Correspondance, 1812-1876 - Tome 3 | Page 7

George Sand
ce vers, c'��tait la voix de Dieu qui parlait en lui, et, ces travaux politiques, c'��tait l'erreur humaine qui l'y condamnait; mais il est cruel de ne pouvoir l'enregistrer que parmi les lumi��res, et non parmi les d��vouements de cette ��poque de lutte dont il m��connut trop la marche rapide et l'issue imm��diate.?
Si vous arrivez �� la pr��sidence de la Chambre, et que vous ne soyez pas, sur le fauteuil, un autre homme que celui de la chambre vo?t��e de Saint-Point, tant mieux. Je crois que, l��, vous pouvez faire beaucoup de bien; car vous avez de la conscience, vous ��tes pur, incorruptible, sinc��re, honn��te dans toute l'acception du mot en politique, je le sais maintenant; mais qu'il vous faudrait de force, d'enthousiasme, d'abn��gation et de pieux fanatisme pour ��tre en prose le m��me homme que vous ��tes en vers! Non, vous ne le serez pas; vous craindrez trop l'��tranget��, le ridicule; vous serez trop soumis aux convenances; vous penserez qu'il faut parler �� des hommes d'affaires, comme avec des hommes d'affaires. Vous oublierez que, hors de cette enceinte ��troite et sourde, la voix d'un homme de coeur et de g��nie retentit dans l'espace et remue le monde.
Non, vous ne l'oserez pas! apr��s avoir dit les choses magnifiques dont vos discours sont remplis, vous viendrez, avec votre second mouvement,--ce second mouvement qui justifie si bien l'odieux proverbe de M. de Talleyrand,--calmer l'irritation qu'excitent vos hardiesses et passer l'��ponge sur vos caract��res de feu. Vous viendrez encore dire comme dans vos vers: ?N'ayez pas peur de moi, messieurs, je ne suis point un d��mocrate, je craindrais trop de vous para?tre d��magogue.? Non, vous n'oserez pas!
Et ce n'est pas la peur des ames basses qui vous en emp��chera; je sais bien que vous affronteriez la mis��re et les supplices; mais ce sera la peur du scandale, et vous craindrez ces petits hommes capables qui se posent en hommes d'��tat et qui diraient d'un air d��pit��: ?Il est fou, il est ignorant, il est grossier et flatte le peuple; il n'est que po��te, il n'est pas homme d'��tat, profond politique comme nous.? Comme eux! comme eux qui se rengorgent et se gonflent, un pied dans l'ab?me qui s'entr'ouvre sans qu'ils s'en doutent et qui d��j�� les entra?ne!
Mais, quand m��me l'univers entier m��conna?trait un grand homme courageux, quand le peuple m��me, ingrat et aveugl��, viendrait vous traiter de fou, de r��veur et de niais... Mais non, vous n'��tes pas fanatique, et cependant vous devriez l'��tre, vous �� qui Dieu parle sur le Sina?. Vous avez le droit ensuite de rentrer dans la vie ordinaire, mais vous ne devez pas y ��tre un homme ordinaire. Vous devez porter les feux dont vous avez ��t�� embras�� dans votre rencontre avec le Seigneur, au milieu des glaces o�� les mauvais coeurs languissent et se paralysent.
Vous ��tes un homme d'intelligence et un homme de bien. Il vous reste �� ��tre un homme vertueux.
Faites, ? source de lumi��re et d'amour, que le z��le de votre maison d��vore le coeur de cette cr��ature d'��lite.

CCLXXIII
A M. CHARLES DELAVEAU, A LA CH?TRE
Paris, 13 avril 1848.
Mon cher Delaveau,
Je regrette que vous ayez pris la peine de venir chez moi pour ne pas me rencontrer. C'est la faute de Duplomb, que j'avais charg�� de vous demander pour moi cette entrevue, en le priant de me faire savoir si l'heure et le jour vous convenaient. Ne recevant de lui aucun avis, j'ai pens�� qu'il n'avait pas encore pu vous voir.
Ma soir��e de demain n'est pas libre et je pense m'absenter apr��s-demain pour quelques jours. Je viens donc, tout en vous remerciant d'avoir r��pondu �� mon appel, vous mettre, par ��crit, au courant de l'objet de l'explication que je d��sirais avoir avec vous de vive voix.
J'ai appris qu'au moment de nos ��lections, une manifestation avait ��t�� faite �� Nohant par les ouvriers de la Chatre. Cette manifestation fort peu mena?ante, je le sais, ��tait pourtant hostile et les cris de _A bas madame Dudevant! A bas Maurice Dudevant! A bas les communistes! A bas les ennemis de M. Delaveau!_ ont salu�� avec assez d'acharnement une maison qui a nourri et assist�� plus de pauvres qu'aucune autre dans l'arrondissement. Enfin cette d��monstration ��tait faite en votre nom. Je ne m'en suis point pr��occup��e; mais je me suis r��serv�� le droit de vous en demander l'explication, aussit?t qu'il me serait possible de vous voir.
Je provoquerai ces explications en vous en donnant sur mon compte, que je d��fie personne de d��mentir, et je veux vous les donner, parce que certainement vous avez cru, en dirigeant sur Nohant une d��monstration hostile, r��pondre �� quelque hostilit�� de ma part. S'il en ��tait ainsi, vous seriez peu excusable d'avoir voulu exercer des repr��sailles avant de vous ��tre assur�� de quelque provocation de ma part. Je vous dirai donc tr��s franchement (en vous
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