Contes merveilleux, Tome II | Page 8

Hans Christian Andersen
vraie princesse qui doit pointer son nez en l'air.
Par la porte entrouverte, un gar?on pauvre regardait. Il était d'une famille si pauvre qu'il n'avait même pas le droit d'entrer dans la chambre. Il avait aidé la cuisinière à faire tourner la broche et, en récompense, on l'autorisait à présent à se placer pour un petit moment derrière la porte pour regarder ces enfants nobles, pour voir comme ils s'amusaient bien; c'était un grand honneur pour lui.
--Oh, si je pouvais être l'un d'eux! soupira-t-il.
Puis il entendit ce qu'il s'y disait et cela suffit à lui faire baisser la tête. Chez lui, on n'avait pas un écu au fond du bahut, et on ne pouvait pas se permettre d'acheter les journaux et encore moins d'y écrire. Et le pire de tout: le nom de son père, et donc le sien aussi, se terminait par sen, il n'arriverait donc jamais à rien dans la vie. Quelle triste affaire! On ne pouvait pourtant pas dire qu'il n'était pas né, pas cela, il était bel et bien né, sinon il ne serait pas là.
Quelle soirée!
Quelques années plus tard, les enfants devinrent adultes. Une magnifique maison fut construite dans la ville. Dans cette maison, il y avait plein d'objets somptueux, tout le monde voulait les voir, même des gens qui n'habitaient pas la ville, venaient pour les regarder. Devinez à quel enfant de notre histoire appartenait cette maison? Et bien, la réponse est facile... ou plut?t pas si facile que ?a. Elle appartenait au pauvre gar?on, parce qu'il était quand même devenu quelqu'un bien que son nom se terminat en sen, il s'appelait Thorvaldsen. Et les trois autres enfants? Ces enfants remplis d'orgueil pour leur titre, l'argent ou l'esprit? Ils n'avaient rien à s'envier les uns aux autres, ils étaient égaux... et comme ils avaient un bon fond, ils devinrent de bons et braves adultes. Et ce qu'ils avaient pensé et dit autrefois n'était que... papotage d'enfants.

La paquerette
écoutez bien cette petite histoire.
à la campagne, près de la grande route, était située une gentille maisonnette que vous avez sans doute remarquée vous-même. Sur le devant se trouve un petit jardin avec des fleurs et une palissade verte; non loin de là, sur le bord du fossé, au milieu de l'herbe épaisse, fleurissait une petite paquerette. Grace au soleil qui la chauffait de ses rayons aussi bien que les grandes et riches fleurs du jardin, elle s'épanouissait d'heure en heure. Un beau matin, entièrement ouverte, avec ses petites feuilles blanches et brillantes, elle ressemblait à un soleil en miniature entouré de ses rayons. Qu'on l'aper??t dans l'herbe et qu'on la regardat comme une pauvre fleur insignifiante, elle s'en inquiétait peu. Elle était contente, aspirait avec délices la chaleur du soleil, et écoutait le chant de l'alouette qui s'élevait dans les airs.
Ainsi, la petite paquerette était heureuse comme par un jour de fête, et cependant c'était un lundi. Pendant que les enfants, assis sur les bancs de l'école, apprenaient leurs le?ons, elle, assise sur sa tige verte, apprenait par la beauté de la nature la bonté de Dieu, et il lui semblait que tout ce qu'elle ressentait en silence, la petite alouette l'exprimait parfaitement par ses chansons joyeuses. Aussi regarda-t-elle avec une sorte de respect l'heureux oiseau qui chantait et volait, mais elle n'éprouva aucun regret de ne pouvoir en faire autant.
?Je vois et j'entends, pensa-t-elle; le soleil me réchauffe et le vent m'embrasse. Oh! j'aurais tort de me plaindre.?
En dedans de la palissade se trouvaient une quantité de fleurs roides et distinguées; moins elles avaient de parfum, plus elles se redressaient. Les pivoines se gonflaient pour para?tre plus grosses que les roses: mais ce n'est pas la grosseur qui fait la rose. Les tulipes brillaient par la beauté de leurs couleurs et se pavanaient avec prétention; elles ne daignaient pas jeter un regard sur la petite paquerette, tandis que la pauvrette les admirait en disant: ?Comme elles sont riches et belles! Sans doute le superbe oiseau va les visiter. Dieu merci, je pourrai assister à ce beau spectacle.?
Et au même instant, l'alouette dirigea son vol, non pas vers les pivoines et les tulipes, mais vers le gazon, auprès de la pauvre paquerette, qui, effrayée de joie, ne savait plus que penser.
Le petit oiseau se mit à sautiller autour d'elle en chantant: ?Comme l'herbe est moelleuse! Oh! la charmante petite fleur au coeur d'or et à la robe d'argent!?
On ne peut se faire une idée du bonheur de la petite fleur. L'oiseau l'embrassa de son bec, chanta encore devant elle, puis il remonta dans l'azur du ciel. Pendant plus d'un quart d'heure, la paquerette ne put se remettre de son émotion. à moitié honteuse, mais ravie au fond du coeur, elle regarda les autres fleurs dans le jardin. Témoins de l'honneur qu'on lui avait rendu, elles devaient bien comprendre
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