coeurs qui ne sont plus jeunes; et il y en avait fort peu, il faut l'avouer, dans les dahlias et dans les chrysanthèmes. Aussi le papillon se tourna-t-il en dernier recours vers la menthe. Cette plante ne fleurit pas, mais on peut dire qu'elle est fleur tout entière, tant elle est parfumée de la tête au pied; chacune de ses feuilles vaut une fleur, pour les senteurs qu'elle répand dans l'air.?C'est ce qu'il me faut, se dit le papillon; je l'épouse.? Et il fit sa déclaration.
La menthe demeura silencieuse et guindée, en l'écoutant. à la fin elle dit:
--Je vous offre mon amitié, s'il vous pla?t, mais rien de plus. Je suis vieille, et vous n'êtes plus jeune. Nous pouvons fort bien vivre l'un pour l'autre; mais quant à nous marier... sachons à notre age éviter le ridicule.
C'est ainsi qu'il arriva que le papillon n'épousa personne. Il avait été trop long à faire son choix, et c'est une mauvaise méthode. Il devint donc ce que nous appelons un vieux gar?on.
L'automne touchait à sa fin; le temps était sombre, et il pleuvait. Le vent froid soufflait sur le dos des vieux saules au point de les faire craquer. Il n'était pas bon vraiment de se trouver dehors par ce temps-là; aussi le papillon ne vivait-il plus en plein air. Il avait par fortune rencontré un asile, une chambre bien chauffée où régnait la température de l'été. Il y e?t pu vivre assez bien, mais il se dit: ?Ce n'est pas tout de vivre; encore faut-il la liberté, un rayon de soleil et une petite fleur.? Il vola vers la fenêtre et se heurta à la vitre. On l'aper?ut, on l'admira, on le captura et on le ficha dans la bo?te aux curiosités.? Me voici sur une tige comme les fleurs, se dit le papillon. Certainement, ce n'est pas très agréable; mais enfin on est casé: cela ressemble au mariage.? Il se consolait jusqu'à un certain point avec cette pensée.?C'est une pauvre consolation?, murmurèrent railleusement quelques plantes qui étaient là dans des pots pour égayer la chambre.? Il n'y a rien à attendre de ces plantes bien installées dans leurs pots, se dit le papillon; elles sont trop à leur aise pour être humaines.?
Papotages d'enfants
Dans la maison d'un marchand, de nombreux enfants se réunirent un jour, des enfants de familles riches, des enfants de familles nobles. Monsieur le marchand avait réussi; c'était un homme érudit puisque jadis, il était entré à l'Université. Son père qui avait commencé comme simple commer?ant, mais honnête et entreprenant, lui avait fait lire des livres. Son commerce rapportait bien et le marchand faisait encore multiplier cette richesse. Il avait aussi bon coeur et la tête bien en place, mais de cela on parlait bien moins souvent que de sa grosse fortune. Se réunissaient chez lui des gens nobles, comme on dit, par leur titre, mais aussi par leur esprit, certains même par les deux à la fois mais d'autres ni par l'un ni par l'autre. En ce moment, une petite soirée d'enfants y avait lieu, on entendait des enfants papoter; et les enfants n'y vont pas par quatre chemins. Il y avait par exemple une petite fille très mignonne mais terriblement prétentieuse; c'étaient ses domestiques qui le lui avaient appris, pas ses parents qui étaient bien trop raisonnables pour cela. Son père était majordome, c'était une haute fonction et elle le savait bien.
--Je suis une enfant de majordome, se vantait-elle.
Elle pouvait aussi bien être la fille des Tartempion, on ne choisit pas ses parents. Elle raconta aux autres qu'elle était ?noble? et affirma que celui qui n'était pas bien né n'arriverait jamais à rien dans la vie. On pouvait travailler avec assiduité, si l'on n'est pas bien né on n'arrivera à rien.
--Et ceux dont les noms se terminent par sen, proclama-t-elle, ne pourront jamais réussir dans la vie. Devant tous ces sen et sen, il n'y a plus que poser ses mains sur les hanches et s'en tenir bien à l'écart!
Et aussit?t elle posa ses jolies petites mains à sa taille, les coudes bien pointus pour montrer aux autres comment il fallait traiter ces gens-là. Quels jolis bras avait-elle! Une petite fille très charmante!
Or, la fille de monsieur le Marchand se mit en colère. C'est que son père s'appelait Madsen et c'est aussi, hélas! un nom en sen; elle se gonfla et déclara avec fierté:
--Seulement mon père peut acheter pour cent écus d'or de friandises et les jeter dans la rue! Et pas le tien!
--Ce n'est rien, mon père à moi, se vanta la fillette d'un rédacteur, peut mettre ton père et ton père et tous les pères dans le journal! Tout le monde a peur de lui, dit maman, car c'est mon père qui dirige le journal.
Et elle leva son petit nez comme si elle était une
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