[2] La Cause du peuple. [3] Le Roi attend. [4] Alors administrateur du Th��atre-Fran?ais. [5] Victor Borie.
CCLXXII
A M. DE LAMARTINE, A PARIS
Paris, avril 1848.
Monsieur,
Je vous comprends bien. Vous ne songez qu'�� ��viter une r��volution, l'effusion du sang, les violences, un av��nement trop prompt de la d��mocratie aveugl�� et encore barbare sous bien des rapports. Je crois que vous vous exag��rez, d'une part, l'��tat d'enfance de cette d��mocratie, et que, de l'autre, vous doutez des rapides et divins progr��s que ses convulsions lui feraient faire. Pourquoi en doutez-vous, vous qui lisez dans le sein de Dieu et qui voyez combien cette humanit�� en travail lui est ch��re! vous qui pouvez juger des miracles que la Toute-Puissance tient en r��serve pour l'intelligence des faibles et des opprim��s, d'apr��s les r��v��lations sublimes qui sont tomb��es dans votre ame de po��te et d'artiste? Eh quoi! en peu d'ann��es, vous vous ��tes ��lev�� dans les plus hautes r��gions de la pens��e humaine, et, vous faisant jour au sein des t��n��bres du catholicisme, vous avez ��t�� emport�� par l'esprit de Dieu, assez haut pour crier cet oracle que je r��p��te du matin au soir:
?Plus il fait clair, mieux on voit Dieu!?
Vous avez emport��, avec les flammes qui jaillissaient de vous, ce milieu de vaine fum��e et de pales brouillards o�� la vanit�� du monde voulait vous retenir; et, maintenant, vous ne croiriez pas que la volont�� divine, qui a accompli ce miracle dans un individu, puisse faire briller les m��mes ��clairs de v��rit�� sur tout un peuple? vous croyez qu'il attendra des si��cles pour r��aliser le tableau magique qu'il vous a permis d'entrevoir? Oh non! oh non! Son r��gne est plus proche que vous ne pensez, et, s'il est proche, c'est qu'il est l��gitime, c'est qu'il est saint, c'est qu'il est marqu�� au cadran des si��cles. Vous vous trompez d'heure, grand po��te, et grand homme! Vous croyez vivre dans ces temps o�� le devoir de l'homme de bien et de l'homme de g��nie sont identiques, et tendent ��galement �� retarder la ruine de soci��t��s encore bonnes et durables! Vous croyez que la ruine commence, tandis qu'elle est consomm��e, et qu'une derni��re pierre la retient encore! Voulez-vous donc ��tre cette derni��re pierre, la clef de cette vo?te impure, vous qui ha?ssez les impuret��s dans le fond de votre coeur, et qui reniez le culte de Mammon �� la face de la terre, dans vos ��lans lyriques?
Si cette soci��t�� d'hommes d'affaires �� laquelle vous vous abaissez s'occupait franchement de l'��mancipation de la famille humaine, je vous admirerais comme un saint, et je dirais que c'est joindre la douceur de J��sus �� son g��nie, que de manger �� la table des centeniers pour les amener �� la v��rit��. Mais vous savez bien que vous n'am��nerez pas de pareils r��sultats. Ce miracle de convertir et de toucher les ames corrompues ou abruties n'est que dans la main de l'��ternel, et il para?t que ce n'est point par l�� qu'il veut entamer la r��g��n��ration, puisqu'il n'��claire et n'attendrit aucune de ces ames; c'est par-dessous qu'il travaille, et tout le dessus semble devoir ��tre ��cart�� comme une vaine ��cume. Pourquoi ��tes-vous avec ceux que Dieu ne veut pas ��clairer et non avec ceux qu'il ��claire? pourquoi vous placez-vous entre la bourgeoisie et le prol��tariat pour pr��cher �� l'un la r��signation, c'est-��-dire la continuation de ses maux jusqu'�� un nouvel ordre que vos hommes d'affaires retarderont le plus qu'ils pourront, �� l'autre des sacrifices qui n'aboutiront qu'�� de petites concessions, encore seront-elles amen��es par la peur plus que par la persuasion?
Eh! mon Dieu, si la peur seule peut les ��branler et les vaincre, mettez-vous donc avec ces prol��taires pour menacer; sauf �� vous placer en travers le lendemain; pour les emp��cher d'ex��cuter leurs menaces. Puisqu'il vous faut de l'action, puisque vous ��tes une nature laborieuse, aimant �� mettre la main �� l'oeuvre, voil�� la seule action digne de vous; car les temps sont m?rs pour cette action, et elle vous surprendra au milieu du calme impartial o�� vous vous retranchez, fermant les yeux et les oreilles, devant le flot qui monte et qui gronde. Mon Dieu, mon Dieu, il en est temps encore, et, puisque votre coeur est plein de la v��rit�� et de son amour, il n'y a entre ce peuple et vous qu'une erreur de calcul dans le calendrier, que vous consultez chacun d'un point de vue diff��rent. Ne faites pas dire �� la post��rit��: ?Ce grand homme mourut les yeux ouverts sur l'avenir et ferm��s sur le pr��sent. Il pr��dit le r��gne de la justice, et, par une ��trange contradiction trop fr��quente chez les hommes c��l��bres, il se cramponna au pass�� et ne travailla qu'�� le prolonger. Il est vrai qu'un vers de lui eut plus de valeur et plus d'effet que tous les travaux politiques de sa vie; car,
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