Conscience | Page 5

Hector Malot
cocher arr��ta son cheval et voulut revenir en arri��re. Qu'est-ce qu'il y a? J'ai d��pass�� l'h?tel Racine.--Continuez. Je ne tiens pas plus �� l'h?tel Racine qu'�� un autre.--Voulez-vous l'h?tel du S��nat?--Le nom me va mieux encore; c'est peut-��tre un pr��sage.? Il me conduisit �� l'h?tel du S��nat, o�� avec ce qui me restait de mes quatre-vingts francs, je payai un mois d'avance. J'y suis rest�� huit ans.
--C'est dr?le.
--Que faire? Je connaissais le latin et le grec aussi bien qu'homme en France, mais pour le reste j'��tais ignorant comme un cuistre. Le matin m��me, je cherchai �� tirer parti de ce que je savais, et m'en allai chez un ��diteur de livres classiques dont j'avais entendu parler par mon professeur de litt��rature grecque. Apr��s m'avoir interrog��, il me donna �� pr��parer un Pindare avec des notes en latin et m'avan?a trente francs qui me firent vivre un mois. Ce qui m'avait amen�� �� Paris, c'��tait l'envie de travailler, mais sans que je me fusse dit �� l'avance �� quoi je travaillerais; j'allai partout o�� des cours ��taient ouverts: �� la Sorbonne, au Coll��ge de France, �� l'��cole de droit, �� l'��cole de m��decine, et ce ne fut qu'apr��s un mois que je me d��cidai: les subtilit��s du droit m'avaient d��plu; au contraire, l'enseignement de la m��decine reposant sur l'observation des faits m'attirait: je serais m��decin.
--Tout �� fait un mariage de raison, allez.
--Non, un mariage d'amour; car la raison, si je l'avais consult��e, m'aurait dit qu'��pouser la m��decine quand on n'a rien, ni famille pour vous soutenir, ni relations pour vous pousser, c'est se condamner �� une vie d'��preuves, de luttes et de mis��re, dans laquelle les mieux tremp��s laissent lambeau apr��s lambeau la sant�� physique aussi bien que la sant�� morale, leur force comme leur dignit��. Mon temps d'��tudes fut heureux; je travaillais; et avec quelques le?ons de latin que je donnais j'avais de quoi manger. Quand je touchai comme interne six cents francs, huit cents francs, neuf cents francs, je crus que c'��tait la fortune, et je serais rest�� interne toute la vie si j'avais pu. Re?u docteur, je dus quitter l'h?pital. Riche de quelques milliers de francs, j'aurais suivi rigoureusement la voie que mon ambition avait r��v��e, celle des concours. Mais je n'avais pas un sou pour attendre. En soignant la ma?tresse d'un de mes camarades, j'avais connu un tapissier qui me proposa de meubler un appartement que je payerais plus tard....
--Comme pour une cocotte.
--Justement. Je me laissai tenter. N'oubliez pas que j'avais pass�� huit ans �� l'h?tel du S��nat et que je ne savais rien de la vie parisienne; chez moi! dans mes meubles! un domestique dans mon antichambre, j'allais ��tre quelqu'un. Mon tapissier aurait pu m'installer dans son quartier qu'il m'aurait peut-��tre trouv�� des malades dans la client��le de la haute noce; mais il n'en eut pas l'id��e, jugeant sans doute qu'avec ma tournure lourdaude je n'��tais pas fait pour r��ussir dans ce monde-l��: arriv��, c'est une originalit�� d'��tre paysan, on vous trouve fort; en route, c'est une honte. Ce fut rue Louis-le-Grand, dans une maison d'aspect grave, qu'il me choisit l'appartement qu'il meubla: un salon magistral avec six fauteuils et deux canap��s Louis XIV de grand style, un cabinet aust��re et confortable �� la fois, rien dans la salle �� manger, un petit lit en fer et une chaise de paille dans la chambre. Me voil�� donc pr��t �� descendre dans la lutte avec dix mille francs de dettes derri��re moi, les int��r��ts, les tr��s gros int��r��ts de cette somme, un loyer de deux mille quatre cents francs, pas un sou en poche, pas une relation...
--C'��tait de la bravoure.
--Je ne savais pas que dans Paris tout se fait par relations, et j'imaginais que des bras solides suffisent �� un homme intelligent pour s'ouvrir une trou��e. L'exp��rience allait m'instruire. Quand un nouveau m��decin arrive quelque part, ce n'est g��n��ralement pas avec sympathie que ses confr��res l'accueillent: ?Que veut cet intrus? n'��tions-nous pas d��j�� assez nombreux!? On le surveille, et, au premier malade qu'il perd, on tire parti de son ignorance ou de son imprudence, de fa?on �� lui rendre la place difficile. Chez les pharmaciens de mon quartier, auxquels je devais aussi une visite, la r��ception ne fut pas plus chaude; on me fit sentir la distance qui s��pare un honorable commer?ant d'un cr��ve-la-faim, et je dus comprendre qu'on ne me prot��gerait que si j'ordonnais les sp��cialit��s qu'on exploitait, le fer de celui-ci, le goudron de celui-l��. En commen?ant, je n'eus donc pour clients que les gens du quartier, dont le principe ��tait de ne pas payer leur m��decin, attendant l'arriv��e d'un nouveau pour quitter l'ancien,--et l'esp��ce en est nombreuse partout. Le hasard avait voulu que mon concierge f?t Auvergnat comme moi, et il consid��ra que c'��tait un devoir pour lui de me faire soigner gratis tous
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