Contes et nouvelles | Page 3

Edouard Laboulaye
que sa fille e?t �� manger.
?Tout cela ce sont des paroles, r��p��tait l'aust��re concierge; vos meubles sont la garantie de votre loyer, je ne connais que ?a.?
Sur quoi elle avait pris lentement une prise de tabac et ferm�� brusquement la porte coch��re, sans s'inqui��ter des pri��res de Madeleine.
La situation ��tait grave, car l'ouvri��re ��tait peu patiente; cependant elle sentait que Mme Remy avait quelque raison, et peut-��tre allait-elle se retirer quand arriva Mlle Rose. N'ayant rien �� faire, elle venait conter �� sa bonne amie, Mme Remy, la singuli��re id��e qu'avait eue Mademoiselle; elle entendait bien faire approuver sa profonde sagesse par la prudente concierge et s'apitoyer avec elle sur la folie des ma?tres. A la vue de Madeleine et de son matelas, et de Mme Remy appuy��e contre la porte coch��re, les bras crois��s, Rose demeura toute surprise.
?Que faites-vous donc l��?? demanda-t-elle �� la porti��re.
Sur quoi Mme Remy, charm��e de se voir soutenue et admir��e dans l'exercice de ses fonctions, raconta tout au long et �� haute voix �� la ch��re Rose, les singuli��res pr��tentions de Madeleine.
?Il y a des gens, dit aigrement la femme de chambre, qui ont des id��es particuli��res. On refuse un secours et on d��m��nage sans payer: c'est une fiert�� ��trangement plac��e!
--Qu'est-ce que vous dites? demanda brusquement Madeleine, qui avait mal entendu, mais qui sentait que c'��tait d'elle qu'on s'occupait.
[Illustration]
--Je ne vous parle pas, Madame, reprit d��daigneusement Mme Rose; je ne vous connais pas; je parle �� Mme Remy.
--Vous ferez bien de peser vos mots, dit Madeleine, dont la douceur n'��tait pas la vertu favorite; quand j'habitais au faubourg avec mon mari, j'ai corrig�� plus d'une p��ronnelle qui avait la langue trop longue; ne me faites pas sortir de mon caract��re.
--Madame Remy, vous l'entendez, cria la cam��riste; je vous prends �� t��moin: cette femme me menace et m'insulte. Et dire qu'on n'a d'��gards que pour ces personnes! En ce moment Mademoiselle est l��-haut, pour secourir des gens si peu dignes de piti��!
--Chez moi, votre demoiselle? Qu'y vient-elle faire? Ne vous ai-je pas dit que je ne demande rien et que je ne veux pas qu'on entre chez moi?
--Mademoiselle est la fille du propri��taire, dit gravement Mme Remy; elle a le droit de surveiller ses locataires.
--Mademoiselle a voulu juger par elle-m��me de votre politesse, reprit Rose en ricanant; nous verrons si vous la mettrez �� la porte quand elle vous porte l'aum?ne que vous ne m��ritez pas.
[Illustration]
--C'est tout vu, cria Madeleine en laissant tomber son matelas, qu'elle soutenait contre le mur; c'est tout vu; personne n'a le droit de s'introduire chez moi, et si votre demoiselle vient m'espionner ou m'outrager, riche ou non, propri��taire ou non, je lui ferai danser une danse comme elle n'en a jamais vu.?
Sur quoi Madeleine se pr��cipita dans l'escalier.
?Au secours! cria Rose; au secours! arr��tez-la!
--Qu'est-ce donc? dit M. de la Guerche, qui entrait en ce moment.
--Courez, Monsieur, cria de plus belle la femme de chambre, qui essayait de se trouver mal; courez, on assassine Mademoiselle. C'est l��-haut, au sixi��me ��tage, chez la veuve de l'insurg��.
Rose allait s'��vanouir, quand elle s'aper?ut qu'on l'avait laiss��e seule pour voler au secours de Marie; Mme Remy elle-m��me s'��tait courageusement enfonc��e dans l'escalier, un balai �� la main. Rose r��fl��chit qu'un ��vanouissement solitaire n'aurait point d'int��r��t, et, la curiosit�� l'emportant sur le danger, elle se mit �� courir comme les autres.

IV
Quoique Madeleine f?t encore jeune et que la col��re la poussat, n��anmoins on ne monte pas cent vingt marches tout d'une haleine et sans r��fl��chir. Au second ��tage, Madeleine songea qu'elle avait ��t�� un peu vive; au quatri��me, elle se dit que Mlle Rose n'��tait qu'une sotte; enfin, en arrivant en haut de la maison, elle sentit qu'il fallait repousser froidement une aum?ne qu'on lui faisait par piti��, et que c'��tait le moment d'avoir de la dignit��. Elle rajusta le mouchoir qu'elle avait sur la t��te, tira les deux pointes de sa camisole, et, marchant �� petits pas, sans pouvoir calmer l'agitation de son coeur, elle ouvrit la porte en tremblant, mais sans faire de bruit: ses l��vres ��taient serr��es; sa figure ��tait pale; l'orage grondait dans son ame. Tout �� coup elle s'arr��ta, comme si une main invisible l'e?t clou��e sur le carreau.
Que voyait-elle? Quel spectacle inconnu l'avait ainsi p��trifi��e? En face d'elle, mais lui tournant le dos, ��tait ma cousine Marie; sur ses genoux elle tenait la petite fille, qu'elle avait tir��e de ses haillons pour la v��tir d'une chemise blanche et d'un long gilet de flanelle qui enveloppait la malade jusqu'aux genoux. En ce moment elle lui ajustait sur la t��te un b��guin d'indienne, et, avec son mouchoir brod��, elle essuyait la sueur de la fi��vre qui coulait sur je front de l'enfant. La pauvre petite fille, toute ��mue et toute tremblante, passait ses bras autour du cou de ma cousine; Marie embrassait
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