tout simplement le premier venu pussent s'appuyer sur un fait positif et pr��cis pour soutenir qu'il avait voulu ��tre le mari de Corysandre, car il avait une peur effroyable des responsabilit��s, quelles qu'elles fussent.
Si ordinairement et en tout ce qui ne lui ��tait pas personnel, il n'avait que peu d'imagination, il se montrait au contraire fort ing��nieux et tr��s fertile en ressources, en inventions, en combinaisons pour tout ce qui s'appliquait imm��diatement �� ses int��r��ts ou devait les servir.
Ce qu'il trouva ce fut une f��te de nuit en pleine for��t, avec bal et souper, organis��e en l'honneur de Corysandre. En choisissant un endroit pittoresque qui ne f?t pas trop ��loign�� de Bade, de fa?on qu'on p?t y arriver facilement, il ��tait s?r �� l'avance de voir ses invitations recherch��es avec empressement. Sans doute la d��pense qu'entra?nerait cette f��te serait grosse, et c'��tait l�� pour lui une consid��ration �� peser; mais, tout compte fait, elle ne lui co?terait pas plus qu'une s��ance malheureuse, comme celles qu'il avait eues en ces derniers temps �� la table de trente-et-quarante, et l'effet produit ne pouvait pas manquer d'��tre consid��rable et retentissant. D'ailleurs il n'��tait pas dans son intention de prodiguer ses invitations: plus elles seraient rares, plus elles seraient pr��cieuses, et les malheureux qu'il ferait parleraient de lui autant que les heureux,--ce qu'il voulait.
Apr��s avoir soigneusement ��tudi�� les environs de Bade, l'emplacement qu'il adopta fut un petit plateau bois�� situ�� entre le vieux chateau et l'entassement de roches sillonn��es de crevasses qu'on appelle les Rochers; il y avait l�� une clairi��re entour��e de superbes sapins au tronc et aux rameaux, recouverts d'une mousse blanche, qui pendait ?�� et l�� en longs fils, et dont le sol ��tait �� peu pr��s uni, c'est-��-dire tout �� fait �� souhait pour qu'on y p?t danser et pour qu'on y dressat les tentes sous lesquelles on servirait les tables du souper.
En moins de huit jours, tout fut organis�� et Savine eut la satisfaction de se voir poursuivi et assi��g�� de demandes d'invitations.
Quel chagrin, quel d��sespoir pour lui de refuser; mais le nombre des invit��s avait ��t�� fix�� �� cent par suite de l'impossibilit�� de dresser sur ce terrain tourment�� des tentes assez grandes pour recevoir autant de convives qu'il aurait d��sir��. Ce d��sespoir avait ��t�� tel qu'il s'��tait d��cid�� �� porter le nombre de cent, �� cent cinquante; puis, devant les instances dont il avait ��t�� accabl��, et pour ne peiner personne, de cent cinquante �� deux cents.
Mais s'il se donna le plaisir pour lui tr��s doux de refuser de hauts personnages qui ne pouvaient pas le servir, par contre il n'eut garde de ne pas s'assurer la pr��sence des journalistes qui se trouvaient en ce moment �� Bade.
En r��alit�� c'��tait pour eux que la f��te ��tait donn��e.
Aussi ce fut entre eux et Corysandre que pendant cette f��te il se partagea, n'ayant d'attentions et de gracieuset��s que pour elle et pour eux; pour tous ses autres invit��s, affectant une morgue hautaine.
Mais tandis qu'avec Corysandre il affichait l'empressement, l'entourant, l'enveloppant, ne la quittant presque pas, de fa?on �� bien marquer l'admiration et l'enthousiasme qu'elle lui inspirait, avec les journalistes, au contraire, il se tenait sur la r��serve et c'��tait seulement quand il croyait n'��tre pas vu ou entendu qu'il leur t��moignait sa bienveillance, prenant toutes les pr��cautions pour qu'on ne p?t pas supposer qu'il ��tait en relations suivies avec ces gens-l��.
--Comment trouvez-vous cette petite f��te?
--Admirable.
--Vous en direz quelques mots?
--C'est-��-dire que je lui consacrerai mon prochain article tout entier.
--Avec discr��tion, n'est-ce pas? C'est un service, que je vous demande; si vous pouvez ne pas parler de moi n'en parlez pas; j'ai l'horreur de tout ce qui ressemble �� la r��clame.
--Si cela vous contrarie trop, je peux ne rien dire de cette f��te.
--Oh! non, je ne veux pas, vous demander ce sacrifice: je comprends qu'un sujet d'article est chose pr��cieuse, et je ne veux pas vous priver de celui-l��; seulement je vous prie d'observer une certaine r��serve en tout ce qui me touche personnellement, ou mieux, vous voyez que j'agis avec vous en toute franchise, je vous prie si vous n'envoyez pas votre article tout de suite, de me le lire. Voulez-vous?
--Volontiers.
--Comme cela
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