et l'équilibre le plus divin. Vous avez la certitude d'une récompense là-haut, tandis que, nous autres, nous n'avons que l'espoir d'un dédommagement.
Je vous demande pardon pour la lettre prolixe d'émile. Il est prolixe, c'est sa nature, en écrivant. Il ne vous entretient que de nos malades, comme si c'était bien intéressant. Il ne se dit pas assez que vous recevez trop de lettres et que vous y répondez trop fidèlement.--La seule chose bonne de sa lettre, c'est la conversion qu'il vous doit, et dont il n'est pas encore bien rempli; car il ne me l'a fait savoir qu'en me permettant de lire l'aveu qu'il en fait. Nous avions des querelles sur ce sujet, et il en avait surtout avec Maurice, qui br?lait d'aller là-bas, et qui y aurait été, sans la crainte de mon désespoir en dedans. Je ne l'aurais pourtant pas empêché de suivre son idée, qui était à la fois artistique et patriotique. Mais j'aurais bien souffert!--Voilà que je fais comme émile, et que je vous entretiens de nous. Rien de tout cela ne vaut la peine d'être dit.
Quand c'est à vous que je parle, je voudrais n'avoir à vous entretenir que de choses divines. J'en ai pourtant l'esprit tout plein, et je veux, un jour ou l'autre, faire un livre là-dessus que je vous dédierai. Je travaille comme un nègre pour de l'argent; il en faut pour les autres. Mais ce devoir-là est bien lourd! Quand donc, mon Dieu, aurai-je un an à moi, pour faire un livre qui ne me rapportera rien?
Encore adieu. Maurice, bien portant, vous embrasse, et vous déclare qu'il n'a pas eu la gale, mais tout bonnement une urticaire.
CCCLXXXIII
A M. CHARLES JACQUE, A BARBIZON.
Nohant, 7 janvier 1855.
Ils et elles sont arrivés ce soir bien vivants, et je ne peux pas vous dépeindre la scène d'étonnement et d'admiration de toute la famille, bêtes et autres, à la vue de ces superbes animaux.
Quand tout cela ne donnerait ni oeufs ni poulets, c'est tellement beau à voir, qu'on se le payerait encore avec plaisir. On a tout de suite installé la compagnie dans son domicile et mis à l'engrais toute la valetaille, indigne de frayer avec pareille seigneurie. Vos instructions vont être affichées à toutes les portes de l'établissement, et j'aurai le plaisir d'y veiller; car ce monde-là en vaut la peine.
Que de remerciements je vous dois, monsieur, pour tant de soins et d'obligeance! C'est si aimable à vous et si fort sans gêne de ma part, que je ne sais comment vous dire combien je vous sais gré d'avoir pris cet embarras! Je ne croyais pas que vous seriez forcé de veiller vous-même à tout ce détail, et je vois que vous avez choisi de main de ma?tre et surveillé cet envoi avec une complaisance tout amicale. Merci donc mille fois; mais je ne me tiens pas quitte.
J'aime bien les poules que vous expédiez; j'aime encore mieux celles que vous faites; mais j'aimerais mieux encore vous voir à Nohant mettre le nez dans notre famille, parce que je suis s?re que vous vous y trouveriez bien, et qu'une fois venu, vous y reviendriez. Vous me l'aviez promis, et je ne compte pas vous laisser tranquille que vous ne teniez parole.
Maurice vous envoie toutes ses poignées de main et remerciements; car il était comme un enfant devant l'ouverture de ce panier plein de merveilles, et tous ces grands airs de prisonniers orgueilleux qui relevaient leurs aigrettes en nous regardant de travers.
Veuillez croire à toutes mes sympathies et sentiments vrais pour vous.
GEORGE SAND.
CCCLXXXIV
A M. CHARLES-EDMOND, A PARIS
Nohant, 7 février 1855.
Je vous remercie bien cordialement, monsieur, et de l'envoi de cette relique, et des bonnes et vraies paroles que vous savez me dire. Je ne peux pas encore parler de cette douleur, elle m'étouffe toujours et j'en dirais trop!
Le plus affreux; c'est qu'on me l'a tuée, ma pauvre enfant[1], tuée de toute fa?on. Ah! monsieur, sauvez la v?tre, ne la laissez pas sortir de l'infirmerie, et, quand elle sera guérie, ?tez-la de cette pension où la malpropreté est sordide. Les parents ne laissent pas si facilement mourir leurs enfants quand ils les ont auprès d'eux. Ils ne se fatiguent pas d'une longue convalescence à surveiller, les parents qui sont de vrais parents.
Il y en a qui sont fous et qui croient qu'un enfant est une chose qu'on peut négliger et oublier. Ma pauvre fille n'e?t pas laissé mourir la sienne, et moi aussi, je suis bien s?re que je l'aurais sauvée! Je n'ai pas l'honneur de vous conna?tre, monsieur, mais je suis bien touchée de ce que vous me dites.
Merci mille fois! je fais des voeux bien tendres et bien sincères pour votre chère petite. Ma fille vous remercie aussi.
GEORGE SAND.
[1] Sa petite-fille Jeanne Clésinger.
CCCLXXXV
A éDOUARD CHARTON, A PARIS
Nohant, 14 février 1855.
Cher ami,
Je vous ai laissé souffrant. êtes-vous
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