de continuer ce travail écrasant. Je change ce genre de vie; je m'en réjouis, et je trouve dr?le qu'on me plaigne. Mes enfants s'en trouveront bien aussi, puisqu'ils étaient claquemurés aussi par les visites de Paris et que nous nous arrangerons pour être tout près les uns des autres à Paris, et pour revenir ensemble à Nohant quand il nous plaira d'y passer quelque temps. On a fait sur tout cela je ne sais quels cancans, et on me fait rire quand on me dit: ?Vous allez donc nous quitter? Comment ferez-vous pour vivre sans nous??
Ces bons Berrichons! Il y a assez longtemps qu'ils vivent de moi. Duvernet sait bien tout cela, et je m'étonne qu'il s'étonne.
DLIV
A M. HIPPOLYTE MAGEN, A MADRID
Nohant, 24 avril 1864.
Une absence de quelques jours m'a empêchée, monsieur, de répondre à votre excellente lettre et de vous dire toute ma gratitude pour les détails que vous me donnez.
Vous adoucissez autant que possible la douleur de l'événement[1], en me disant que notre ami n'a pas eu à lutter contre la crise finale, et que les derniers temps de sa vie ont été heureux. La compensation a été bien courte, après une vie de luttes et de souffrances. Mais je suis de ceux qui croient que la mort est la récompense d'une bonne vie, et la vie de ce pauvre ami a été méritante et généreuse. Les regrets sont pour nous, et votre coeur les apprécie noblement.
J'ai envoyé votre lettre à madame Y..., soeur de Fulbert, et je lui ai fait le sacrifice, du portrait photographié. S'il vous était possible de m'en envoyer un autre exemplaire, je vous en serais doublement obligée. Madame Y... compte vous écrire pour vous remercier aussi de l'affection délicate que vous portiez à son frère et pour vous confier, je pense, la mission que vous offrez si généreusement de remplir.
_Quant aux détails de l'enterrement, j'ignore ce qu'elle en pense_. Je la connais fort peu; mais je vous remercie, moi, pour mon compte, de la suprême convenance de votre intervention.
Vous avez fait respecter le voeu qu'il e?t exprimé, lui, s'il e?t pu vous adresser ses dernières paroles.
Merci, encore, monsieur, et bien à vous.
G. SAND.
[1] La mort de Fulbert Martin, ancien avoué à la Chatre, exilé après le coup d'état de 1851.
DLV
A M. BERTON PèRE, A PARIS
Nohant, 5 mai 1864.
Mon cher et charmant enfant,
Voulez-vous vous charger de négocier avec M. Harmant[1] la reprise de Villemer pour le 15 septembre prochain? M. de la Rounat m'écrit que vous consentez à nous assurer cette reprise, car, sans vous, que serait-elle? Il n'y aurait pas à y attacher la moindre importance. Si donc vous ne nous abandonnez pas, et je vous en remercie bien sérieusement, il faut que nous obtenions de M. Harmant qu'il vous laisse avec nous le plus longtemps possible, à la charge exclusive de l'Odéon, bien entendu, jusqu'au moment où il aura effectivement besoin de vous. Il m'a dit n'avoir besoin de vous en effet que pour jouer la pièce que je compte lui faire et où vous avez bien voulu accepter le premier r?le. Que cette pièce soit _Christian Waldo_[2], ou une autre, je me mettrai à ce travail le mois prochain, et je ferai de mon mieux pour arriver en temps utile, c'est-à-dire en janvier, ce qui est bien dans mon intérêt. Jusque-là, quand même vous joueriez encore _Villemer_, rien ne vous empêcherait de me répéter à la Gaieté. Si vous n'êtes pas effrayé de voir devant vous tant de prose de George Sand, ayez l'obligeance de communiquer ma lettre à M. Harmant en lui offrant tous mes compliments, et de lui demander s'il accepte cet arrangement si simple. Comme, avant tout, il faut que vous l'acceptiez, c'est à vous que je m'adresse pour que nous nous entendions sur toute la ligne et sans perdre de temps. Je ne veux faire une pièce nouvelle qu'autant que vous la jouerez, et il faut que je sois fixée pour y travailler bient?t exclusivement. J'attends donc votre réponse pour cela, et pour dire à M. de la Rounat de traiter de votre rachat avec M. Harmant pour l'automne prochain.
A vous de coeur, mon cher enfant, et toutes les amitiés des miens.
[1] Directeur des théatres du Vaudeville et de la Gaieté. [2] Tirée du roman de _l'Homme de neige_, par Maurice Sand; non-représentée.
DLVI
A MADEMOISELLE NANCY FLEURY, A PARIS
Nohant, 8 mai 1864.
Chère amie,
Je ne savais pas que cette petite feignante de Lina ne vous avait pas répondu. Elle ne s'en est pas vantée. Elle est si absorbée par son poupon, et elle s'en occupe si gentiment et si bien, qu'il faut lui pardonner tout.
Ne soyez pas inquiets de nous: nous nous portons tous bien, et nos petites incertitudes ont cessé. Les chers enfants ne veulent pas gouverner Nohant; ils ont un peu tort dans leur intérêt, ils y
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