Contes des fees | Page 7

Robert de Bonnières
créer des dieux authentiques,?Je les eusse en un temple mis?Parmi les plus touchants exemples?D'amour et de fidélité,?Chacun contre l'autre accoté,?Sous un dais de pourpre aux plis amples,?Tels quels avec leurs blancs habits?Ainsi qu'avec les myrtes pales?Changés soudain en fleurs d'opales?Parmi des roses de rubis:?Car en même temps leurs prunelles?Et leur sourire, en vérité,?Avaient pris l'immobilité?Qui n'est qu'aux choses éternelles!
De cela, vous ne doutez pas,?Comme il appara?t, ce me semble,?Qu'ils étaient réunis ensemble?Et passés de vie à trépas,?Dans le petit Castel de cire?Qui devint ainsi leur tombeau:?Et leur sort m'a paru si beau,?Qu'il m'a plu de vous le décrire.
VIII
COMMENT LES ABEILLES CHANTèRENT, CE QUE L'AUTEUR?EXPOSE EN MANIèRE DE CONCLUSION
Le vieux conte que j'ai suivi,?Dit encore, entre autres merveilles,?Que sur ce les bonnes Abeilles,?S'empressant toutes à l'envi,?De miel et de cire embaumée?Vinrent murer le monument?Où notre glorieux amant?Dormait avec sa bien-aimée;?Et que notre Essaim tout autour?De cette belle sépulture,?Dont il avait clos l'ouverture,?Forma jusqu'au déclin du jour?Des chants faits de si doux bruits d'ailes,?Qu'il était plus croyable encor?Qu'il célébrat les noces d'or?Des Epoux à jamais fidèles.
LES DEUX TALISMANS
COMMENT LA FEE ARBIANNE AVAIT DEUX AMANTS
La Fée Arbianne avait deux talismans:?Un Casque d'or qui rendait invisible,?Et, d'autre part, une épée invincible.?Arbianne avait de même deux amants.
Si je l'en blame, au moins que l'on m'accorde,?Au lieu d'aller se creuser le cerveau,?Qu'en avoir trois chez nous n'est pas nouveau,?Et qu'aux beaux luths, il n'est point qu'une corde.
Son choix ne fut ni bas ni hasardeux:?Tous deux étaient fils de Roi, dit le conte.?Elle donna l'épée à l'un pour compte,?Le Casque à l'autre, et les aima tous deux.?--De garde au pied de sa tour d'émeraude,?L'un de l'épée allait tout pourfendant,?Monstre, dragon, harpie et prétendant,?Et la gardait, en se gardant de fraude.?--L'autre invisible allait surprendre ainsi?La Fée à point en son bain d'eau de rose,?Et, comme on dit, ce ne fut point en prose?Qu'il lui conta son amoureux souci.
MORALITé
L'amant au Casque est l'amant qu'on préfère:?Et je déduis d'Amour et de ses lois,?Que vaillants coups d'épée et beaux exploits?Ne valent pas prudence et savoir faire.
MULOT ET MULOTTE
COMMENT MULOT ET MULOTTE RE?URENT DANS LEUR?CABANE UNE VIEILLE HORRIBLE
Deux vieux époux, pauvres et gens de bien,?Vivaient du temps de ma Grand'Mère l'Oie,?Comme beaucoup des héros que j'emploie.?Ils se nommaient, si je me souviens bien,?L'homme Mulot et la femme Mulotte.?Tous deux étaient couchés dans le moment,?Et, dans leurs lits, ils dormaient chaudement:?Vieil amour même empêche qu'on grelotte.?Cette remarque est ici de saison;?La neige avec la bise faisait rage?Tant et si bien, qu'en cette nuit l'orage?Mena?ait fort d'emporter la maison.?Je dis maison, je veux dire cabane.?Car au ma?on, qui n'usa de cordeau,?Il ne fallut qu'un peu de terre et d'eau,?Non plus de bois que la charge d'un ane.?Comme ils dormaient, une Voix appela,?Une et deux fois, puis trois, de telle sorte?Qu'il était clair que quelqu'un à la porte?Demandait aide.
--?Eh! Parbleu, me voilà!??Fit le bonhomme, en quittant sa paillasse.?Et rien n'est plus cruel que lorsqu'il faut?Quitter ainsi pour l'air froid le lit chaud.?En aurions-nous fait autant à sa place?
--?Oh! Pour l'amour de Dieu!? demandait-on?D'une voix douce autant que douloureuse.
Mulot ouvrit.
Mais une Vieille affreuse
Entra:
La voix, du coup, changea de ton.?--?Fort bien!? dit-elle.
Elle était secouée?De fièvre ensemble et de froid, les pieds nus,?Et puis lépreuse, à des signes connus,?Car elle avait une voix enrouée?Comme ont les chiens après de longs abois,?La face ardente avec les chairs putrides,?L'oeil clair dans l'ombre, et sur la peau des rides?Rèches autant que l'écorce du bois.?Vous auriez eu la preuve à voir sa mine,?Ses yeux méchants et ses ongles crochus,?Que pour bons coeurs il n'est gens si déchus,?Puisqu'en pitié l'on prit cette vermine?Et que nos gens la mirent en leur lit.?Mulot jeta dans l'àtre une bourrée,?Donna le linge, et Mulotte affairée?Eut du courage aux soins qu'elle accomplit.
II
COMMENT CETTE VIEILLE éTAIT UNE BELLE FéE, ET COMMENT?ELLE OFFRIT DE DONNER A MULOT ET A?MULOTTE RICHESSES ET HONNEURS
Comme on lavait cette triple Mégère?Voilà-t-il pas que, sans désemparer.?Elle en vient toute à se transfigurer,?Tant qu'en beauté le Conteur n'exagère,?Et qu'elle en a blonds cheveux à monceaux,?Les traits charmants, les chairs amignonnées?Comme au matin des roses fleuronnées,?Et les yeux bleus du bleu profond des eaux.?--D'un trait à l'autre on ne vit le passage--?Et puis drap d'or, taffetas et satin,?Couleur d'iris et couleur du matin?Lui font gentils cotillon et corsage.?Elle sauta du lit pour mieux causer,?Ayant un astre au front, qui l'illumine.?Lors elle était de si gentille mine,?Qu'il e?t fallu le Roi pour l'épouser!
C'était alors une ordinaire chose?Que Fée errante et Fant?mes changeants:?Aussi ni l'un ni l'autre de nos gens?Ne s'étonna de la métamorphose.
--?Ami, je suis satisfaite de vous,??Leur dit la Fée; et sa voix naturelle?Etait ainsi qu'un chant de tourterelle,?Et son sourire encor était si doux,?Que nos bons vieux en furent vite à l'aise.?--??a, faites-moi de grands souhaits, je veux?En un moment accomplir tous vos voeux,??Reprit la Fée.
MULOT
?Eh! ne vous en déplaise,?De votre part, c'est bien de la
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