Consuelo, Tome 1 | Page 2

George Sand
qu'il est, l'ouvrage a de l'int��r��t et, contre ma coutume quand il s'agit de mes ouvrages, j'en conseille la lecture. On y apprendra beaucoup de choses qui ne sont pas nouvelles pour les gens instruits, mais qui, par leur rapprochement, jettent une certaine lumi��re sur les pr��occupations et, par cons��quent, sur l'esprit du si��cle de Marie-Th��r��se et de Fr��d��ric II, de Voltaire et de Cagliostro: si��cle ��trange, qui commence par des chansons, se d��veloppe dans des conspirations bizarres, et aboutit, par des id��es profondes, �� des r��volutions formidables!
Que l'on fasse bon march�� de l'intrigue et de l'invraisemblance de certaines situations; que l'on regarde autour de ces gens et de ces aventures de ma fantaisie, on verra un monde o�� je n'ai rien invent��, un monde qui exist�� et qui a ��t�� beaucoup plus fantastique que mes personnages et leurs vicissitudes: de sorte que je pourrais dire que ce qu'il y a de plus impossible dans mon livre, est pr��cis��ment ce qui s'est pass�� dans la r��alit�� des choses.
GEORGE SAND.
Nohant, 15 septembre 1854.

CONSUELO

I.
?Oui, oui, Mesdemoiselles, hochez la t��te tant qu'il vous plaira; la plus sage et la meilleure d'entre vous, c'est ... Mais je ne veux pas le dire; car c'est la seule de ma classe qui ait de la modestie, et je craindrais, en la nommant, de lui faire perdre �� l'instant m��me cette rare vertu que je vous souhaite....
--In nomine Patris, et Filii, et Spiritu Sancto, chanta la Costanza d'un air effront��.
--Amen, chant��rent en choeur toutes les autres petites filles.
--Vilain m��chant! dit la Clorinda en faisant une jolie moue, et en donnant un petit coup du manche de son ��ventail sur les doigts osseux et rid��s que le ma?tre de chant laissait dormir allong��s sur le clavier muet de l'orgue.
--A d'autres! dit le vieux professeur, de l'air profond��ment d��sabus�� d'un homme qui, depuis quarante ans, affronte six heures par jour toutes les agaceries et toutes les mutineries de plusieurs g��n��rations d'enfants femelles. Il n'en est pas moins vrai, ajouta-t-il en mettant ses lunettes dans leur ��tui et sa tabati��re dans sa poche, sans lever les yeux sur l'essaim railleur et courrouc��, que cette sage, cette docile, cette studieuse, cette attentive, cette bonne enfant, ce n'est pas vous, signora Clorinda; ni vous, signora Costanza; ni vous non plus, signora Zulietta; et la Rosina pas davantage, et Michela encore moins....
--En ce cas, c'est moi ...--Non, c'est moi ...--Pas du tout, c'est moi?--Moi!--Moi!? s'��cri��rent de leurs voix fl?t��es ou per?antes une cinquantaine de blondines ou de brunettes, en se pr��cipitant comme une vol��e de mouettes crieuses sur un pauvre coquillage laiss�� �� sec sur la gr��ve par le retrait du flot.
Le coquillage, c'est-��-dire le maestro (et je soutiens qu'aucune m��taphore ne pouvait ��tre mieux appropri��e �� ses mouvements anguleux, �� ses yeux nacr��s, �� ses pommettes tachet��es de rouge, et surtout aux mille petites boucles blanches, raides et pointues de la perruque professorale); le maestro, dis-je, forc�� par trois fois de retomber sur la banquette apr��s s'��tre lev�� pour partir, mais calme et impassible comme un coquillage berc�� et endurci dans les temp��tes, se fit longtemps prier pour dire laquelle de ses ��l��ves m��ritait les ��loges dont il ��tait toujours si avare, et dont il venait de se montrer si prodigue. Enfin, c��dant comme �� regret �� des pri��res que provoquait sa malice, il prit le baton doctoral dont il avait coutume de marquer la mesure, et s'en servit pour s��parer et resserrer sur deux files son troupeau indisciplin��. Puis avan?ant d'un air grave entre cette double haie de t��tes l��g��res, il alla se poser dans le fond de la tribune de l'orgue, en face d'une petite personne accroupie sur un gradin. Elle, les coudes sur ses genoux, les doigts dans ses oreilles pour n'��tre pas distraite par le bruit, ��tudiait sa le?on �� demi-voix pour n'��tre incommode �� personne, tortill��e et repli��e sur elle-m��me comme un petit singe; lui, solennel et triomphant, le jarret et le bras tendus, semblable au berger Paris adjugeant la pomme, non �� la plus belle, mais �� la plus sage.
?Consuelo? l'Espagnole?? s'��cri��rent tout d'une voix les jeunes choristes, d'abord frapp��es de surprise. Puis un ��clat de rire universel, hom��rique, fit monter enfin le rouge de l'indignation et de la col��re au front majestueux du professeur.
La petite Consuelo, dont les oreilles bouch��es n'avaient rien entendu de tout ce dialogue, et dont les yeux distraits erraient au hasard sans rien voir, tant elle ��tait absorb��e par son travail, demeura quelques instants insensible �� tout ce tapage. Puis enfin, s'apercevant de l'attention dont elle ��tait l'objet, elle laissa tomber ses mains de ses oreilles sur ses genoux, et son cahier de ses genoux �� terre; elle resta ainsi p��trifi��e d'��tonnement, non confuse, mais un peu effray��e, et finit par se lever pour regarder derri��re elle si quelque objet bizarre
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