fut à même de conna?tre l'extase, comme si l'extase et lui avaient gardé les cochons ensemble.
C'est bête, mais c'est ainsi: les moments heureux coulant plus vite que les autres (mon Dieu, comme la vie est mal arrangée!), le moment du départ arriva, et Steelcock ne pouvait se décider à quitter l'idole.
Le Topsy-Turvy était en rade, paré à prendre le large, n'attendant plus que son capitaine.
Steelcock enfin prit son parti.
Suprêmement, il embrassa la créole et lui mit dans la main un certain nombre de livres sterling, en s'excusant de cette brutalité, le temps lui ayant manqué pour acquérir un cadeau plus discret.
La jeune femme compta les pièces d'or et les mit dans sa poche d'un air pas autrement satisfait.
--Pensez-vous, demanda Steelcock un peu interloqué, que cette somme n'est pas suffisante (sufficient)?
Et l'idole répondit, dans ce délicieux gazouillis qui sert de langage aux filles de là-bas:
--Oh si! toi, tu es bien gentil... mais c'est ton second qui me pose un sale lapin!
Cette révélation porta un grand coup dans le coeur du capitaine. Un voile se déchira en lui, et il vit ce que c'est que les femmes, en définitive.
Dès lors, il ne chercha plus l'exclusivité dans l'amour, se contentant sagement de l'hygiène et du confortable.
Quand il débarqua dans les pays, tout droit il alla chez les amoureuses professionnelles, comme on va chez le marchand de conserves et de porc salé.
Et il ne s'en trouva pas plus mal.
Dernièrement il fut amené à relacher dans une des ?les Lahila (possessions luxembourgeoises).
Les ?les Lahila sont réputées dans tout le Pacifique, tant pour la beauté de leur climat que pour le relachement de leurs moeurs.
Un jeune lieutenant de vaisseau, M. Julien Viaud, qui s'est fait depuis une certaine notoriété sous le nom de Pierre Loti, en écrivant des récits exotiques fort bien tournés, ma foi, a composé l'Hymne national de cette contrée bénie.
Je n'en ai retenu que le refrain:
?les Lahila! ?les Lahila! La bonne atmosphère ?les Lahila! ?les Lahila! Qu'ont toutes ces ?les-là!
Steelcock, à peine à terre, s'informa d'un bon endroit.
On lui indiqua complaisamment, derrière la ville, une avenue bordée d'élégants cottages dont les inscriptions respiraient le bon accueil et l'hospitalité bien entendue: _Welcome House, Good Luck Home, Eden Villa, Pavillon Bonne Franquette_.
Steelcock avait toujours eu un faible pour les dames de France. Aussi pénétra-t-il résolument dans le Pavillon Bonne Franquette.
Il y fut re?u par une ancienne dame de Bordeaux, un peu défra?chie, qui le présenta à ses pensionnaires.
Charmantes, les pensionnaires, et pleines d'enjouement.
Steelcock tomba dans les lacs d'une petite Toulonnaise, noire comme une taupe, qui aurait beaucoup gagné à être mieux peignée, mais bien gentille tout de même.
Les amoureux se retirèrent et ce qu'ils firent pendant la nuit ne regarde personne.
Au petit matin (vous pouvez vous reporter aux journaux de l'époque) un tremblement de terre dévasta les ?les Lahila.
Le Pavillon Bonne Franquette n'échappa pas au désastre.
Les dames eurent à peine le temps de s'enfuir en des costumes légers mais professionnels.
Seuls, Steelcock et sa compagne manquaient à l'appel.
On commen?ait à avoir des inquiétudes sérieuses sur les infortunés, quand on vit appara?tre, à travers une crevasse de la maison, le capitaine couvert de platras, mais impassible et le monocle à l'oeil.
--Dites médème, cria Steelcock à la dame de Bordeaux, _envoyez-moi une autre fille! La mienne, elle est m?rt!_
Royal Cambouis
Il est de bon go?t dans l'armée fran?aise de blaguer le train des équipages. Très au-dessus de ces brocards, les bons tringlots laissent dire, sachant bien, qu'en somme, c'est seulement au Royal Cambouis où tout le monde a chevaux et voitures.
Chevaux et voitures! Cet horizon décida le jeune Gaston de Puyraleux à contracter dans cette arme, qu'il jugeait d'élite, un engagement de cinq ans.
Avant d'arriver à cette solution, Gaston avait cru bon de dévorer deux ou trois patrimoines dans le laps de temps qu'emploie le Sahara pour absorber, sur le coup de midi et demi, le contenu d'un arrosoir petit modèle.
Le jeu, les tuyaux, les demoiselles, les petites fêtes et la grande fête avaient ratissé jusqu'aux moelles le jeune Puyraleux. Mais c'est ga?ment tout de même et sans regrets qu'il ?rejoignit? le 112e régiment du train des équipages à Vernon.
Un philosophe optimiste, ce Gaston, avec cette devise: ?La vie est comme on la fait?.
Et il se chargeait de la faire dr?le sa vie, dr?le sans relache, dr?le quand même.
Adorant les voitures, raffolant des chevaux, Puyraleux n'eut aucun mérite à devenir la crème des tringlots.
Son habileté proverbiale tint vite de la légende: il e?t fait passer le plus copieux convoi par le trou d'une aiguille sans en effleurer les parois.
Vernon s'entoure de charmants paysages, mais personnellement c'est un assez facheux port de mer. Pour ne citer qu'un détail, ?a manque de femmes, ? combien! De femmes dignes de ce nom, vous me comprenez?
Entre la basse débauche et l'adultère, Gaston de Puyraleux n'hésita pas une seconde: il choisit les deux.
Il aima
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