Cora | Page 3

George Sand
aussi arri��r��es, ni aussi exag��r��es que celles qu'on pr��tend suivre �� Calcutta; en outre, les femmes ��taient g��n��ralement plus blanches, les hommes moins rudes et moins bruyants.
A tout prendre, pour moi qui n'avais point vu les merveilles de la civilisation pouss��es �� la derni��re limite, pour moi qui n'avais vu l'op��ra qu'en Am��rique et le bal qu'en Asie, le bal �� peu pr��s public et g��n��ral de la petite ville pouvait bien sembler pompeux et enivrant, si l'on consid��re d'ailleurs la profonde sensation qu'y produisait mon habit et le succ��s incontestable que j'obtins d'embl��e �� la fin de la premi��re contredanse.
Mais ces joies na?ves de l'amour-propre firent bient?t place �� un sentiment plus conforme �� ma nature inflammable et contemplative. Une femme entra dans le bal et j'oubliai toutes les autres; j'oubliai m��me mon triomphe et mon habit neuf. Je n'eus plus de regards et de pens��es que pour elle.
Oh! c'est qu'elle ��tait vraiment bien belle, et qu'il n'��tait pas besoin d'avoir vingt-cinq ans et d'arriver de l'Inde pour en ��tre frapp��. Un peintre c��l��bre qui passa, l'ann��e suivante, dans la ville, arr��ta sa chaise de poste en l'apercevant �� sa fen��tre, fit d��teler les chevaux et resta huit jours �� l'auberge du Lion-d'Argent, cherchant par tous les moyens possibles �� p��n��trer jusqu'�� elle pour la peindre. Mais jamais il ne put faire comprendre �� sa famille qu'on pouvait par amour de l'art faire le portrait d'une femme sans avoir l'intention de la s��duire. Il fut ��conduit, et la beaut�� de Cora n'est rest��e empreinte que dans le cerveau peut-��tre de ce grand artiste, et dans le coeur d'un pauvre fonctionnaire destitu�� de l'administration des postes.
Elle ��tait d'une taille moyenne admirablement proportionn��e, souple comme un oiseau, mais lente et fi��re comme une dame romaine. Elle ��tait extraordinairement brune pour le climat temp��r�� o�� elle ��tait n��e; mais sa peau ��tait fine et unie comme la cire la mieux moul��e. Le principal caract��re de sa t��te r��guli��rement dessin��e, c'��tait quelque chose d'ind��finissable, de surhumain, qu'il faut avoir vu pour le comprendre; des lignes d'une nettet�� prestigieuse, de grands yeux d'un vert si pale et si transparent qu'ils semblaient faits pour lire dans les myst��res du monde intellectuel plus que dans les choses de la vie positive; une bouche aux l��vres minces, fines et pales, au sourire imperceptible, aux rares paroles; un profil s��v��re et m��lancolique, un regard froid, triste et pensif, une expression vague de souffrance, d'ennui et de d��dain; et puis des mouvements doux et r��serv��s, une main effil��e et blanche, beaut�� si rare chez les femmes d'une condition m��diocre; une toilette grave et simple, discernement si ��trange chez une provinciale; surtout un air de dignit�� calme et inflexible qui aurait ��t�� sublime sous la couronne de diamants d'une reine espagnole, et qui, chez cette pauvre fille, semblait ��tre le sceau du malheur, l'indice d'une organisation exceptionnelle.
[Illustration: Elle lisait.]
Car c'��tait la fille... le dirai-je? il le faut bien: Cora ��tait la fille d'un ��picier.
O sainte po��sie, pardonne-moi d'avoir trac�� ce mot! Mais Cora e?t relev�� l'enseigne d'un cabaret. Elle se f?t d��tach��e comme l'ange de Rembrandt au-dessus d'un groupe flamand. Elle e?t brill�� comme une belle fleur au milieu des mar��cages. Du fond de la boutique de son p��re, elle e?t attir�� sur elle le regard du grand Scott. Ce fut sans doute une beaut�� ignor��e comme elle qui inspira l'id��e charmante de la belle fille de Perth.
Et elle s'appelait Cora; elle avait la voix douce, la d��marche r��serv��e, l'attitude r��veuse. Elle avait la plus belle chevelure brune que j'aie vue de ma vie, et seule, entre toutes ses compagnes, elle n'y m��lait jamais aucun ornement. Mais il y avait plus d'orgueil dans le luxe de ses boucles ��paisses que dans l'��clat d'un diad��me. Elle n'avait pas non plus de collier ni de fleurs sur la poitrine. Son dos brun et velout�� tranchait fi��rement sur la dentelle blanche de son corsage. Sa robe bleue la faisait para?tre encore plus brune de ton et plus sombre d'expression. Elle semblait tirer vanit�� du caract��re original de sa beaut��.
[Illustration: Je revins �� moi sur un grand fauteuil.]
Elle semblait avoir devin�� qu'elle ��tait belle autrement que toutes les autres: car je n'ai pas besoin de vous le dire, Cora ��tant d'un type rare et d'un coloris oriental, Cora ressemblant �� la juive Rebecca, ou �� la Juliette de Shakespeare, Cora majestueuse, souffrante et un peu farouche, Cora qui n'��tait ni rose, ni replette, ni aga?ante, ni gentille, n'��tait ni aper?ue ni soup?onn��e dans la foule. Elle vivait l�� comme une rose ��panouie dans le d��sert, comme une perle ��chou��e sur le sable, et la premi��re personne venue, �� qui vous eussiez exprim�� votre admiration �� la vue de Cora, vous e?t r��pondu: Oui, elle ne serait pas mal si elle ��tait plus blanche et
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