Contes de la Becasse | Page 3

Guy de Maupassant
signaux d��sesp��r��s de la jeune femme qui tomba dans leurs bras en balbutiant: ?Cet homme a voulu... a voulu... me... me...? Et elle s'��vanouit.
On ��tait en gare de Mauz��. Le gendarme pr��sent arr��ta Morin.
Quand la victime de sa brutalit�� eut repris connaissance, elle fit sa d��claration. L'autorit�� verbalisa. Et le pauvre mercier ne put regagner son domicile que le soir, sous le coup d'une poursuite judiciaire pour outrage aux bonnes moeurs dans un lieu public.

II
J'��tais alors r��dacteur en chef du nal des Charentes; et je voyais Morin, chaque soir, au Caf�� du commerce.
D��s le lendemain de son aventure, il vint me trouver, ne sachant que faire. Je ne lui cachai pas mon opinion: ?Tu n'es qu'un cochon. On ne se conduit pas comme ?a.?
Il pleurait; sa femme l'avait battu; et il voyait son commerce ruin��, son nom dans la boue, d��shonor��, ses amis, indign��s, ne le saluant plus. Il finit par me faire piti��, et j'appelai mon collaborateur Rivet, un petit homme goguenard et de bon conseil, pour prendre ses avis.
Il m'engagea �� voir le procureur imp��rial, qui ��tait de mes amis. Je renvoyai Morin chez lui et je me rendis chez ce magistrat.
J'appris que la femme outrag��e ��tait une jeune fille, Mlle Henriette Bonnel, qui venait de prendre �� Paris ses brevets d'institutrice et qui, n'ayant plus ni p��re ni m��re, passait ses vacances chez son oncle et sa tante, braves petits bourgeois de Mauz��.
Ce qui rendait grave la situation de Morin, c'est que l'oncle avait port�� plainte. Le minist��re public consentait �� laisser tomber l'affaire si cette plainte ��tait retir��e. Voil�� ce qu'il fallait obtenir.
Je retournai chez Morin. Je le trouvai dans son lit, malade d'��motion et de chagrin. Sa femme, une grande gaillarde osseuse et barbue, le maltraitait sans repos. Elle m'introduisit dans la chambre en me criant par la figure: ?Vous venez voir ce cochon de Morin? Tenez, le voil��, le coco!?
Et elle se planta devant le lit, les poings sur les hanches. J'exposai la situation; et il me supplia d'aller trouver la famille. La mission ��tait d��licate; cependant je l'acceptai. Le pauvre diable ne cessait de r��p��ter: ?Je t'assure que je ne l'ai pas m��me embrass��e, non, pas m��me. Je te le jure!?
Je r��pondis: ?C'est ��gal, tu n'es qu'un cochon.? Et je pris mille francs qu'il m'abandonna pour les employer comme je le jugerais convenable.
Mais comme je ne tenais pas �� m'aventurer seul dans la maison des parents, je priai Rivet de m'accompagner. Il y consentit, �� la condition qu'on partirait imm��diatement, car il avait, le lendemain dans l'apr��s-midi, une affaire urgente �� la Rochelle.
Et, deux heures plus tard, nous sonnions �� la porte d'une jolie maison de campagne. Une belle jeune fille vint nous ouvrir. C'��tait elle assur��ment. Je dis tout bas �� Rivet: ?Sacrebleu, je commence �� comprendre Morin.?
L'oncle, M. Tonnelet, ��tait justement un abonn�� du Fanal, un fervent coreligionnaire politique qui nous re?ut �� bras ouverts, nous f��licita, nous congratula, nous serra les mains, enthousiasm�� d'avoir chez lui les deux r��dacteurs de son journal. Rivet me souffla dans l'oreille: ?Je crois que nous pourrons arranger l'affaire de ce cochon de Morin.?
La ni��ce s'��tait ��loign��e; et j'abordai la question d��licate. J'agitai le spectre du scandale; je fis valoir la d��pr��ciation in��vitable que subirait la jeune personne apr��s le bruit d'une pareille affaire; car on ne croirait jamais �� un simple baiser.
Le bonhomme semblait ind��cis; mais il ne pouvait rien d��cider sans sa femme qui ne rentrerait que tard dans la soir��e. Tout �� coup il poussa un cri de triomphe: ?Tenez, j'ai une id��e excellente. Je vous tiens, je vous garde. Vous allez d?ner et coucher ici tous les deux; et, quand ma femme sera revenue, j'esp��re que nous nous entendrons.?
Rivet r��sistait; mais le d��sir de tirer d'affaire ce cochon de Morin le d��cida; et nous acceptames l'invitation.
L'oncle se leva, radieux, appela sa ni��ce, et nous proposa une promenade dans sa propri��t�� en proclamant: ?A ce soir les affaires s��rieuses.?
Rivet et lui se mirent �� parler politique. Quant �� moi, je me trouvai bient?t �� quelques pas en arri��re, �� c?t�� de la jeune fille. Elle ��tait vraiment charmante, charmante!
Avec des pr��cautions infinies, je commen?ai �� lui parler de son aventure pour tacher de m'en faire une alli��e.
Mais elle ne parut pas confuse le moins du monde; elle m'��coutait de l'air d'une personne qui s'amuse beaucoup.
Je lui disais: ?Songez donc, mademoiselle, �� tous les ennuis que vous aurez. Il vous faudra compara?tre devant le tribunal, affronter les regards malicieux, parler en face de tout ce monde, raconter publiquement cette triste sc��ne du wagon. Voyons, entre nous, n'auriez-vous pas mieux fait de ne rien dire, de remettre �� sa place ce polisson sans appeler les employ��s; et de changer simplement de voiture.?
Elle se mit �� rire. ?C'est vrai ce que vous dites! mais que
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 46
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.