mas? �� Pierrot, on s'enquit d'un ex��cuteur. Le cantonnier qui binait la route demanda dix sous pour la course. Cela parut follement exag��r�� �� Mme Lef��vre. Le goujat du voisin se contentait de cinq sous; c'��tait trop encore; et, Rose ayant fait observer qu'il valait mieux qu'elles le portassent elles-m��mes, parce qu'ainsi il ne serait pas brutalis�� en route et averti de son sort, il fut r��solu qu'elles iraient toutes les deux, �� la nuit tombante.
On lui offrit, ce soir-l��, une bonne soupe avec un doigt de beurre. Il l'avala jusqu'�� la derni��re goutte; et, comme il remuait la queue de contentement, Rose le prit dans son tablier.
Elles allaient �� grands pas, comme des maraudeuses, �� travers la plaine. Bient?t elles aper?urent la marni��re et l'atteignirent; Mme Lef��vre se pencha pour ��couter si aucune b��te ne g��missait.--Non--il n'y en avait pas; Pierrot serait seul. Alors Rose qui pleurait, l'embrassa, puis le lan?a dans le trou; et elles se pench��rent toutes deux, l'oreille tendue.
Elles entendirent d'abord un bruit sourd; puis la plainte aigu?, d��chirante, d'une b��te bless��e, puis une succession de petits cris de douleur, puis des appels d��sesp��r��s, des supplications de chien qui implorait, la t��te lev��e vers l'ouverture.
Il jappait, oh! il jappait!
Elles furent saisies de remords, d'��pouvante, d'une peur folle et inexplicable; et elles se sauv��rent en courant. Et, comme Rose allait plus vite, Mme Lef��vre criait: ?Attendez-moi, Rose, attendez-moi!?
Leur nuit fut hant��e de cauchemars ��pouvantables.
Mme Lef��vre r��va qu'elle s'asseyait �� table pour manger la soupe, mais, quand elle d��couvrait la soupi��re, Pierrot ��tait dedans. Il s'��lan?ait et la mordait au nez.
Elle se r��veilla et crut l'entendre japper encore. Elle ��couta; elle s'��tait tromp��e.
Elle s'endormit de nouveau et se trouva sur une grande route, une route interminable, qu'elle suivait. Tout �� coup, au milieu du chemin, elle aper?ut un panier, un grand panier de fermier, abandonn��; et ce panier lui faisait peur.
Elle finissait cependant par l'ouvrir, et Pierrot, blotti dedans, lui saisissait la main, ne la lachait plus; et elle se sauvait ��perdue, portant ainsi au bout du bras le chien suspendu, la gueule serr��e.
Au petit jour, elle se leva, presque folle, et courut �� la marni��re.
Il jappait; il jappait encore, il avait japp�� toute la nuit. Elle se mit �� sangloter et l'appela avec mille petits noms caressants. Il r��pondit avec toutes les inflexions tendres de sa voix de chien.
Alors elle voulut le revoir, se promettant de le rendre heureux jusqu'�� sa mort.
Elle courut chez le puisatier charg�� de l'extraction de la marne, et elle lui raconta son cas. L'homme ��coutait sans rien dire. Quand elle eut fini, il pronon?a: ?Vous voulez votre quin? Ce sera quatre francs.?
Elle eut un sursaut; toute sa douleur s'envola du coup.
?Quatre francs! vous vous en feriez mourir! quatre francs!?
Il r��pondit: ?Vous croyez que j'vas apporter mes cordes, mes manivelles, et monter tout ?a, et m'n aller l��-bas avec mon gar?on et m'faire mordre encore par votre maudit quin, pour l'plaisir de vous le r'donner? fallait pas l'jeter.?
Elle s'en alla, indign��e.--Quatre francs!
Aussit?t rentr��e, elle appela Rose et lui dit les pr��tentions du puisatier. Rose, toujours r��sign��e, r��p��tait: ?Quatre francs! c'est de l'argent, Madame.?
Puis, elle ajouta: ?Si on lui jetait �� manger, �� ce pauvre quin, pour qu'il ne meure pas comme ?a??
Mme Lef��vre approuva, toute joyeuse; et les voil�� reparties, avec un gros morceau de pain beurr��.
Elles le coup��rent par bouch��es qu'elles lan?aient l'une apr��s l'autre, parlant tour �� tour �� Pierrot. Et si t?t que le chien avait achev�� un morceau, il jappait pour r��clamer le suivant.
Elles revinrent le soir, puis le lendemain, tous les jours. Mais elles ne faisaient plus qu'un voyage.
* * * * *
Or, un matin, au moment de laisser tomber la premi��re bouch��e, elles entendirent tout �� coup un aboiement formidable dans le puits. Ils ��taient deux! On avait pr��cipit�� un autre chien, un gros!
Rose cria: ?Pierrot!? Et Pierrot jappa, jappa. Alors on se mit �� jeter la nourriture; mais, chaque fois elles distinguaient parfaitement une bousculade terrible, puis les cris plaintifs de Pierrot mordu par son compagnon, qui mangeait tout, ��tant le plus fort.
Elles avaient beau sp��cifier: ?C'est pour toi, Pierrot!? Pierrot, ��videmment, n'avait rien.
Les deux femmes interdites, se regardaient; et Mme Lef��vre pronon?a d'un ton aigre: ?Je ne peux pourtant pas nourrir tous les chiens qu'on jettera l��-dedans. Il faut y renoncer?.
Et, suffoqu��e �� l'id��e de tous ces chiens vivant �� ses d��pens, elle s'en alla, emportant m��me ce qui restait du pain qu'elle se mit �� manger en marchant.
Rose la suivit en s'essuyant les yeux du coin de son tablier bleu.
MENUET
A Paul Bourget.
Les grands malheurs ne m'attristent gu��re, dit Jean Bridelle, un vieux gar?on qui passait pour sceptique. J'ai vu la guerre de bien pr��s: j'enjambais les corps sans apitoiement. Les fortes brutalit��s de la nature ou des hommes peuvent nous faire pousser des cris
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