jusqu'à votre martyre?Et voltige avec vous dans cet air embaumé.
Ainsi notre ame rêve à l'instant solitaire?Où le soleil soulève, à son heure dernière,?Un coin du voile bleu que vient jeter la nuit,?Comme un ange rêveur qui laisse, sur la terre,?Son manteau scintillant tra?ner derrière lui.
Rapha?l! ton pinceau l'avait-il devinée
Cette forme au contour si pur??Ton esprit l'avait-il entrevue ou rêvée?Cette tête, qui n'est ni brune ni cendrée,
Aux yeux plus profonds que l'azur?
Lorsque ta Marguerite au seuil de son église,
O Faust, apparut à tes yeux,?Vis-tu rien de plus beau que cette femme assise??Un rayon de soleil dore encor ses cheveux
Que froisse et caresse la brise.
Arbres déjà palis par l'automne au front roux!
Vastes cieux! pensives étoiles!?Qui passez éternels, les yeux fixés sur nous,?Astres muets! Témoins pour qui tout est sans voiles,
Avez-vous rien vu de si doux?
Qui donc est cette femme? En la voyant assise,?Immobile, troublée, inquiète, les yeux?Vers le sol, on dirait la statue indécise?D'une vierge hésitante ou d'un ange amoureux?Qui lutte encore avant de renoncer aux cieux.?Ce n'est pas la douleur que sa pose rappelle;?Elle n'a pas l'air triste, elle a l'air inquiet.?Elle écoute son coeur, et son coeur est muet.?C'est donc une ombre encor? Non, mais qui donc est-elle??Cette femme est Rosine et, sous ce rayon d'or,?Dans sa mélancolie, elle est plus belle encor.
Elle est charmante ainsi. Ce cadre de verdure?Rehausse encor sa grace et lui sert de parure.?Mais elle n'est pas seule. Assis à quelques pas,?Un jeune homme au front triste et beau la considère?De son regard profond. Il a l'air un peu las;?On devine aisément qu'une pensée amère?A d? plisser sa lèvre indolente: et ses yeux?S'attachent sans relache à celle qu'il supplie,?Comme pour demander ou la mort ou la vie?A ce regard de femme errant et soucieux.?On sent que ce regard le fascine et l'attire.?Rosine, cependant, continue à rêver;?Il semble qu'elle ait peur de ce qu'elle va dire.?--Mais lui, d'une voix grave, avec un doux sourire:?Quel silence! Rosine, et qu'en dois-je augurer??Ces mots que votre bouche hésite à murmurer,--?Soyez franche,--sont ceux que je tremble d'entendre.?Si je l'ai deviné, pourquoi vous en défendre??Pourquoi rester muette et me laisser au coeur?Un doute, plus cruel encor que sa douleur??Et surtout....
ROSINE.
Je sais bien ce que vous m'allez dire,?Stello; mais songez donc: vous me forcez ici?D'accepter un amant ou de perdre un ami.
STELLO.
Rosine, écoutez-moi. Pour un homme, le pire?Qui lui puisse arriver quand il est amoureux,?C'est de se voir bercer de ce mot vague et creux?Qui, s'il n'est un mensonge, est encor un blasphème.?Que me fait l'amitié de la femme que j'aime??J'aime! C'est dire assez qu'il me faut votre corps,?Vos larmes, vos baisers, votre ame tout entière!?Et vous allez m'offrir une telle misère??Appelez vos laquais pour me jeter dehors.?Soyez plus charitable en étant plus altière.?Avouez-moi plut?t que je vous fais horreur?Et que vous m'exécrez, que mon amour vous blesse,?Mais ne me plongez pas ce poignard dans le coeur?D'avoir encor pitié de moi dans mon malheur.
ROSINE.
Vous me comprenez mal et j'en ai de tristesse,?Failli pleurer, Stello.
STELLO.
Maudite ma tendresse?Qui fait na?tre une larme en un regard si doux!?O ma reine! Oh! pardon!
ROSINE, souriant.
Vous passez à l'extrême;?Ne soyez point trop tendre après ce grand courroux.?Vous aimé-je en ami? Je l'ignore moi-même.?N'ayant jamais aimé, sais-je si je vous aime?
STELLO.
Non, vous ne m'aimez pas.
ROSINE.
Je le crois comme vous,?C'est vrai. Car je sens bien qu'un jour, s'il se réveille, Mon coeur, qu'on dit absent, qui, peut-être, sommeille?En attendant son heure, inondera mes sens?Comme un torrent sans frein qui renverse ou qui brise,?Ou qu'il m'envahira dans une ardente crise?Comme un feu souterrain comprimé trop longtemps.?Certes, l'émotion que votre aveu me cause?Est bien loin de cela, pour être de l'amour,?Mais, ce que vous étiez pour moi jusqu'à ce jour,?Je ne m'en rends pas compte et n'en sais autre chose?Que le vague plaisir que j'avais de vous voir.?Votre voix m'était douce et j'aimais à l'entendre;?Je vous aimais enfin, à quoi bon m'en défendre??J'étais heureuse en vous attendant chaque soir.?M'étiez-vous un ami? Vous m'étiez plus, peut-être,?Et jusqu'ici, Stello, si j'ai, sans le vouloir,?En vous aimant ainsi fait grandir votre espoir,?Vous en avez le droit, vous pouvez méconna?tre?Un tel nom. Mais, du moins, laissez-moi regretter?De ne point avoir su vous le faire accepter.
Ainsi dans le grand parc désert, sous la ramure,?Leurs voix s'entremêlaient comme un faible murmure;?Tous deux parlaient encore,--il faisait déjà nuit,--?Oubliant le destin devant cette nature,?Témoin de leur tristesse. Et quand Stello partit,?Son front cherchait en vain la fra?cheur passagère;?Il marchait au hasard et d'un pas inégal.?Une larme br?lante errait sous sa paupière;?Il emportait au coeur une blessure amère.
La comtesse en pleura, dit-on, jusqu'à son bal.
III
Si vous avez connu la mine la plus fière,?Le bras le plus vaillant et le plus noble coeur,?Le coeur le plus aimant qui f?t jamais sur terre,?Vous connaissez Stello. Libertin et rêveur,?Tenace comme un roc et doux comme une fille,?Il avait les défauts d'un bon fils de famille?Et
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