Correspondance, 1812-1876 - Tome 5 | Page 9

George Sand
mettraient sans doute plus d'économie que moi. Mais ils y portent je ne sais quels scrupules qui sont bons et tendres. Je mets donc Nohant sur le pied _d'absence_, avec la facilité d'y revenir à tout moment et d'y retrouver Sylvain, régisseur de la réserve; Marie, gouvernante de la maison, et le jardin en bonnes mains. Cela fait, je vole à Palaiseau; car, si Villemer me donne de quoi payer mon arriéré, ce n'est pas une raison pour que j'en recommence un nouveau l'année prochaine, et que je ne puisse jamais me reposer.
Mais, en ce moment, j'achète mon prochain repos par un surcro?t de travail. Il faut que je fasse à Buloz, au grand galop, un long roman; et, comme ledit Buloz a été très bien pour moi, je dois le contenter, morte ou vive. Voilà pourquoi je ne trouve pas une heure pour écrire à mes amis. Je me porte bien à présent. Je me suis envolée toute seule quelques jours à Gargilesse, où j'ai travaillé la nuit, mais où j'ai couru le jour. C'est un paradis en cette saison. Mes enfants sont encore un peu aux arrêts forcés à cause de M. Marc[1]; mais le voilà qui a des dents et qui mange de la viande. Il ne tardera pas à être sevré; après quoi, ses parents doivent le conduire dans le Midi et à Paris, où ils ont envie de faire aussi une petite installation. Moi, je crois qu'ils seraient mieux à Nohant. Nous verrons. Le petit est charmant, gai comme un pinson et pas du tout grognon.
Au revoir et à bient?t, mes bons amis; aimez-vous toujours. Je vous embrasse tous bien tendrement. Lina réparera ses torts en vous écrivant une longue lettre.
G. SAND.
[1] Petit-fils de George Sand.

DLVII
A M. OSCAR CASAMAJOU, A CHATELLERAULT
Nohant, mai 1864.
Ne crois donc pas ces bêtises, mon cher enfant. Ce sont les aimables commentaires de la Chatre sur un fait bien simple. Je me rapproche de Paris pour un temps plus long que de coutume, afin de pouvoir faire quelques pièces de théatre qui, si elles réussissent, même _moitié moins_ que _Villemer_, me permettront de me reposer dans peu d'années. Maurice aussi est tenté d'en essayer, et, comme il a bien réussi dans le roman, il peut réussir là aussi. Mais, pour cela, il ne faut pas habiter Nohant toute l'année, et, si on s'absente, il ne faut pas y laisser un train de maison qui co?te autant que si l'on y était. En conséquence, nous nous sommes entendus pour réduire nos dépenses ici et pour avoir un pied-à-terre plus complet à Paris. Nous n'aimons la ville ni les uns ni les autres; nous ferons notre pied-à-terre d'une petite campagne à portée d'un chemin de fer. Je compte aller à Paris le mois prochain, Maurice doit aller voir son père avec Lina et Coco, à cette époque. Il me rejoindra à Paris, et Nohant, mis sur un pied plus modeste, mais bien conservé par les soins de Sylvain et de Marie, qui y resteront avec un jardinier, nous reverra tous ensemble quand nous ne serons pas occupés à Paris. A tout cela nous trouverons tous de l'économie, et j'aurai, moi, un travail moins continu. Nous vivons toujours en bonne intelligence, Dieu merci; mais, si les gens de La Chatre n'avaient pas _incriminé_ selon leur coutume, c'est qu'ils auraient été malades.
Je te remercie, cher enfant, du souci que tu en as pris. Mais sois s?r que, si j'avais quelque gros chagrin, tu ne l'apprendrais pas par les autres. Ta femme a envoyé à Lina des amours de robes. Coco a été superbe avec ?a, le jour de son baptême, avant-hier. Il est gentil comme tout. Nous vous embrassons tendrement, mes chers enfants.
Quand tu iras à Paris, comme j'ai quitté la rue Racine, dont les quatre étages me fatiguaient trop, tu sauras où je suis, en allant _rue des Feuillantines_, 97; mets cela sur ton carnet.
Je te disais que, si j'avais un gros chagrin, je te le dirais. J'ai eu, non un chagrin, mais un souci cet hiver. Mon budget s'était trouvé dépassé et je me voyais surchargée de travail pour me remettre au pair. C'est alors que, tous ensemble, nous avons cherché une combinaison d'économie pour Nohant et que nous l'avons trouvée. Quant à l'arriéré, Villemer l'a déjà couvert.

DLVIII
A M. GUILLEMAT, LIBRAIRE, A LA CH?TRE[1]
Nohant, 11 juin 1861
Monsieur,
Je suis vivement touchée de la lettre collective qui m'a été écrite au nom de plusieurs artisans et commer?ants de la Chatre; je vous prie de leur en exprimer ma reconnaissance et de leur dire que je n'oublierai jamais notre bon pays et les sympathies que j'y ai rencontrées. Elles me payent largement des petites persécutions qui m'ont été suscitées en d'autres temps et que j'aurais rencontrées partout ailleurs; car le monde ne comprend pas toujours que
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