Contes de Caliban | Page 7

Émile Bergerat
il ne put r��sister �� son r��el martyre, il tua l'amant de sa femme. Un duel fut le pr��texte de cet assassinat. A dater du jour o�� elle n'eut plus cet amant pour vivre, Delphine cessa pour ainsi dire d'��tre femme. Elle ne descella plus les l��vres. Muette, fant?matique, hagarde, elle vieillissait chaque jour d'un an, et le triste Arpajou tr��passa de douleur �� son tour sans avoir r��entendu la voix, sans avoir revu le regard de l'implacable d��sol��e.
Ce fut alors que, doublement veuve, Delphine versa dans la d��votion et, selon le mot de son directeur de conscience, s'ab?ma en Dieu. Mais la pi��t�� entra?ne au mysticisme, et l'on sait que, du domaine de la foi au domaine des sciences occultes, la limite flotte ind��cise. C'est au pied des autels flamboyants, dans les confessionnaux chuchotants, parmi les aromates hallucinatoires et sous le vent des orgues que les doctrinaires de la psychomancie recrutent le plus grand nombre de leurs pros��lytes. Et l'heure sonna au cadran de la logique o�� ma vieille amie Mme Arpajou se mit, au sortir des offices et communion re?ue, �� faire tourner des tables. Je la rencontrai �� cette ��poque. Curieux de frotter mon scepticisme aux ph��nom��nes de l'au-del��, je hantais dans le monde spirite. En outre, j'avais beaucoup connu l'amant dont la perte ent��n��brait cette ame, et le hasard d'une causerie le lui ayant appris, elle avait accroch�� son ��ternelle douleur �� mes souvenirs de jeunesse.
Un jour elle me parla franchement de lui. Elle m'avoua qu'elle ��tait en communication constante avec l'esprit du bien-aim��. Il ne la quittait pour ainsi dire point, flottant autour d'elle, et l'enveloppant de sa pr��sence impalpable.
--Non seulement, me dit-elle, il n'a point cess�� de m'aimer, mais il m'aime de plus en plus, il me d��sire, il m'appelle, il m'attire, il pleure, et son d��sespoir me laisse bris��e. Je ne tarderai point �� le rejoindre, je le sens et l'esp��re.
Je lui donnai �� observer que, pour que son d��part f?t efficace et suivi d'une bonne arriv��e, il convenait d'abord de savoir en quel lieu de l'au-del�� le cher amant r��sidait, et qu'il y allait de leur r��union.
--Selon la foi que vous confessez, fis-je, et qui est la bonne, il y a l��-haut deux s��jours bien distincts pour les ames d��sincorpor��es, et il n'y en a que deux qui sont: le paradis et l'enfer. Tachez donc de savoir de lui-m��me o�� il se trouve, soit dans quelle partie du sein d'Abraham, afin de ne pas faire fausse route en vous en allant et de ne pas vous courir apr��s, l'un et l'autre, pendant toute l'��ternit��.
--Ah! certes, me jeta-t-elle, il est au paradis! car l'amour a de ces cris sublimes.
Or, �� quelque temps de l��, Mme Arpajou me pria de passer chez elle. Je l'y trouvai malade, les yeux rougis par une nuit de larmes, et dans un tel ��tat de prostration qu'il me fut impossible de composer mon visage pour lui c��ler ma piti��.
--H��las! sanglota la pauvre mourante, il souffre, il crie, il br?le, et c'est �� cause de moi. Le crime qu'il expie, seule j'en suis la cause et l'objet. Damn�� mon ami, il est damn��! Et moi aussi, voyez, je vais mourir!
Elle se tordait les mains, elle roulait sur les oreillers sa t��te ��chevel��e.
--Je ne le reverrai plus, cria-t-elle, jamais, jamais! jamais!
Que dire, qu'eussiez-vous dit, pour apaiser un telle angoisse, et quel coeur de roc n'en e?t ��t�� boulevers��? Un mot, un seul mot, pouvait lui rendre l'esp��rance, mot impie, il est vrai, mot �� compromettre soi-m��me le salut de sa propre ame, mot diabolique enfin qu'un Voltaire n'e?t pas retenu peut-��tre, mais est-on Voltaire?
--Ne plus le revoir, lachai-je hors de moi, ne plus le revoir?... Qui vous en emp��che?
Elle se dressa, me regarda, b��ante..., et je m'enfuis, ��pouvant�� du moyen que je venais de sugg��rer �� cette ouaille fid��le de notre tr��s sainte ��glise. Afin de se r��unir �� son bien-aim��, il fallait ... oui, il fallait aller d��lib��r��ment l�� ... o�� il ��tait ... vous savez o��!
Le lendemain, je re?us de Mme Arpajou un billet que j'ai gard��, et que je transcris:
?Venez, je me meurs. J'ai �� vous parler.--Delphine.?
Avant de monter chez elle et sous pr��texte de prendre exactement de ses nouvelles, je m'informai aupr��s des serviteurs.
--A-t-elle requis un pr��tre? leur demandai-je.
Non seulement elle n'en avait point requis, mais elle avait refus�� de recevoir celui, son confesseur m��me, qui s'��tait pr��sent�� pour l'oindre du viatique.
--Vous venez �� point, sourit-elle, je n'en ai plus que pour une heure ou deux. Asseyez-vous, donnez-moi la main, et voyez comme je suis heureuse!... Je vais le revoir!... Et c'est �� vous que je devrai ma f��licit�� ��ternelle.... Merci.
--Quoi, dans l'enfer!... Vous, Madame?
--Puisqu'il y est, fut sa r��ponse rayonnante.
Et tout de suite elle ajouta:
--Il n'y faut, vous le savez, qu'un p��ch�� mortel!
Et elle me
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