�� Sorrente!?
Le temps, la mer, le fou, la femme et la fortune Tournent comme le vent, changent comme la lune.
Je sortis du bateau plus ruisselant qu'Ulysse apr��s son naufrage, et, comme lui, tr��s dispos�� �� baiser la terre qui ne bouge pas. Devant moi ��taient les quatre matelots, la rame �� l'��paule, pr��ts �� m'escorter en triomphe jusqu'�� l'auberge de la Lune, qu'on apercevait sur la hauteur. Ses murs, blanchis �� la chaux, brillaient aux feux du jour comme la neige sur les montagnes. Je suivis mon cort��ge, mais non pas avec la fiert�� d'un vainqueur; je montais tristement et lentement un escalier qui n'en finissait pas, regardant les vagues qui se brisaient au rivage, comme furieuses de nous avoir lach��s. J'entrai enfin dans l'_osteria_; il ��tait midi: tout dormait, la cuisine m��me ��tait d��serte; il n'y avait pour me recevoir qu'une couv��e de poulets maigres qui, �� mon approche, se prirent �� crier comme les oies du Capitole. Je traversai leur bande effray��e pour me r��fugier sur une terrasse en arceaux, toute pleine de soleil; l��, m'emparant d'une chaise que j'enfourchai, et appuyant mes bras et ma t��te sur le dossier, je me mis, non pas �� r��fl��chir, mais �� me s��cher, tandis que la maison, et la ville, et la mer, et les cieux eux-m��mes, continuaient �� danser autour de moi.
Je me perdais dans mes r��veries, quand la patronne de l'osteria s'avan?a vers moi, tra?nant ses pantoufles avec la noblesse d'une reine. Qui a visit�� Amalfi n'oubliera jamais l'��norme et majestueuse Palomba.
?Que d��sire Votre Excellence? me dit-elle d'une voix plus aigre que de coutume; et faisant elle-m��me la demande et la r��ponse: D?ner? c'est impossible: les p��cheurs ne sont pas sortis par ce temps de malheur; il n'y a pas de poisson.
--Signora, lui r��pondis-je sans lever la t��te, donnez-moi ce que vous voudrez, une soupe, un macaroni, peu importe; j'ai plus besoin de soleil que de d?ner.
La digne Palomba me regarda avec un ��tonnement m��l�� de piti��.
?Pardon, Excellence, me dit-elle; au livre rouge qui sortait de votre poche je vous prenais pour un Anglais. Depuis que ce maudit livre, qui dit tout, a recommand�� le poisson d'Amalfi, il n'y a pas un milord qui veuille d?ner autrement que ce papier ne le lui ordonne. Mais puisque vous entendez la raison, nous ferons de notre mieux pour vous plaire. Ayez seulement un peu de patience.?
Et aussit?t l'excellente femme, attrapant au passage deux des poulets qui criaient autour de moi, leur coupa le cou sans que j'eusse le temps de m'opposer �� cet assassinat, dont j'��tais complice; puis, s'asseyant pr��s de moi, elle se mit �� plumer les deux victimes avec le sang-froid d'un grand coeur.
?Signor, dit-elle au bout d'un instant, la cath��drale est ouverte, tous les ��trangers vont l'admirer avant d?ner.?
Pour toute r��ponse, je soupirai.
?Excellence, ajouta la digne Palomba, que sans doute je g��nais dans ses pr��paratifs culinaires, vous n'avez pas visit�� la route nouvelle qui conduit �� Salerne? Il y a une vue magnifique sur la mer et les ?les.
--H��las! pensai-je, c'est ce matin et en voiture qu'il fallait prendre cette route! et je ne r��pondis pas.
--Excellence, dit d'une voix tr��s forte la patronne, tr��s d��cid��e �� se d��barrasser de moi, le march�� se tient aujourd'hui. Beau spectacle, beaux costumes! Et des marchandes qui ont la langue si bien pendue; et des oranges! on en a douze pour un carlin!?
Peine perdue; je ne me serais pas lev�� pour la reine de Naples en personne!
?H�� donc! s'��cria l'h?tesse, �� qui la patience ��chappait; vous voil�� plus endormi que Perlino quand il buvait son or potable.
--Perlino de qui? Perlino de quoi? murmurai-je en ouvrant un oeil languissant.
--Quel Perlino? reprit Palomba. Y en a-t-il deux dans l'histoire? et quand on ne trouverait pas ici un enfant de quatre ans qui ne conn?t ses aventures, est-ce un homme aussi instruit que Votre Excellence qui peut les ignorer?
--Faites comme si je ne savais rien, contez-moi l'histoire de Perlino, excellente Palomba; je vous ��coute avec le plus vif int��r��t.?
La bonne femme commen?a, avec la gravit�� d'une matrone romaine. L'histoire ��tait belle; peut-��tre la chronologie laissait-elle un peu �� d��sirer; mais, dans ce r��cit touchant, la sage Palomba faisait preuve d'une si parfaite connaissance des choses et des hommes, que peu �� peu je levai la t��te et, fixant les yeux sur celle qui ne me regardait plus, j'��coutai avec attention ce qui suit.
II
VIOLETTE
Si l'on en croyait nos anciens, Paestum n'aurait pas toujours ��t�� ce qu'il est aujourd'hui. Il n'y a maintenant, disent les p��cheurs, que trois vieilles ruines o�� l'on ne trouve que la fi��vre, des buffles et des Anglais; autrefois c'��tait une grande ville, habit��e par un peuple nombreux. Il y a bien longtemps de cela, comme qui dirait au si��cle des patriarches, quand tout le pays ��tait aux mains des pa?ens grecs,
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