Correspondance, 1812-1876 - Tome 5 | Page 2

George Sand
lettre si amicale et si sinc��re; mais comme je suis humili�� que nous ne soyons pas du m��me avis sur les d��nouements!
Vous regrettez qu'Andr��e ne r��compense pas la vertu de Jean Baudry. Mais est-ce que la vertu est jamais r��compens��e ailleurs qu'�� l'Acad��mie? J'ai essay�� de faire un Prom��th��e bourgeois; est-ce que la r��compense de Prom��th��e n'a pas ��t�� le vautour? Et je ne sais pas qui est-ce qui gagnerait �� ce qu'il en f?t autrement.
Ce ne serait pas Prom��th��e, toujours! Le voyez-vous r��concili�� avec Jupiter et bien en cour? voyez-vous Jeanne Darc finissant dame d'honneur de La reine, et J��sus ministre de Tib��re!
Ce ne serait pas la vertu non plus. Vous dites qu'elle est plus contagieuse quand elle est r��compens��e; je crois le contraire, et qu'il n'y a pas de plus grande propagande que le martyre. Supprimez la croix et vous supprimez peut-��tre le christianisme.
Pour redescendre �� ma pi��ce, il me semble que Jean Baudry serait consid��rablement diminu��, et avec lui l'enseignement qu'il personnifie, s'il ��tait aim�� d'Andr��e �� la fin. Je doute que Rom��o et Juliette fussent touchants �� perp��tuit�� s'ils s'��taient mari��s tranquilles et s'ils avaient eu beaucoup d'enfants. Je ne repousse pas absolument les d��nouements heureux, mais je les crois d'abord moins vrais, ensuite moins efficaces. Je vous avoue que Tartufe cesse presque de m'��tre odieux au moment o�� on l'arr��te.
La moralit�� n'est pas dans le fait, mais dans l'impression du fait. Puisque vous regrettez que Jean Baudry ne soit pas heureux, l'impression finale est donc pour la vertu.
Je trouve qu'Andr��e rendrait un mauvais service �� la vertu et �� Jean Baudry lui-m��me en le pr��f��rant �� Olivier, qui retomberait alors o�� Jean Baudry l'a ramass��. Elle croit, comme Jean Baudry, qu'Olivier traverse la derni��re crise du mal; elle a pour lui la m��me sorte de tendresse que Jean Baudry, elle l'aime pour le parfaire; elle veut ��tre la m��re de son ame, comme il en est le p��re. Elle ��pouse mieux Jean Baudry en ne l'��pousant pas et en collaborant �� son oeuvre qu'en st��rilisant son effort de onze ann��es. Ce n'est donc pas par incr��dulit�� �� la grandeur des femmes, ? ch��re grande femme! que j'ai voulu qu'Andr��e, pr��f��rat le coeur imparfait au coeur parfait; elle fait acte de grande bont�� et de grand courage en choisissant celui qui a le plus besoin d'elle, non pas seulement pour ��tre heureux, chose secondaire, mais pour ��tre bon, chose essentielle.
Et, maintenant, me pardonnerez-vous de n'avoir pas fait de mon d��nouement une distribution de prix Montyon, et d'Andr��e l'ane savant qui va pr��senter la patte �� la personne la plus honn��te de la soci��t��?
Me pardonnerez-vous de vous ennuyer si longuement de ma d��fense? Mais, si je plaide devant vous, c'est que je reconnais votre juridiction; je ne r��ponds pas �� tout le monde, je n'assomme que vous; voil�� ce que rapporte le g��nie. Mais, pardonnez-moi ou non, moi, je vous remercie.
AUGUSTE VACQUERIE. Paris, 7 janvier 1804.]

DXLIV
A M. ��DOUARD RODRIGUES, A PARIS
Nohant, 12 janvier 1864.
... J'ai le droit de m��priser mon argent, ce me semble. Je le m��prise en ce sens que je lui dis: ?Tu repr��sentes l'aisance, la s��curit��, l'ind��pendance, le repos n��cessaire �� mes vieux jours. Tu repr��sentes donc, mon int��r��t personnel, le sanctuaire de mon ��go?sme. Mais, pendant que je te placerai en lieu s?r et que je te ferai fructifier, tout souffrira autour de moi et je ne m'en soucierai pas? Tu veux me tenter? Va au diable! je d��daigne ta s��duction; donc, je te m��prise!? Avec cette prodigalit��-l��, j'ai pass�� ma vie �� ne me satisfaire jamais; �� ��crire quand j'aurais voulu r��ver, �� rester quand j'aurais voulu courir, �� faire des ��conomies sordides sur certains besoins enti��rement personnels, certains luxes de robes de chambre et certaines questions de pantoufles auxquelles j'aurais ��t�� sensible; �� ne pas flatter la gourmandise des convives, �� ne pas voir les th��atres, les concerts, le mouvement des arts; �� me faire anachor��te, moi qui aimais l'activit�� de la vie et le grand air des voyages. Je n'ai pas souffert de ces renoncements: je sentais en moi une joie sup��rieure, celle de satisfaire ma conscience et d'assurer le repos du coeur de chaque jour. En compromettant et sacrifiant les aises de l'avenir? en m��prisant mon argent qui voulait me tenter? Oui, c'est comme cela, et vous ne me donnerez pas tort, je parie.
Ai-je ��t�� prodigue pour cela? Non, puisque je n'ai pas fait comme la plupart de mes confr��res en ali��nant ma propri��t��, pour le plaisir de manger une centaine de mille francs par an. J'ai senti que, si j'eusse fait comme eux, je n'eusse rien _aval��_, mais j'aurais tout donn��; car, en d��tail, j'ai bien donn�� au moins 500 000 francs sans compter les dots des enfants. J'ai mis le _hol��_ �� mon entra?nement, et mes enfants
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 107
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.