Contes de la Montagne

Erckmann-Chatrian

Contes de la Montagne, by Erckmann-Chatrian

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Title: Contes de la Montagne
Author: Erckmann-Chatrian
Release Date: May, 2005 [EBook #8173] [Yes, we are more than one year ahead of schedule] [This file was first posted on June 25, 2003]
Edition: 10
Language: French
Character set encoding: ISO-Latin-1
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CONTES
DE
LA MONTAGNE
PAR
ERCKMANN-CHATRIAN

UNE NUIT DANS LES BOIS
I
Mon digne oncle Bernard Hertzog, le chroniqueur, coiff�� de son grand chapeau �� claque et de sa perruque grise, le baton de montagnard �� pointe de fer au poing, descendait un soir le sentier de Luppersberg, saluant chaque paysage d'une exclamation enthousiaste.
L'age n'avait pu refroidir en lui l'amour de la science; il poursuivait encore �� soixante ans son Histoire des antiquit��s d'Alsace, et ne se permettait la description d'une ruine, d'une pierre, d'un d��bris quelconque du vieux temps, qu'apr��s l'avoir visit�� cent fois et contempl�� sous toutes ses faces.
?Quand on a eu le bonheur, disait-il, de na?tre dans les Vosges, entre le Haut-Bar, le Nideck et le Geierstein, on ne devrait jamais songer aux voyages. O�� trouver de plus belles for��ts, des h��tres et des sapins plus vieux, des vall��es plus riantes, des rochers plus sauvages, un pays plus pittoresque et plus riche en souvenirs m��morables? C'est ici que combattirent jadis les hauts et puissants seigneurs de Lutzelstein, du Dagsberg, de Leiningen, de F��n��trange, ces g��ants bard��s de fer! C'est ici que se sont donn��s les grands coups d'��p��e du moyen age, entre les fils a?n��s de l'��glise et le Saint-Empire.... Qu'est-ce que nos guerres, aupr��s de ces terribles batailles o�� l'on s'attaquait corps �� corps, o�� l'on se martelait avec des haches d'armes, o�� l'on s'introduisait le poignard par les yeux du casque? Voil�� du courage, voil�� des faits h��ro?ques dignes d'��tre transmis �� la post��rit��! Mais nos jeunes gens veulent du nouveau, ils ne se contentent plus de leur pays; ils font des tours d'Allemagne, des tours de France.... Que sais-je? Ils abandonnent les ��tudes s��rieuses pour le commerce, les arts, l'industrie.... Comme s'il n'y avait pas eu jadis du commerce, de l'industrie et des arts ... et bien plus curieux, bien plus instructifs que de nos jours: voyez la ligue ans��atique ... voyez les marines de Venise, de G��nes et du Levant ... voyez les manufactures des Flandres, les arts de Florence, de Rome, d'Anvers!... Mais non, tout est mis �� l'��cart.... On se glorifie de son ignorance, et l'on n��glige surtout l'��tude de notre bonne vieille Alsace.... Franchement, Th��odore, franchement, tous ces touristes ressemblent aux maris jeunes et volages, qui d��laissent une bonne et honn��te femme pour courir apr��s des laiderons!?
Et Bernard Hertzog hochait la t��te, ses gros yeux devenaient tout ronds, comme s'il e?t contempl�� les ruines de Babylone.
Son attachement aux us et coutumes d'autrefois lui faisait conserver, depuis quarante ans, l'habit de peluche �� grandes basques, les culottes de velours, les bas de soie noirs et les souliers �� boucles d'argent. Il se serait cru d��shonor�� d'adopter le pantalon �� la mode, il aurait cru commettre une profanation s'il e?t coup�� sa v��n��rable queue de rat.
Le digne chroniqueur allait donc �� Haslach, le 3 juillet 1845, examiner de ses propres yeux un petit Mercure gaulois d��terr�� r��cemment dans le vieux clo?tre des Augustins.
Il marchait d'un pas assez leste, par une chaleur accablante; les montagnes succ��daient aux montagnes, les vall��es s'engrenaient dans les vall��es, le sentier montait, descendait, tournait �� droite, puis �� gauche, et ma?tre Hertzog s'��tonnait, depuis une heure, de ne pas voir appara?tre le clocher du village.
Le fait est qu'il avait appuy�� sur la droite en partant de Saverne, et qu'il s'enfon?ait dans les bois du Dagsberg avec une ardeur toute juv��nile... Il devait, de ce train, aboutir en cinq ou six heures �� Phramond, �� huit lieues de l��... Mais la nuit commen?ait �� se faire et le sentier n'offrait d��j�� plus, sous les grands arbres, qu'une
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