Contes choisis de la famille | Page 9

Les frères Grimm
soient bien habiles pour te disputer la maison.
Quelques moments après, on vit arriver à toute bride un cheval fringant attelé à une légère voiture.
--Je sais vous donner un échantillon de mon adresse, dit à son tour le maréchal-ferrant.
A ces mots, il s'élan?a sur la trace du cheval, et bien que celui-ci redoublat de vitesse, il lui enleva les quatre fers auquel il en substitua quatre autres; et tout cela en moins d'une minute, le plus aisément du monde et sans ralentir la course du cheval.
--Tu es un artiste accompli, s'écria le père; tu es aussi s?r de ton affaire, que ton frère l'est de la sienne; et je ne saurais en vérité décider lequel de vous deux mérite le plus la maison.
--Attendez que j'aie aussi fait mes preuves, dit alors le troisième fils.
La pluie commen?ait à tomber en ce moment.
Notre homme tira son épée, et se mit à en décrire des cercles si rapides au-dessus de sa tête, que pas une seule goutte d'eau ne tomba sur lui; la pluie redoublant de force, ce fut bient?t comme si on la versait à seaux des hauteurs du ciel. Cependant notre ma?tre d'armes qui s'était borné à agiter son épée toujours plus vite, demeurait à sec sous son arme, comme s'il e?t été sous un parapluie ou sous un toit.
A cette vue, l'admiration de l'heureux père fut au comble, et il s'écria:
--C'est toi qui as donné la preuve d'adresse la plus étonnante; c'est à toi que revient la maison.
Les deux fils a?nés approuvèrent cette décision, et joignirent leurs éloges à ceux de leur père. Ensuite, comme ils s'aimaient tous trois beaucoup, ils ne voulurent pas se séparer, et continuèrent de vivre ensemble dans la maison paternelle, où ils exercèrent chacun leur métier. Leur réputation d'habileté s'étendit au loin, et ils devinrent bient?t riches. C'est ainsi qu'ils vécurent heureux et considérés jusqu'à un age très-avancé; et lorsqu'enfin l'a?né tomba malade et mourut, les deux autres en prirent un tel chagrin qu'ils ne tardèrent pas à le suivre.
On leur rendit les derniers devoirs. Le pasteur de la commune fit observer avec raison que trois frères qui, pendant leur vie avaient été doués d'une si grande adresse et unis par une si touchante amitié, ne devaient pas non plus être séparés dans la mort. En conséquence, on les pla?a tous trois dans le même tombeau.

L'A?EUL ET LE PETIT-FILS.
Il y avait une fois un homme vieux, vieux comme les pierres. Ses yeux voyaient à peine, ses oreilles n'entendaient guère, et ses genoux chancelaient. Un jour, à table, ne pouvant plus tenir sa cuiller, il répandit de la soupe sur la nappe, et même un peu sur sa barbe.
Son fils et sa bru en prirent du dégo?t, et désormais le vieillard mangea seul, derrière le poêle, dans un petit plat de terre à peine rempli. Aussi regardait-il tristement du c?té de la table, et des larmes roulaient sous ses paupières; si bien qu'un autre jour, échappant à ses mains tremblantes, le plat se brisa sur le parquet.
Les jeunes gens le grondèrent, et le vieillard poussa un soupir; alors ils lui donnèrent pour manger une écuelle de bois.
Or, un soir qu'ils soupaient à table, tandis que le bonhomme était dans son coin, ils virent leur fils, agé de quatre ans, assembler par terre de petites planches.
--Que fais-tu là? lui demandèrent-ils.
--Une petite écuelle, répondit le gar?on, pour faire manger papa et maman quand je serai marié.....
L'homme et la femme se regardèrent en silence...; des larmes leur vinrent aux yeux. Ils rappelèrent entre eux l'a?eul qui ne quitta plus la table de famille.

LES TROIS FAINéANTS.
Un roi avait trois fils qu'il aimait également, et il ne savait auquel d'entre eux laisser sa couronne. Lorsqu'il se sentit près de mourir, il les fit venir, et leur dit:
--Mes chers enfants, il est temps que je vous fasse conna?tre ma dernière volonté: j'ai décidé que celui d'entre vous qui serait le plus fainéant, hériterait de mes états.
A ces mots, l'a?né prenant la parole:
--C'est donc à moi, mon père, dit-il, que revient votre sceptre; car je suis tellement fainéant, que, le soir, j'ai beau tomber de fatigue et de sommeil, je n'ai pas le courage de fermer mes yeux pour dormir.
Le cadet dit à son tour:
--C'est donc à moi, mon père, qu'appartient votre couronne, car je suis si fainéant, que lorsque je me trouve assis devant le feu, et que je sens la flamme me br?ler les jambes, j'aime mieux les laisser r?tir, que de faire un mouvement pour les retirer.
Le troisième reprit:
--Mon père, personne plus que moi n'a droit à vous succéder, car telle est ma fainéantise que si j'étais condamné à être pendu, que j'eusse déjà la corde autour du cou, et qu'au moment d'être étranglé, que quelqu'un me tendit un couteau pour couper la corde, je préférerais subir mon triste sort plut?t
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 16
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.