Comte du Pape | Page 2

Hector Malot
de l'aube, pour tourner les yeux vers un jeune homme qui, �� demi ��tendu sur la banquette vis-��-vis d'elle, dormait �� poings ferm��s.
Plusieurs fois elle s'��tait pench��e sur lui, mais il ne s'��tait point r��veill��.
Il ��tait ��vident qu'elle trouvait ce sommeil intempestif.
Enfin, n'y tenant plus, elle posa doucement sa main sur le poing ferm�� du dormeur.
--Aur��lien, Aur��lien.
Il se souleva.
--Ah! comme je dormais bien, dit-il d'un ton de regret, et je r��vais encore; un r��ve charmant!
--Alors vous ��tes fach��?
--Je suis fach�� que vous m'ayez enlev�� B��reng��re, ch��re maman, voil�� tout.
La m��re mit vivement un doigt sur ses l��vres, en montrant d'un coup d'oeil rapide les compagnons de voyage qui occupaient le coin oppos�� au leur.
--Il n'y a pas de danger, dit-il en souriant �� demi.
Et de fait, il ne paraissait point que ces compagnons de voyage pussent ��tre attentifs �� ce qui se passait autour d'eux.
C'��taient deux eccl��siastiques italiens qui ��taient mont��s �� Spol��te. Comme il faisait nuit �� ce moment, ils s'��taient install��s, chacun dans son coin, et ils ��taient rest��s en face l'un de l'autre, n'��changeant que quelques paroles de temps �� autre. Mais quand le jour s'��tait lev��, ils avaient tir�� leurs br��viaires de leurs poches et ils s'��taient mis �� lire dedans �� voix basse, articulant seulement les mots des l��vres et faisant le signe de la croix aux endroits oblig��s, discr��tement et �� la d��rob��e. Mais peu �� peu ils s'��taient laiss��s aller �� la force de l'habitude, et, se tassant dans leur compartiment, comme dans une stalle, allongeant leurs jambes devant eux, renversant la t��te en arri��re, ils avaient ��lev�� la voix, alternant l'un l'autre, et se r��pondant comme s'ils ��taient dans leur chapelle et c��l��braient publiquement l'office. Les signes de croix se faisaient �� pleins bras, et les _Dominus_, les _Deus_, les Amen ronflaient �� pleine voix avec cette prononciation italienne qui donne tant de sonorit�� aux mots.
Il n'y avait pas apparence que ces deux pr��tres primitifs s'amusassent �� ��couter la conversation de leurs voisins.
--C'est ��gal, dit la m��re en tournant les yeux de leur c?t��, mais sans tourner sa face.
Et tout de suite elle aborda un autre sujet de peur que son fils parlat ?de B��reng��re.?
--Ne voulez-vous pas conna?tre les pays que nous traversons? dit-elle.
--Ma foi, ch��re maman, r��pondit-il gaiement, je ne suis pas malheureusement comme vous, qui ne connaissez ni la faim ni la soif, ni le sommeil, ni la fatigue.
--Il y a temps pour tout; quand il n'y a rien �� voir, je dors; quand il fait jour, j'ouvre les yeux et je regarde; nous devons tout utiliser, m��me nos plaisirs.
--Alors utilisons-les, ch��re maman, dit-il en riant. Et, abaissant la glace, il se mit �� regarder le pays qu'ils traversaient.
--Cette rivi��re aux eaux jaunes, c'est le Tibre, dit-il.
--Le Tibre?
--Oui, la rivi��re qui traverse Rome.
--Je vous en prie, dit-elle en baissant la voix, quand vous me parlez de quelque chose ou de quelqu'un, d'une rivi��re, d'un monument, d'un personnage, faites-le de fa?on �� ce que je vous comprenne sans que j'aie besoin de vous interroger. Vous savez que par malheur je n'ai pas eu d'instruction. Et cependant je vis dans un monde o�� je dois para?tre ne rien ignorer de ce que l'on sait g��n��ralement. A quelles difficult��s je me heurte, vous ne le croiriez jamais. Cela va ��tre encore plus sensible dans cette ville, o�� tout, le pass�� comme le pr��sent, m'est inconnu. Cependant il est important, il est d'une importance capitale pour vous que je ne dise pas de sottises et que je n'en fasse pas. Guidez-moi, vous qui savez. Ainsi tout �� l'heure, pourquoi ne m'avez-vous pas dit: ?Cette rivi��re que nous longeons est celle qui traverse Rome, c'est le Tibre.? Je n'aurais pas eu besoin de vous interroger, et je vous assure que j'aurais retenu ce que vous m'auriez dit. Tachez �� l'avenir de proc��der de cette mani��re, surtout quand nous sommes en public. Sans doute c'est le monde renvers��: ordinairement ce sont les parents qui instruisent les enfants, et ce que je vous demande, c'est que le fils instruise la m��re. Le voulez-vous?
--Mais assur��ment, ch��re maman.
Cependant le train avait continu�� de rouler, et, apr��s avoir travers�� la campagne romaine, il ��tait arriv�� en vue d'un rempart de briques noircies par le temps; puis, apr��s avoir pass�� �� travers ce rempart, il avait ralenti sa vitesse et bient?t il s'��tait arr��t��.
On ��tait �� Rome.
Apr��s s'��tre tant bien que mal d��fendus contre les cochers, les domestiques de place, les guides, les porteurs, la m��re et le fils avaient fini par s'installer dans l'omnibus de l'_h?tel de la Minerve_, et, en un quart d'heure, �� travers des rues ��troites et rapides, ils ��taient arriv��s �� cet h?tel.
Ils trouv��rent au second ��tage le salon et les deux chambres qui leur ��taient n��cessaires.
--Madame mange-t-elle �� table d'h?te? demanda le secr��taire.
--Certainement.
--A quelle table?
--Comment
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