ce rare bonheur de compter à la fois?Les solides vertus des héros d'autrefois.?Il avait de bonne heure appris l'expérience,?Son père, Dieu merci! l'ayant, dès son enfance,?Laissé ma?tre de lui comme on l'est à vingt ans;?Ce qui fit qu'il connut la vie avant le temps.
Avec ses vingt-deux ans, il pensait comme à trente?Et s'ennuyait de tout sans que rien le tourmente,?Jusqu'à ce que son coeur se fit prendre un beau jour?A ce jeu si cruel et si vieux de l'amour.?Au reste, sa fortune égalait sa noblesse.?Rien ne vint donc, durant le cours de sa jeunesse,?Entraver sa nature ou gêner son instinct;?Il grandit librement, au gré de son destin.?Ce qu'il était resté Dieu l'avait voulu faire.?Tel il était sorti du ventre de sa mère,?Tel nous le retrouvons au jour de ce récit.?--Et ce qu'il en advint depuis lors, le voici:
Avec de pareils dons que lui fit la nature,?Je vous laisse à penser,--sans compter sa figure,--?Si Stello dans le monde eut bient?t des amis.?Heureusement pour lui, la chose la plus s?re,?Il savait qu'ici-bas, c'est le pouvoir acquis?Sur soi-même, et depuis qu'il marchait dans la vie,?Il avait assez vu comme le monde oublie?Pour s'en faire une règle, et faisait peu de cas?De tout ce qui n'était ni son coeur, ni son bras.
Pourtant, depuis trois mois qu'il connaissait Rosine,?Ceux qui voyaient Stello le trouvaient bien changé.?Il avait doucement senti dans sa poitrine?Grandir un sentiment qui l'avait dominé.?Ce n'était plus alors cet enfant débauché?Que les fous de son bord se vantaient de conna?tre;?Ce n'était pas non plus,--tant l'amour nous pénètre!?Le Stello d'autrefois incrédule et lassé.?Tout le monde savait qu'il aimait la comtesse.?Aussi bien savait-on, à cette enchanteresse?Sous sa gorge de marbre un coeur non moins marbré.?Ses amis, les meilleurs, l'en avaient détourné;?Mais, soit que ce grand coeur e?t trouvé sa faiblesse,?Soit qu'il y vit du sort un ordre impérieux,?Il garda sa chimère et ne l'aima que mieux.
C'est une chose étrange et bien inexplicable?Que ce bizarre aimant qui, d'un être vivant,?Fait l'ombre d'une femme et, comme dans la fable,?Attelle au même joug un couple différent.
Quel mystère inou?, quel sort inexorable?Jette au hasard deux coeurs dans un même courant??Quel est l'esprit boiteux qui fait ces injustices??Est-ce un mauvais génie, ami des maléfices,?S'acharnant à ce jeu de mortelles douleurs??Si le dieu, qui, du moins, préside à ces caprices,?Daignait, dans ses cruels et laches sacrifices,?Ne se faire immoler que de vulgaires coeurs!?Encor si sa fatale et maudite puissance,?Sans chercher ici-bas les fronts qu'elle a marqués,?Se contentait de prendre avec indifférence,?Aussi bien ceux qui n'ont noblesse de naissance?Ni noblesse de coeur, pour ses festins blasés!?Mais non.... Il semble même, ? misère inou?e!?Que les prédestinés à cette mort sans fin?Portent une auréole et que, dans cette vie,?Un ange les reprend quand la mort les oublie.?--Envoyé de malheur!--c'est l'éternel destin,?Hélas!--Le feu du ciel, né des fureurs sublimes,?N'a menacé jamais que les plus hautes cimes;?Plus l'arbre est élevé, plus il craint l'aquilon.?La douleur est sur terre et choisit ses victimes?Parmi ceux dont le sceau du génie est au front.
Ils avaient donc raison, tous, avec leur morale.?Et notre fier Stello, malgré son beau front pale,?Sa belle ame et son nom, partait, le coeur brisé.?On prétend qu'il avait juré d'être vengé.?Quoi qu'il en soit, deux jours après cette soirée?Qui décida son sort,--la dernière pour lui,--?De laquelle il sortit l'ame désespérée,?Seul désormais, errant au hasard dans la nuit,?Stello quittait Paris.
IV
Qui sait ce que peut faire?De ravage sans borne et de taches sans nom,?Dans un coeur vierge encor, plein d'un amour profond,?Le souvenir mortel d'une horrible misère??Qui sait dans quelle nuit, dans quel ab?me obscur?Va se perdre à jamais une ame désolée??Qui sait quel lupanar,--qui sait quel antre impur?Attend le désespoir au sortir d'une allée?Pour lui souffler au corps une vengeance usée??Qui conna?tra jamais de quel rude sillon?Se creuse un coeur atteint d'une telle torture?Et quel venin terrible en greffe la morsure?Sur le coeur le plus noble ou le plus noble front??Qui conna?tra jamais,--quand l'amour le renie,--?Où va le malheureux, en se frappant le coeur,?Prostituer l'amour dont il faisait sa vie?Et, blasphémant son Dieu, son ame et son génie,?Rire lugubrement de sa propre douleur??L'amour, le grand amour est ce baume suprême?Qu'à ses derniers soupirs on verse au moribond:?Il va mordre en plein coeur cette chair déjà blême,?L'homme peut na?tre encor de sa souffrance même,?Mais s'il succombe, alors le baume le corrompt.
V
La lune était limpide; Alger, la blanche ville,?Depuis longtemps déjà dormait profondément;?Et depuis la Casbah jusqu'à la mer tranquille?On n'e?t pas entendu le mulet d'un Kabile,?Ni vu glisser aux murs le manteau d'un amant.?La nuit splendide et calme étalait ses étoiles?Sur sa coupe d'azur: ou e?t dit qu'au ciel bleu,?Par ces milliers de trous dans les plis de ces voiles,?La terre e?t entrevu les domaines de Dieu.?La rue était sans bruit. La plage solitaire,?Sous l'écume d'argent que fait la vague arrière,?Ber?ait dans les échos son chant triste et

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