charge pas de le remercier. Il m'a dit qu'il serait le 4 à Lyon: c'est donc demain que je le remercierai moi-même avec toute l'ardente effusion que vous me connaissez. Je vous prie de donner une bonne poignée de main pour moi au major[4] et à Grast[5], que j'aime beaucoup parce qu'il abonde toujours dans mon sens. Rappelez-moi au souvenir de mademoiselle Mérienne[6], donnez un grandissime coup de pied _gévaudanitique_ au _Rat_, et, quant à madame sa mère, je crois que j'aurais d? aller lui faire une visite, car elle a été jadis très obligeante pour moi. Mais je sais que, depuis, elle m'a prise en horreur, à cause de la redingote (ou _redinglande_) de son fils. Le fait est que je l'ai oubliée absolument, comme tout ce qui me para?t hostile est oublié de moi en cette vie et en l'autre. _Amen!_
Les Piffoels ronflent et se portent bien. Moi, je vous bige et vous presse tous deux dans mes bras.
Je supplie Franz de m'envoyer ici mon épreuve d'_André_, courrier par courrier, sous enveloppe. Si vous avez quelques courses à me faire faire, dépêchez-vous de m'écrire. Adieu.
_H?tel de Milan, place des Terraux, à Lyon._
[1] Sobriquet donné par Litz à Maurice et à Solange [2] Voy. les _Lettres d'un voyageur._ [3] James Fazy, président de la république de Genève [4] Le major Pictet, de l'armée fédérale Suisse, frère du savant docteur Pictet. [5] Grast, réfugié piémontais, alors à Genève. [6] Mademoiselle Mérienne, artiste peintre, à Genève.
CLVII
A M. FRANZ LISZT, A PARIS
Nohant, 10 octobre 1836.
Que devenez-vous, mes enfants chéris? Je re?ois des lettres de tout Genève, excepté de vous. Fazy et Grast m'ont déjà écrit. Ils me disent que vous avez été donner un concert à Lausanne et que vous serez bient?t à Paris. Moi aussi, j'y serai et j'aurai besoin de vous y retrouver pour adoucir les jours de rentrée des Piffoels à leurs écoles respectives.
Ce moment-là est fort triste pour moi, tous les ans, et plus je vais, plus il le devient; car je n'ai plus d'autre passion que celle de la progéniture. C'est une passion comme les autres, accompagnée d'orages, de bourrasques, de chagrins et de déceptions. Mais elle a sur toutes les autres l'avantage de durer toujours et de ne se rebuter de rien. En attendant la séparation, nous nous reposons ici.
Je me suis avisée, après avoir mis ma lettre à la poste de Lyon, qu'en raison du blocus, la convention postale était peut-être rompue et que j'aurais d? affranchir. Vous me direz si vous l'avez re?ue.
Et vous, mes bons _Fellows_[1], nos chers projets tiennent-ils toujours? Je fais approprier ma chambre le mieux possible pour y loger Marie. Jamais je n'ai eu tant le souci de la propriété. Je m'aper?ois de mille inconvénients qui ne m'avaient jamais frappée. Je crains que les appartements ne soient froids et incommodes. Je fais faire des rideaux, chose inconnue dans ma chambre jusqu'à ce jour. Si j'avais le temps, je ferais batir une aile à mon castel. Je suis aussi grognon envers les ouvriers que le marquis de Morand. Enfin mes amis me demandent si j'ai attrapé quelque maladie en Suisse pour prendre tant de soins et de précautions.
Avec tout cela, j'ai une peur affreuse que ma belle comtesse ne se croie ici dans un champ de Cosaques. J'ai déjà essayé de l'y installer en peinture, et je regarde à chaque instant le portrait, pour voir s'il ne baille pas et s'il ne s'enrhume pas. N'allez pas me donner tous ces tourments pour rien, mes bons amis; que j'en sois au moins récompensée par votre présence. Je ne puis promettre à Marie qu'elle sera contente de mon domicile et de mon rustre entourage; mais elle sera contente de mon zèle, de mon assiduité et du dévouement absolu de moi et de tous les miens.
Venez donc bient?t, _Fellows!_ Les Piffoels comptent sur vous.
Moi, je suis un peu spleenétique. Je ne sais pas trop pourquoi. C'est peut-être parce que je n'ai pas d'argent. Adieu, mes enfants. Si vous ne venez pas tout de suite à Paris, écrivez-moi chez Didier, rue du Regard, 6. J'y serai du 20 au 25.
Aimez-vous un peu le solitaire marchand de cochons? Il vous aime de toute son ame et vous bige mille fois.
[1] Sobriquet que se donnait Liszt et qu'il donnait aussi à son élève, Hermann Cohen.
CLVIII
A M. DUDEVAN, A PARIS
Paris, novembre 1836.
L'état de Maurice me tourmente beaucoup. Je ne le lui dis pas, mais je crains qu'il n'ait une maladie de langueur. Il ne dort que d'un sommeil léger et entrecoupé de rêves. Ce n'est pas là le sommeil de son age. Il ne souffre pas; mais les deux médecins qui le voient, celui du collège et celui qui vient ici tous les jours, comme ami, lui trouvent les mêmes sympt?mes d'excitation nerveuse et d'agitation au coeur.
Je ne
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